Migrants : les architectes créent La Ville Accueillante
La Ville Accueillante est le titre d'un livre et d'un projet de recherche-pédagogie-action qui s'est mis en place à partir de l'expérience de Grande-Synthe entre 2015 et 2017, quand la Mairie, Médecins Sans Frontières et de nombreuses associations ont tenté de mettre en place une réponse coordonnées à cette crise de l'accueil. Plutôt que de subir ce flux importants de personnes en situation d'urgence, ou pire de le nier, ce projet propose au contraire de l'intégrer dans la ville en devenir, pour en faire non pas une contrainte, mais l'occasion de faire évoluer notre vision de ce qui fait ville, et de ce qu'est l'accueil.
Des solutions déjà éprouvées
Partant à la rencontre de nombreuses initiatives à travers le monde, de l'Allemagne à la Grèce en passant par la France (Coordination Réfugiés Solidaires à Briançon, chez Cédric Herrou à La Roya, Les Aciéries à Marseille, Les Grands Voisins à Paris, Olivarius Apart Hotel à Cergy, tour de gendarmerie d'Aubervilliers), le livre permet de se rendre compte qu'il existe d'autres solutions que l'habitat d'urgence. Et que contrairement à ce que l'on pourrait penser, il est possible d'imaginer des solutions d'accueil pour les exilés, dans le temps long et au sein même des villes existantes, en étroite collaboration avec celles-ci.
De ce travail multidisciplinaire, auquel participent également un anthropologue, un géographe, une sociologue, des humanitaires, un urbaniste, un photographe, un cinéaste, un designer, l'architecte-professeur à l'ENSAPB Cyrille Hanappe et l'architecte Olivier Leclercq, naissent six scénarios possibles. Le premier consiste à construire des quartiers d'accueil : c'est celui qui vient tout de suite à l'esprit. Une deuxième option consiste à investir des logements inoccupés ou voués à la démolition. Il est également possible de construire des « Maisons de Migrants », petits bâtiments d'accueil avec des hébergements et des services dédiés. Quatrième option, investir les bâtiments tertiaires abandonnés, comme des bureaux en centre-ville ou certains entrepôts en proche périphérie. Exploiter le potentiel des « friches pavillonnaires » est également une possibilité à envisager. Enfin, un sixième scénario consiste à sécuriser les quartiers précaires, en les reconnaissant enfin comme établissements humains.
Autant d'idées fertiles qui devraient germer dans les esprits des architectes en devenir, comme de leurs prédécesseurs, pour apporter des issues heureuses à une question qui nous concerne tous.
« Penser l'accueil, c'est penser la forme de la ville de demain » (extrait)
« L'architecture de l'accueil, écrit Cyrille Hanappe, demande une grande rapidité dans son mode de production, mais elle ne peut faire l'économie de la réflexion sur le temps long et de son inscription dans des politiques urbaines globales. (…) Ces lieux de vie présentent la particularité d'avoir à penser plus que d'autres leurs transformations ultérieures, du fait même de leur objet et de leur dépassement des logiques foncières classiques. Penser l'accueil, c'est penser la forme de la ville de demain dans une approche qui intègre accompagnement de la mobilité, dignité, respect, émancipation des hommes mais également écologie, rapidité d'installation, transformation et recyclage de l'acte constructif. Le droit à la mobilité est adossé au droit à la ville. » |
La Ville Accueillante
Accueillir à Grande-Synthe, questions théoriques et pratiques sur les exilés, l'architecture et la ville
Sous la direction de Cyrille Hanappe
PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture)
Ministère de la Transition écologique et solidaire / Ministère de la Cohésion des territoires
15 euros
Laurent Perrin
Photo de une : ©Bruno Fert