La naissance mouvementée de l’Arche de la défense
Un simple croquis en guise de projet
Cette arche était un simple cube évidé de forme gigantesque. Le résultat acquis, on s’empressa de téléphoner au Danemark pour informer le lauréat… qui ne répondit pas, il était à la pêche. C’est accompagné d’Erik Reitzel, ingénieur-conseil que Spreckelsen se rendit enfin à Paris. Où l’on découvrit un homme peu facile, complexé et surtout très étonné. Il avait remporté le concours sur un simple croquis. François Mitterrand, de son côté, plutôt inquiet, exigea une animation du projet grandeur nature. Une plate-forme de 400 mètres carrés, conçue par Reitzel, fut hissée à la hauteur prévue pour le sommet de l’arche au moyen d’une énorme grue que l’on avait fait venir de Bordeaux, sans autorisation. Mitterrand acquiesça. L’Assemblée nationale et le Sénat suivirent. Une société d’économie mixte voit le jour, Tête-Défense, chargée, sous la direction de Robert Lion et de Jean-Louis Subileau, de trouver des investisseurs permettant son financement. Spreckelsen, artiste plus qu’architecte, ne s’intéressait guère à la construction elle-même et avait même pensé vendre tout bonnement son dessin. Il accepta finalement de s’adjoindre un architecte d’exécution. Ce fut Paul Andreu (aéroport d’Orly et de Roissy). Et ne s’intéressa finalement qu’à l’esthétique de l’édifice et pas du tout à la distribution intérieure. En 1985, le chantier commença. Un chantier novateur, car on n’avait jamais fait face à un tel cube évidé. On creusa à pas moins de 14 mètres pour établir les piles élliptiques sur lesquelles vinrent prendre place deux ailes, qui s’élevèrent rapidement, maintenues en place par d’énormes " butoirs " transversaux, de 70 mètres de portée, réajustés constamment. Le chantier se déroula dans des conditions de travail assez difficiles : il y eut deux morts. On passa ensuite à l’édification du sommet, gros défi technique : il fut soutenu par quatre " mégapoutres " de 70 mètres de long, coulées dans des coffrages métalliques mobiles, et portées par des consoles en porte-à-faux de 21 mètres. Deux mille architectes, ingénieurs, compagnons, ouvriers travaillaient sur le chantier sous l’œil d’un Spreckelsen difficile à vivre et ne parlant que danois. Puis arriva 1986 et la cohabitation.
Alain Juppé fit savoir à Robert Lion qu’il pouvait transformer ce Carrefour de la communication en…supermarché ! Dans le même temps, Spreckelsen abandonnait le chantier et mourut peu de temps après emporté par un cancer. C’est donc Reitzel qui en acheva la construction en août 1989. Robert Lion, de son côté, réussit le tour de force de vendre l’arche à des sociétés privées. L’Etat fit l’acquisition d’une partie du bâtiment pour y installer le ministère de l’Equipement. Sur l’ensemble de l’édifice, des milliers de mètres carrés restent sans emploi parce que privés de lumière naturelle. Alors, réussite ou échec ? L’avenir le dira.