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Et sous la manche s’ouvrit, un mince fil de 100 milliards de francs

Publié le 23 janvier 2002

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Le 6 mai 1994, la Grande-Bretagne cesse d’être une île…Après moult tergiversations, îliens et continentaux s’accordent enfin. Une histoire qui doit beaucoup au mal de mer de la Reine Victoria…
Et sous la manche s’ouvrit, un mince fil de 100 milliards de francs - Batiweb
“ L’Angleterre n’est plus une île ”… Nous sommes le 21 janvier 1986 et cette phrase fait la une de la plupart des journaux français, une phrase qui aura mis à contribution de nombreuses volontés avant de se concrétiser. Comme tout projet un peu fou, le tunnel sous la manche est né d’une idée: celle de Thomé de Gamond qui suggère l’immersion d’un tronçon de fer sous la mer. Nous sommes alors en 1830. Quelques années plus tard, il reçoit le soutien de la Reine Victoria. Victime du mal de mer, cette dernière accueille très favorablement ce projet qui lui laisse entrevoir la fin de ses souffrances. Nous sommes aussi en pleine effervescence technologique avec l’avènement du télégraphe en 1857 et la création de la première ligne téléphonique sous-marine en 1860. Avec l’exposition Universelle d 1867, la soif de technologie est à son apogée. La réalisation du tunnel est alors estimée à 225 millions de francs et six ans de travaux. La maison de Rothschild et la Compagnie du chemin de fer du Nord permettent le forage d’un premier puit de 100 m, côté français à Sangatte. Nous sommes en 1876. Quatre ans plus tard, les Anglais creusent à leur tour. Mais l’entente cordiale suscite des réactions… Dès les années 1882-1883, les premiers anti-tunnels apparaissent. Leur revendication? En ouvrant un accès à l’île hors de portée de la flotte britannique, le tunnel menacerait la sécurité de la Grande-Bretagne. La presse et les milieux politiques s’emparent, à leur tour, de l’argument…La Grande-Bretagne stoppe les travaux. Bilan ? 1 839 mètres creusés depuis les côtes françaises et 1 920 mètres de l’autre côté du Channel. Après une longue période d’inertie, le projet revient à l’ordre du jour, soutenu par Harold Wilson et Georges Pompidou. Un consortium d’études prévoit un financement privé de 30 %, le reste demeurant à la charge des deux états. Hélas pour le tunnel, le Premier ministre anglais perd les élections et le Président français disparaît. De plus, du côté anglais, le choc pétrolier devient un argument majeur pour abandonner… Quant à Margaret Thatcher qui arrive au pouvoir en 1979, elle n’y voit qu’un moyen de faire face aux problèmes des dockers. François Mitterand, lui, serait plutôt favorable au projet. Il y voit même un excellent moyen de relancer l’économie d’une région dévastée: celle de Pierre Mauroy qu’il vient d’installer à Matignon. Dialogues et concessions se succèdent et le projet d’un tunnel ferroviaire à financement privé est enfin adopté. Il comprend 150 km de tunnel dont plus de 100 se trouvent sous la mer. Si la prouesse technique est sans comparaison, il n’en va pas de même de son financement. Le coût des infrastructures dépasse les 100 milliards de francs, soit le double de l’estimation initiale et les 200 000 petits porteurs qui ont cru en la rentabilité du projet attendent toujours leurs dividendes! Les bénéficiaires de l’opération ? Tous ceux, qui comme la reine Victoria ne supportent pas les caprices de la mer…

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