Dans une récente tribune, via un communiqué de presse intitulé « Qui veut la mort des CAUE ? » Philippe Laurent, le président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, qui est également le président du Conseil d'Architecture, d'Urbanisme et d'Environnement des Hauts-de-Seine (CAUE 92) avec Jean-Sébastien Soulé architecte-urbaniste directeur de CAUE92, s’interrogent sur la pérennité des CAUE en France.
Sous forme juridique d’une association loi 1901, ces petites structures départementales composées d’architectes, d’urbanistes, de paysagistes et d’autres experts sont reconnus pour leur capacité d’écoute, leur impartialité et leur service gratuit depuis la date de leur création en 1977. Tout au long des années, les CAUE ont su devenir des références et gagner la confiance et la reconnaissance de la majorité. La loi leur a confié de vraies responsabilités.
Sauf qu’aujourd’hui, en Hauts-de-Seine la taxe qui finance ces associations oblige ces dernières à mener au chômage non seulement l’ensemble de l’équipe mais également certains prestataires. Le communiqué parle de 800 000 euros qui restent en suspens et dont on ignore la destination. Les questionnements sont nombreux et des réponses convaincantes de la part des autorités manquent. Le problème semble être récurrent et global, il touche le CAUE des Hauts-de-Seine mais aussi tous les autres CAUE, dont l’existence même est menacée par de telles mesures.
Néanmoins, il est utile de préciser qu’au niveau financier, tous les CAUE ne se trouvent pas à égalité, alors que certains sont limités par la perception d’une taxe pour le permis de construire, d’autres en plus des taxes sont subventionnés par les départements.
Le communiqué « Qui veut la mort des CAUE ? » est un cri d’alarme à prendre au sérieux dans le climat délétère qui règne en ce moment sur de nombreuses professions dont celle d’architecte. L’un des services d’information, de conseil, de formation et de sensibilisation semble être à l’agonie.
Quand l’ordre des architectes d’Ile-de-France réagit
« En tant que président de l’ordre des architectes d’Ile-de-France, j’apporte mon soutient à tous les CAUE d’Ile-de-France y compris celle de Hauts-de-Seine qui participent activement à la diffusion de l’architecture. » C’est avec ces paroles que le président de l’ordre des architectes d’île de France, Jean-Michel Daquin a réagit avec émoi à ce cri d’alarme et a livré à CyberArchi ses sentiments vis-à-vis du CAUE ; en précisant qu’il s’agit d’un précieux outil qui améliore et construit le lien entre l’architecture et le grand public sans d’énorme enjeux de dépenses publiques.
« Je suis extrêmement mécontent de l’impuissance des instances officielles qui mettent en danger de tels organismes, c’est une catastrophe pour l’intérêt public de l’architecture. » ajouta-t-il avant d’évoquer la nouvelle loi concernant l’architecture attendue avec impatience. De même il a souligné la discordance entre ces décisions et la disparition des CAUE.
Diverses réactions
Contactés par CyberArchi, quelques architectes ont souhaité donner à leur tour leurs avis sur le sujet. Parmi lesquels citons Paul Rolland (Architecte associé à l’agence 2 : pm Architecture et administrateur à la Maison de l’architecture d’Aquitaine) :
« Les CAUE ont une importance fondamentale dans le paysage du cadre bâti actuel. En effet, la loi de 1977 nous encadre tous dans l'intérêt public. Contrairement à de nombreux acteurs de la ville aujourd'hui cette loi met en avant la nécessité d'une réflexion fine sur notre environnement. » Selon l’architecte, les CAUE sont garant de la sensibilisation à l’architecture auprès des particuliers, des élus ou des collectivités. « Les CAUE, comme les maisons de l'architecture ont une mission fondamentale de sensibilisation à l'alternative. » Selon l’architecte, il faut rompre avec les clichés de l'architecte qui explose les budgets et continue à ériger des "maisons tordues dans lesquelles on ne peut pas installer de meubles" et ceci n’est possible que via l’information au public.
Vladimir Doray, (Architecte, cogérant de Wild Rabbits Architecture) : « L'architecture est une profession mystérieuse qui touche notamment à l’angoissante obligation de prendre des décisions personnelles pour faire avancer le projet. Considérez les fois où vous avez "choisi" mac do pour ne pas vous risquer dans un restaurant inconnu qui a l'air sympa mais vous ne savez pas trop. Cela vous donne un aperçu de l'incroyable défi que relèvent chaque jour les CAUE, entre deux conseils très techniques, afin de préserver nos paysages d'une "rassurante" standardisation. »
Nicolas Monnot (Cogérant de l’agence d’architecture Archivox et intervenant aux journées d’information pour les lycéens sur la formation et les métiers de l’architecture épaulé par le CAUE) réagit également à cette annonce :
« Alors même que Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, annonçait dans son discours du 17 Novembre 2014 lors de la remise de l’Equerre d’Argent du Moniteur, des mesures très concrètes dans une stratégie nationale de l’architecture, le cri d’alarme des CAUE n’en est que plus étonnant et déroutant. Un des trois axes du Ministre était en effet, je cite : " sensibiliser, tout d’abord, parce qu’il faut créer un désir d’architecture chez nos concitoyens et développer une véritable culture de l’architecture. Cela passe par des actions de sensibilisation auprès du grand public et un travail de terrain, notamment avec les élus locaux.". Or cette mission est celle des CAUE instituée par la loi du 03 Janvier 1977 sur l’architecture. D’une part parce que les CAUE sont un réseau départemental capable d’intervenir sur le terrain localement et d’autre part parce qu’ils apportent des approches très différentes : techniques, environnementales, architecturales et patrimoniales.
Déjà en 2013, planait une possible fusion des CAUE par le projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique, leur faisant perdre toute autonomie. Aujourd’hui, les CAUE sont de nouveau en danger par manque de retour des taxes dites TDCAUE. Faut il encore répéter que l’architecture est une expression de la culture, qu’elle est à ce titre d’intérêt public et que sa diffusion passe par les CAUE ? »
Sommes-nous à l’aune de la disparition d’un service qui a quarante ans, jusque là jugé utile et obligé de se soumettre à de sombres motifs financiers ?
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Sipane Hoh