Depuis la nuit des temps les hommes exploitent à Senans dans le Doubs des gisements de sel. A l’image d’un lieu de culte, c’est en fait un véritable temple à la gloire d’un produit sacré qui s’est élevé avec le temps.
Le sel a toujours été un aliment essentiel à la vie et un bien précieux toujours protégé. L’existence des salines de Salins-les-Bains sont attestées dès le début du Moyen Age, au Vème siècle. Aujourd’hui, c’est en plein centre ville que se dresse, massif et sans fioritures, l’ancien centre d’exploitation des salines qui occupait jadis 22 hectares. Les sources d’eau salée, matière première capitale, dont le sel était extrait, étaient considérées comme stratégiques et de ce fait placées sous haute protection militaire. Les installations préindustrielles étaient protégées par des murs aussi imposants que des remparts. Il n’en reste aujourd’hui qu’une porte monumentale. Le plus important des ateliers, toujours présent, est un édifice de 150 mètres de long, ponctué de deux hautes cheminées en briques, encore équipé des fourneaux et des chaudières de la dernière période. Le travail du sel était dangereux et pénible en raison des perpétuelles émanations de chlore. Car c’est ici en effet que s’effectuait la cuisson de la saumure et la cristallisation du sel. Le mode de production, immémorial, consistait simplement à chauffer la saumure dans ces grandes cuves métalliques qui pouvaient contenir jusqu’à 45 000 litres, jusqu’à l’évaporation de l’eau. A côté de cet atelier, se trouve toujours l’ancien bâtiment de la direction et l’entrée des galeries qui permettent d’accéder aux sous-sols. La saumure était recueillie dans des puits, alimentés par des sources d’eau salée. Ces puits étaient situés dans des salles voûtées toujours très spectaculaires et qui furent construites au XIIème siècle sur les restes d’une exploitation encore antérieure. Le système d’exhaure mis en place en 1750 est encore aujourd’hui très impressionnant avec sa grande roue hydraulique, mue par une chute d’eau, qui transmettait un mouvement alternatif grâce à un système de barres articulées.
Un tel dispositif n’est pas sans rappeler celui de la machine de Marly qui acheminait l’eau à Versailles. Cette roue fut réutilisée un siècle plus tard quand on installa une nouvelle pompe aspirante pour aller chercher la saumure à plus de 240 mètres de profondeur. Ces anciennes salines, qui ont failli être détruites, sont aujourd’hui, pour la ville de Salins-les-Bains, un atout touristique. Certes, la station thermale existe toujours, et l’on trouve même un casino à l’intérieur des anciens bâtiments de la direction. Mais la ville est désormais passablement endormie depuis que son activité industrielle s’est définitivement arrêtée en 1962. Quatorze siècles d’existence ! Toutefois, on ne saurait passer sous silence le fait qu’au XVIIIème siècle, la suractivité de Salins-les-Bains donna naissance, sur ordre du roi Louis XV, à la création d’une annexe à Arc-et-Senans, à une vingtaine de kilomètres de là, en bordure de la forêt de Chaux. En effet, il était plus facile de faire venir l’eau que de convoyer du bois, matière première indispensable pour alimenter les chaudières. L’ensemble industriel d’Arc-et-Senans fut donc construit de toutes pièces par Claude-Nicolas Ledoux. Un personnage pour le moins étonnant. Ce simple inspecteur des salines doit en effet sa promotion à la comtesse du Barry. C’est entre 1774 et 1778 que cette manufacture vit le jour. Son architecture, tout à la fois fonctionnelle et symbolique, était pour le moins révolutionnaire et le demeure encore aujourd’hui. Claude-Nicolas Ledoux fait en effet partie de ce courant architectural que l’on a dénommé, a posteriori, utopique. Les bâtiments sont en arc de cercle et la maison du directeur est au centre du dispositif. Plus tard, Ledoux envisagea la conception d’une cité idéale circulaire qui n’a malheureusement jamais vu le jour.