La mission en 1935 était jugée impossible. Le barrage de Génissiat, après un chantier de 11 ans et une série de péripéties devint en 1948 le symbole de l’exploit et de la reconstruction.
La construction du barrage de Génissiat, sur le Rhône, figure en bonne place parmi les chantiers les plus prodigieux réalisés en France par les hommes. En 1930, alors que la France manquait cruellement de houille blanche, des ingénieurs eurent l’idée d’établir un barrage sur une faille de 2 mètres de large sur 100 de profondeurs, dans laquelle l’intégralité du débit du Rhône disparaissait. En 1937, l’optimisme régnait et le chantier débuta avec l’entreprise Chagnaud, titulaire du marché pour un budget de 44 millions de francs et un délai de 36 mois. Sa première tache fut d’organiser le détournement du fleuve dont le débit, à cet endroit, n’était jamais inférieur à 150 m3 secondes. On dépassa alors très vite les estimations. Il fallut en effet plus de deux ans pour percer sur chaque rive deux grands tunnels entièrement bétonnés pour canaliser l’eau. On construisit ensuite 2 ponts afin que les camions puissent amener la roche destinée à la retenue d’eau. A la fin de l’année 39, en grande pompe, on inaugurait cette magnifique dérivation provisoire qui à elle seule représentait un exploit. L’année 40 vint bouleverser le beau projet. Malgré la mobilisation, la société GTM qui avait pris la suite de l’entreprise Chagnaud continuait vaille que vaille les travaux, lesquels étaient freinés par la construction, dans la vallée, de logements sociaux pour les ouvriers. C’était sans compter sur le repli de l’Armée des Alpes. Dans la nuit du 22 juin 40, les officiers, jugeant le barrage stratégique, fermèrent les vannes des dérivations. Sous la pression, en quelques minutes, le fleuve ouvrait une large brèche dans le mur de retenue. L’ensemble du chantier avec fut englouti sous une vague colossale, emportant des milliers de tonnes de roche et tous les matériels, noyant la vallée mais ne faisant aucune victime. Un sabotage aussi grandiose qu’inutile. Les travaux reprirent néanmoins, manuellement, car les machines de TP, avant 1940, venaient essentiellement des Etats-Unis. La construction vécut au ralenti pendant l’occupation. A plusieurs reprises, l’installation fut modestement et pour le principe sabotée, le site n’offrait en effet aucun intérêt pour les Allemands. En 44 le chantier fut brutalement déserté par 700 des1000 ouvriers qui le même jour partirent rejoindre les rangs des FFI. En 1945, le gouvernement décida de faire de Génissiat le symbole de la reconstruction française. L’ouvrage aborda sa troisième vie. Grâce aux larges moyens qui furent donnés aux ingénieurs, il fut presque entièrement construit en moins de 48 mois. Un record absolu de productivité dans un pays qui manquait de tout. Avec ses 500 000 m3 de béton, sa hauteur de 104 mètres de retenue d’eau et, sous sa muraille, ses 6 turbines ultra modernes, le barrage devenait dès 1949 l’usine hydroélectrique la plus importante du pays. A lui seul, l’ouvrage de Génissiat assurait en 1950 plus de 4% de la production électrique. Lors de son inauguration de le Président Herriot déclarait que la France avait construit à Génissiat son Niagara. Un Niagara fort utile certes, mais dont la construction avait duré 11 ans au lieu des 36 mois prévus et dont le budget, allégrement et en toute discrétion, était passé de 44 millions de francs à plus de 4 milliards. Des chiffres et une épopée qui font aujourd’hui de Génissiat un grand barrage mais aussi un grand Mythe.
Arch CNR, E. de Roux ed du patrimoine industriel et Le Moniteur.