Deux gares, deux ambiances et une seule griffe
Elles accueillent le train à trente mètres sous terre, dans des ambiances dignes de science-fiction, tout en mettant l’humain au cœur de leur intention. D’une part, la gare de Neuilly-Porte Maillot, et de l’autre, La Défense-Grande Arche, deux équipements aussi utiles que nécessaires. C’est dans le cadre du développement du transport en Île-de-France, avec la prolongation vers l’ouest du RER E, depuis le terminus Haussmann Saint-Lazare jusqu’à Mantes-la-Jolie, que le projet, porté par SNCF Réseau, a été octroyé à l’agence Duthilleul.
Si à la porte Maillot, le creusement a été réalisé depuis le sol de la ville, à La Défense, c’est depuis le parking situé sous le CNIT que les travaux ont débuté. Dans les deux cas, l’opération s'est avéré délicate. Nous nous rappelons tous l’absence de voûtes aux deux gares parisiennes du RER E Haussman-Saint-Lazare et Magenta, mises en services en 1999, et elles aussi signées Duthilleul. Ce dernier, rompu à cet exercice difficile, renouvelle ainsi la même technique et le résultat est tout simplement admirable.
Si chacune des gares a son propre caractère, certains points communs se font remarquer, comme par exemple l’existence de grands balcons surplombant les quais et qui facilitent le flux des passagers. Le soin apporté aux matériaux et à la luminosité des lieux est également à souligner. 35 000 voyageurs par jour pour l’une, 70 000 voyageurs par jour pour l’autre. Les deux gares constituent deux nœuds importants qui drainent divers passagers. Ces derniers, venant de loin ou de la station d’à côté, ont ainsi droit à des espaces de grande qualité.
©Didier Boy de la Tour
Neuilly-Porte Maillot, bienvenue vers le futur
La construction de la gare du RER E Neuilly-Porte Maillot change radicalement l’aménagement de tout un quartier. En effet, pour l’opération, le rond-point de la Porte Maillot a été supprimé au profit d'un grand axe reliant les avenues de la Grande-Armée côté Paris, et Charles-de-Gaulle côté Neuilly-sur-Seine. Plusieurs aménagements les ont complétés, comme le parvis du Palais des Congrès en partie planté, ou encore la création d’un nouveau plancher de verre de 120 mètres de long et 10 mètres de large, en limite sud du parvis, qui sert également à apporter la lumière du jour dans la gare et jusque sur les quais.
Une gageure qui a nécessité une ingénierie de pointe qui mérite reconnaissance. Depuis les quais vers les sorties et les correspondances, l’usager emprunte des escaliers mécaniques ceints de volumes en aluminium poli, légèrement perforés, qui reflètent la lumière tout en laissant passer le regard. Un petit coup de cœur pour l’élaboration savante de ce monde fantastique où se croisent allègrement les butons, passerelles et escaliers. La grande cheminée, où a été construite la nef centrale qui prend place entre la station de métro de la ligne 1 et le parking du Palais des Congrès, constitue une autre pièce de génie marquant la grande habilité de l’agence Duthilleul.
Tandis que côté Neuilly-sur-Seine, le passager emprunte un escalier mécanique descendant sur une dizaine de mètres pour atteindre le balcon périphérique, la descente côté Paris est ponctuée par des alignements de grandes lanternes suspendues sous des toiles acoustiques de couleur rouge foncé. Quelque chose de théâtral et chaleureux vient ainsi rehausser l’ambiance minérale, où se croisent le béton et le marbre. Un environnement plus domestique, composé de sols en bambou huilé, de béton de fibre perforé et de lustres diffusant une lumière chaude, accueille les voyageurs sur les quais. A la Porte-Maillot, le futur est teinté d’une note énergique et éclairée.
©Didier Boy de la Tour
La Défense-Grande Arche, sous le CNIT, le nouveau monde
La gare du RER E La Défense-Grande Arche a été réalisée directement sous le CNIT, et à trente mètres sous terre, afin d’éviter l’encombrement du quartier. Encore une fois, il s’agit d’un savoir-faire à part entière qui a nécessité la reprise en sous-œuvre des charges verticales du CNIT, ainsi que de toutes ses infrastructures qui s’échelonnent sur cinq niveaux. L’agence Duthilleul a construit un grand plateau de béton prenant appui sur vingt colonnes, sur lequel allaient reposer les installations du CNIT.
Dans cet imbroglio mené par une main de maître, et pour permettre aux voyageurs de trouver facilement leur chemin, prennent place confortablement les quais et le balcon périphérique. De même, la plupart des galeries ou circulations verticales qui relient le volume central aux différentes sorties ont été élaborées sous les sous-sols du CNIT. Ici, l’univers est plus doux. Pour contrôler l’ambiance acoustique et lumineuse, les architectes ont mis en place un plafond de lattes de bois absorbant. On retrouve également, comme à la gare de la Porte-Maillot, des lustres conçus avec l’artiste Patrick Rimoux, et réglés différemment selon leur emplacement sur les quais ou sur le balcon, afin d’offrir aux voyageurs tout le confort nécessaire sans les éblouir.
Le quai central ressemble à un grandiose salon meublé de bancs de bois conviviaux, tandis que les parois nord et sud se parent de superbes rideaux ondulants réfléchissants, qui constituent un petit trait d’amusement. Le sol des espaces d’accès est couvert de marbre de Carrare, et la sortie vers le CNIT a été ménagée dans une faille étroite permettant une remontée spectaculaire vers les galeries supérieures. Sous le CNIT, un nouveau monde a été créé.
Sipane Hoh
Photo de une : ©Didier Boy de la Tour