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Motte-Cordonnier, l'usine culte de la bière d'Armentières

Publié le 02 avril 2002

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Certains sites industriels portent dès leur naissance une forte responsabilité culturelle. À Armentières, dans le Nord, la Brasserie Motte-Cordonnier revendique fièrement son identité
Motte-Cordonnier, l'usine culte de la bière d'Armentières - Batiweb
Certains hommes ignorent, ou veulent ignorer, que les entreprises n’échappent pas à la loi humaine : elles naissent, croissent et meurent. Ainsi va la vie. C’est le destin d’une des plus belles brasseries du Nord de la France, celle de la Motte-Cordonnier à Armantières. Une histoire comme tant d’autres mais dont les traces sont encore bien visibles aujourd’hui. Tout commence en 1749, époque où un certain Jean-Baptiste Desmazières, ancêtre des Motte-Cordonnier, se rend acquéreur d’un fond de commerce "à usage de brasserie en l’échevinage d’Armentières". À la veille de la Première Guerre mondiale, René Motte perpétue la tradition familiale. Mais surtout, il a le projet de construire une brasserie industrielle et moderne. L’homme est intelligent et il a compris tout l’intérêt des travaux de Pasteur, réalisés à la faculté des sciences de Lille, en 1858, et de l’invention du froid artificiel apparu à la fin du XIXe siècle. Ces découvertes permettent la fermentation de la levure à basse température et la production d’un produit fiable et stable, toute l’année. Or, à cette époque, les brasseurs du Nord se contentent d’une fabrication très artisanale et de médiocre qualité, destinée à un environnement proche.

De l'artisanat à l'industrie
René Motte réunit donc des capitaux. Il voit large puisqu’il achète un terrain de huit hectares sur les bords de la Lys. Le début de la guerre de 1914 va repousser ses projets. En revanche, avec la paix, il peut profiter des indemnités de reconstruction. La nouvelle usine est inaugurée en 1923. Elle est construite sur les plans de l’architecte Marcel Forest. Une autre construction, plus simple, la malterie, est implantée derrière, près de la rivière où circulent les péniches chargées de grain. Toutes les opérations de brassage peuvent se faire ici de façon rationnelle et dans les meilleures conditions. Ces différentes étapes demandent des espaces spécifiques : silos avec leurs bacs de béton, salle de brassage carrelée de blanc où se dressent trois énormes chaudières de cuivre. Le refroidissement se faisait alors dans un bassin de cuivre de 150m2 placé sous un splendide toit en ogive toujours en place. Quant au bureau patronal, logé au rez-de-chaussée de la brasserie, il possède encore son décor et son mobilier art déco. Devant le succès de l’entreprise, de nombreux édifices ont poussé sur le terrain qui s’agrandit. Une salle de dégustation néo-flamande est installée, en 1928, sous le regard de Saint Arnould, patron des brasseurs. En divers points des bâtiments, de discrets symboles maçonniques rappellent que l'élaboration de la bière est aussi une affaire de Maîtres et de Compagnons. En 1960, au moment de son apogée, un millier de personnes travaillent dans cette brasserie, la plus importante de la région : sa production atteint 800 000 hectolitres.

L'architecture au secours de l'histoire
Une succursale est créée en République centrale africaine. Dix ans plus tard, Motte-Cordonnier s’associe au groupe belge Artois qui avale à son tour les brasseries de Lorraine puis Jupiter pour donner naissance au groupe Interbrew France. Ce dernier, soucieux de faire fructifier son capital immobilier, abandonne le site d’Armentières qui devrait être largement loti. Mais la grande brasserie sera sauvée. La qualité architecturale des principaux bâtiments a en effet permis aux Monuments historiques d’intervenir.
Classer et donc sauver ces bâtiments, c’est bien, mais pourquoi faire ? C’est ici qu’intervient un passionné : Léon Ballat. L'homme a, en effet, réuni depuis des années dans un petit musée, tous les objets concernant la bière et ses modes de fabrication. La firme belge, propriétaire, est intéressée par le projet et prête son soutien. De quoi sauver l’édifice de la ruine dans laquelle il s'enfonce. Mais un tel projet nécessite une mise de fonds importante. Les collectivités locales sont alors sollicitées. Elles pourraient être sensibles à la mémoire des brasseurs du Nord. L’Est de la France possède déjà trois musées de la bière alors que le Nord en est toujours dépourvu. Et pourtant, la bière n'y est pas une simple boisson. Elle fonde, à l'image de ses brasseries emblématiques, la marque d'une identité et d'une certaine façon de vivre.

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