Les Halles de Paris, une histoire mouvementée et une fin de suspens, demain !
L'histoire mouvementée de ce vaste ensemble de 33 hectares commence en 1135, alors que Paris s'agrandit et voit ses besoins en ravitaillement augmenter, Louis VI le Gros fera transférer le vieux marché de la place de Grève (actuelle place de l'Hôtel de Ville) au lieu-dit des Champeaux ("campelli" - les petits champs) qui rassemblait des terres marécageuses plus ou moins cultivées. C'était sur cette place que se réunissaient les ouvriers sans travail ; c'était là aussi, que les entrepreneurs venaient les embaucher ; c'est là qu'ils ont exercé, dans le temps où le travail était rare, cette exploitation pour laquelle on a inventé le mot marchandage. Quand les ouvriers, mécontents de leur salaire, refusaient de travailler à des conditions qui ne leur semblaient pas assez favorables, ils se mettaient en grève, ce qui veut dire littéralement qu'ils retournaient sur la place de Grève, en attendant que l'on vienne leur faire des propositions meilleures.
C'est
Philippe-Auguste qui fera construire, en 1183, deux grandes charpentes destinées
à abriter le marché que les Parisiens appelleront aussitôt
les Halles ("halla" - vaste lieu couvert). Saint-Louis y fera installer
la foire qui était implantée près de la léproserie
Saint-Lazare. Les Halles conserveront leur activité de marché
central durant plusieurs siècles. L'activité prendra une grande
ampleur sous le règne de Saint-Louis. Les installations seront rapidement
insuffisantes. Henri II entreprendra, en 1553, d'importants travaux d'agrandissement.
Les corporations et les artisanats s'installeront dans des ruelles qui prendront
leur nom : rues au Lard, de la Poterie, de la Ferronnerie, de la Lingerie, des
Déchargeurs... La Halle au Blé sera créée en 1765
et le Marché des Innocents en 1788.
Au XVIII ème siècle, les Halles commencent à s'engorger. En 1789, le cimetière des Innocents est à son tour aménagé en marché aux fleurs, fruits et légumes. Des problèmes d'hygiène et de circulation surgissent. Napoléon III entreprendra les travaux de modernisation peu après son arrivée au pouvoir, en 1851. Il confiera à l'architecte Baltard la tâche de construire aux Halles un ensemble de dix pavillons en métal. "Du fer, rien que du fer !"- "Faites-moi des parapluies " avait-il exigé, après avoir admiré la nouvelle Gare de l'Est: dix pavillons aux parois de verre et aux colonnettes en fonte, construits de 1852 à 1870, les deux derniers en 1936.
Croissance des besoins, saturation, rationalisation des circuits : en 1963,
le transfert est décidé. Le 27 février 1969, après
huit siècles d'existence, le "ventre de Paris" et ses marchés
de gros déménagent à Rungis pour les fruits et légumes
et à La Villette pour la viande (qui rejoindra plus tard Rungis). Cette
décision entraînera la reconversion complète de tout un
quartier de Paris. Le Premier Ministre de l'époque, Georges Pompidou,
souhaitera doter Paris d'une architecture moderne. C'est l'époque des
projets de la Tour Montparnasse, du nouveau quartier de la Défense, et
des bâtiments verticaux qui émergeront sur le Front de Seine et
à la pointe du XIIIème arrondissement. Malgré l'absence
de véritable projet urbain, les pavillons Baltard seront démolis,
à l'exception de deux exemplaires rescapés qui seront remontés,
l'un à Nogent-sur-Marne, l'autre à Yokohama au Japon.
Les Parisiens assistent avec tristesse à la disparition de ce quartier pittoresque à l'atmosphère unique, immortalisée par Zola. Point final du transfert, les pavillons du Second Empire sont détruits en août 1971, ouvrant le gigantesque et durable "trou" boueux où sera tourné une manière de western, "Touche pas à la femme blanche" de Marco Ferreri.
En 1974, Valéry Giscard d'Estaing, élu président, décide l'abandon d'un projet de centre de commerce international au profit d'un "grand jardin à la française". La RATP construit une immense gare, où convergent RER et métros. En 1978, Jacques Chirac, élu maire de Paris, se proclame "architecte en chef" et abandonne un projet de l'Espagnol Ricardo Bofill.
