Un impressionnant îlot culturel à Clichy-Batignolles
Le programme est complexe, il s’agit de faire cohabiter sur une même parcelle un cinéma multiplex de sept salles, un centre d’animation, une salle de spectacle et de danse ainsi que 342 logements (dont 153 logements sociaux, 80 logements à loyer maîtrisé et 109 logements à accession) et les commerces. Un ensemble hétéroclite qu’il a fallu remanier avec tact pour que chaque entité trouve sa place au sein du grand puzzle qu’est le lot 08.
Toute surface est valorisée
L’îlot culturel des Batignolles est doté d’un emplacement stratégique. Situé à l’extrémité du 17e arrondissement parisien, il jouit d’une exceptionnelle vue sur le parc Martin Luther King et donne sur les ateliers Berthier de l’opéra de Paris qui abritent actuellement le théâtre de l’Odéon. Une situation caractéristique qui, outre les habitations, concentre diverses activités culturelles.
Les surfaces sont valorisées ©Cyrille Weiner |
Au lieu de proposer un projet fermé sur lui-même, les architectes ont opté pour l’ouverture. En effet, le centre d’animation et le cinéma déploient de larges façades vitrées en cœur d’îlot autour d’un passage en plongeon sur le parc. Ce couloir sinueux, entouré d’une abondante végétation permet les rencontres. Plus qu’un jardin intérieur, l’espace constitue une véritable suture urbaine qui forme le cœur même de la réalisation. Ce lieu de passage permet non seulement d’accéder au cinéma et son large espace culturel entièrement vitré donnant sur le parc, mais aussi aux différentes salles logées à l’étage inférieur.
Des espaces ouverts ©Cyrille Weiner |
Le centre d’animation dont la toiture est occupée par un jardin pédagogique, complète le dispositif par une grande salle de spectacle située en sous-sol ainsi qu’une pièce, consacrée à la danse, ouverte sur la rue. Un jardin collectif pour les habitants des logements de l’îlot se trouve sur la toiture du cinéma. Dans leur démarche d’optimisation de tous les espaces, les architectes ont fait de sorte à occuper toutes les toitures qu’elles soient accessibles par le public dans le cas des jardins ou celles, non accessibles, qui comportent les panneaux photovoltaïques.
Un puzzle en 3D
Par ailleurs, le projet tire parti de la topographie. Les concepteurs logent une partie importante des équipements mais aussi la totalité des parkings dans un socle partiellement enterré. Trois bâtiments émergent aux angles de ce dernier. L’architecture compose avec les vues adjacentes tout en proposant des espaces généreux répondant aux diverses exigences des différentes constituantes du programme. Chacun des programmes culturels et résidentiels s’ouvre ainsi largement sur le paysage.
Concevoir les immeubles de logement jusqu’à 50 mètres est un exercice complexe qui nécessite une réflexion particulière sur l’expression de la hauteur dans la ville. La hauteur comme marqueur par rapport à un quartier mais aussi et surtout comme une solution pratique qui dénoue certaines difficultés. A Clichy-Batignolles, les deux équipes d’architectes ont engendré un projet qui répond au programme, s’inscrit dans son contexte tout en évitant le côté répétitif et statique de la superposition des plateformes. L’idée des trois bâtiments qui partagent un principe commun tout en utilisant les éléments architecturaux des façades pour introduire un mouvement d’ensemble, a réussi à procurer un certain dynamique qui caractérise l’ensemble. Tandis que la couleur sable se caractérise par une progression ascensionnelle s’enroulant tout autour du bâtiment, le bâtiment rose se caractérise par le passage progressif d’une façade plane dans les étages bas à une façade plissée dans les étages hauts. Quant au bâtiment blanc, il est principalement vu en contreplongée. Il propose des sous-faces de balcons sculptées en pointes de diamants dont la géométrie évolue dans les étages. Les architectes nous racontent que « la recherche d’une certaine unité a conduit à utiliser un même matériau pour les façades des trois bâtiments construits en béton préfabriqué. » Il en résulte non seulement une belle homogénéité qui règne sur l’ensemble mais un joli clin d’œil à la minéralité des façades parisiennes.
Des bâtiments aux allures parisiennes ©Cyrille Weiner |
L’art n’étant jamais loin du projet, un petit coup de cœur pour une œuvre d’art située au cœur du projet. Il s’agit d’une œuvre collaborative portée par l’artiste Stefan Shankland qui présente un protocole de transformation de déchets de chantier. Baptisée « Marbre d’ici », l’œuvre se forme des gravats qui ont été réduits en poudre, mélangés à du ciment et coulés en strates, bref, il s’agit d’un intelligent recyclage à la fois utile et subtile qui a donné naissance à un nouveau matériau qui présente une sculpture horizontale se matérialisant sous forme d’un cheminement piéton sillonnant le jardin au pied des trois immeubles de l’ilot.
A Clichy-Batignolles, les deux agences d’architectures TVK et Tolila-Gilliland ont réalisé un projet remarquable !
Sipane Hoh
Photo de une ©Cyrille Weiner