Une exposition consacrée à l'architecture japonaise
La qualité des réalisations est très inégale. Elle peut relever du meilleur : la plus belle modestie (le jardin d'enfants, de Yatsuhiro, agence Mikan), la plus immédiate beauté (école Kaze No Wa, sur l'île d'Hokkaido, agence Jun Igarashi), ou la plus complexe (Musée des sciences de Tokamachi, agence Tezuka), le mystère le plus reposant enfin (crématorium de Nakatsu, de Fumihiko Maki)... Mais il y a aussi le pire, sans même qu'on ait à le nommer, et qui pourtant participe de la vitalité du Japon et de ses villes.
Pour éviter, peut-être, un classement temporel ou qualitatif, Riichi Miyake, commissaire de cette exposition organisée par l'Institut japonais d'architecture (AIJ) et la Japan Foundation, a imaginé une série de "cycles". Le principe marche bien avec les aléas de la vie (du berceau au tombeau), moins avec la culture et l'habitat, assez mal avec la ville. Prenons-les pour des thèmes, évacuons la rhétorique plus ou moins biologique qui les accompagne, et l'exposition remplit alors son office.
De son côté, Tarô Igarashi propose dans l'exposition une analyse, qui vise à montrer que les bâtiments créés sont liés à la conjoncture. Par exemple ce qu'on appelle une architecture de la post-bulle, entendons ici la bulle spéculative. En gros, la bulle japonaise éclate en 1990 et cette réaction en chaîne se poursuit jusqu'au début des années 2000. Selon Igarashi, la chute de l'immobilier a mis fin - et c'est une bonne chose - à la tendance "postmoderniste" de l'architecture, à savoir "un engouement pour les formes extravagantes et les ornements excessifs". Quant au tremblement de terre de Kobé, en 1995, il aurait porté un coup d'arrêt au "déconstructivisme", "une conception de l'architecture qui utilise la métaphore du chaos et professe d'obscures théories", et qui, de fait, devient passablement indélicate face au drame qui vient de se jouer. De ce double choc - immobilier et Kobe - viendrait la nouvelle génération d'architectes, puriste et néomoderne des Kengo Kuma, de Toyo Ito, de l'agence Sanaa (l'auteur du futur Louvre de Lens), de Riken Yamamoto.
L'hypothèse, élégante comme un théorème scientifique, ne prend pas en compte deux facteurs essentiels : l'excellence des écoles japonaises d'architecture, le recours très fréquent à un corps de professionnels beaucoup plus actifs et nombreux que dans d'autres pays occidentalisés (sans doute la conscience du caractère éphémère du bâti).
De plus, l'analyse est contredite par des exemples donnés au mur. Beaucoup de projets échappent au propos en raison de la longue durée propre à l'architecture et à l'urbanisme. Que faire de Tadao Ando, Yoshio Tanigushi, Fumihiko Maki, qui ne sont jamais départis de leur calme initial ? Que faire à l'inverse de personnalités foncièrement ludiques comme Terunobu Fujomori, présenté à la Biennale d'architecture de Venise 2006 avec ses maisons de thé perchées dans les arbres ?