La dernière tranche des travaux du forum, construit sur quatre niveaux souterrains, sera achevée en 1985. Les jardins, au pied de l'église Saint-Eustache, seront ouverts au public un an plus tard. Mais les Halles ont mal vieilli, esthétiquement et fonctionnellement. En juin 2003, Bertrand Delanoë lance leur "rénovation". Il choisit une procédure de "marché de définition", pour laisser toutes les options ouvertes, estimant qu'il faut "prendre des risques".
En avril 2004, quatre équipes d'architectes (Mangin, Koolhaas, Nouvel, Maas) présentent des plans et maquettes, révisées à la baisse dans une deuxième phase. Prévue d'abord en juin, puis repoussée à l'automne, la décision doit être rendue publique le 15 décembre.
Les Halles : un réaménagement impératif
Parmi les problèmes appelant une solution rapide :
- Les pavillons imaginés par l'architecte Jean Willerval ("parapluies"), outre leur dessin contesté dès l'origine et très daté, sont attaqués par la corrosion. Leurs recoins sont inadaptés à un des sites les plus passants de Paris (sécurité, déchets, urine...). Leur entretien est difficile et coûteux. Leurs terrasses présentent des problèmes d'étanchéité. Ils abritent des équipements pour lesquels ils n'étaient pas faits (conservatoire dans ce qui devait être une serre...)
- Les accès aux transports collectifs sont insuffisants. L'essentiel des passages se fait par un escalier roulant unique, très "anxiogène", pris d'assaut aux heures de pointe.
- La salle des échanges de la gare RER est malcommode: il est difficile de s'y orienter, avec des correspondances (3 RER, 5 métros) complexes. Les conditions d'évacuation doivent être mises aux normes, comme le désenfumage. L'accessibilité aux personnes handicapées, âgées ou avec enfants est à revoir.
- Morcelé, le jardin offre des cheminements compliqués, barrés par le "cratère" du premier forum. Il n'offre que 44% de surface végétalisée praticable. L'état phytosanitaire de certains arbres est médiocre. Des problèmes d'étanchéité se posent entre dalle et sous-sol.
- Le nouveau Forum est totalement détaché de la vie du quartier.
- Les accès et sorties des voies souterraines - par ailleurs sous-utilisées - sont autant d'obstacles pour les piétons et vélos.
Le Forum des Halles, premier centre commercial de centre-ville en France
Tiré par la gigantesque Fnac Forum, son magasin "star", le Forum des Halles est aujourd'hui avec ses 160 boutiques sur cinq niveaux le premier centre commercial de centre-ville en France. Le Forum abrite de nombreuses autres enseignes "locomotives" comme H&M, Etam, Mango, Esprit, Habitat, Go Sport, Bodum ou Sephora, ainsi que 26 salles de cinéma et une vingtaine de restaurants.
Il génère au total 3.000 emplois et représente pour les commerçants 475 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont plus d'un tiers pour la Fnac. Pour plusieurs des enseignes présentes, le Forum constitue leur vaisseau-amiral: la Fnac Forum est la plus grande au monde, le magasin H&M est le premier en France et l'UGC Ciné-Cité est le premier multiplexe d'Europe, a souligné le propriétaire du Forum, la société Espace Expansion.
Le Forum accueille chaque année 41 millions de visiteurs par an, principalement des jeunes (âge moyen: 29 ans), qui viennent pour un tiers de Paris même et pour deux, tiers de banlieue. 44% des visiteurs fréquentent la Fnac. Par secteur d'activité, 35% des boutiques sont dédiées à l'équipement de la personne (prêt-à-porter, chaussures, accessoires...), 44% aux loisirs, cadeaux et culture, 11% à l'équipement de la maison, 5% à la restauration, 4% au secteur beauté-santé et 1% aux services.
Espace Expansion, filiale d'Unibail, numéro un français de l'immobilier commercial, a acquis le Forum des Halles en 1994 et a investi 40 millions d'euros ces 10 dernières années pour rénover ses espaces commerciaux, redécorés depuis de rouge et de vert. Auparavant, dans les années 80, le Forum vieillissant avait traversé une mauvaise passe. Paris intra-muros compte plusieurs autres centres commerciaux plus petits comme Bercy Village, Beaugrenelle et le Carrousel du Louvre.