Depuis toujours la cabane a constitué un exercice à part qui a séduit les architectes. Parmi les plus connus : Le Corbusier, qui a construit son Cabanon de 15m², classé aujourd’hui monument historique. Réaliser une cabane est pourtant un acte très simple pour les plus grands architectes qui se sont frottés à des exercices beaucoup plus complexes mais c’est une idée qui attire, qui renvoie à l’imaginaire de l’enfance et qui défie la capacité de construire un très petit espace.

Depuis plus de trente ans, Francis Briest, le propriétaire du Donjon de Vez, invite les artistes contemporains à créer in situ. Cette année, l’idée est originale : il s’agit d’une édition spéciale qui, sur la proposition d’Alexandre Devals avec la galerie Philippe Gravier, regroupe des cabanes d’architectes. Ces derniers, dispersés et suivant un parcours étudié avec tact, offrent à tous les visiteurs du site une belle échappée culturelle, où l’architecture est en symbiose avec la nature.

Des pavillons du XVIIIème siècle aux structures métalliques

« Le XXème siècle a monumentalisé l’architecture au détriment de chacun et de son rapport à la nature. Le XXIème siècle sera celui des cabanes », déclare Alexandre Devals. Ainsi, le visiteur déambule dans les espaces extérieurs du fameux Donjon de Vez et découvre une multitude d’œuvres en harmonie avec celles de la collection permanente, qui comportent déjà des signatures de renom comme Tadashi Kawamata ou encore Serge Mansau.

Parmi les quelques pépites, le visiteur peut entrer à l’intérieur de la cabane d’Odile Decq, le Pavillon noir, une réalisation inspirée des pavillons du XVIIIème siècle, que l’on retrouve dans les parcs des châteaux. Il s’agit d’un concept qui contraste avec son environnement. En effet, la cabane est réalisée en verre noir qui, de l’intérieur, révèle une grande transparence. C’est ainsi que commence le jeu de cache-cache, où le promeneur se trouve dans un espace clos, d’où il peut voir sans être vu. C’est un univers fantastique et expérimental qu’Odile Decq a manipulé avec la plus grande dextérité pour offrir au visiteur une cabane novatrice, qui titille l’imaginaire.  

Le parcours comprend également une cabane réalisée récemment par Kengo Kuma. Il s’agit d’une construction originale en harmonie avec la nature, un concept qu’affectionne particulièrement l’artiste reconnu par ailleurs comme l’un des grands représentants du renouveau de l’architecture japonaise. Baptisée Owan, l’œuvre de Kengo Kuma est à la fois amovible et durable. Conçu et réalisé en métal, l’ensemble est léger, il se déplace délicatement dans le vent. Owan est innovant que ce soit par sa forme, sa texture et son esthétisme. À l’inverse d’autres conceptions de l’architecte qui travaille à merveille le bois, Owan se révèle être plus fluide et malléable, c’est une conception originale qui croise l’innovation avec la performance architecturale. Une œuvre supplémentaire qui vient enrichir le parcours.

L’exposition se poursuit à l’intérieur de la chapelle et comporte aussi bien des maquettes de petite taille que des cabanes à l’échelle ordinaire. Le Donjon de Vez devient ainsi l’écrin d’une quinzaine de maquettes d’architecte. Des créations sensibles qui non seulement chamboulent les codes de l’architecture traditionnelle mais qui stimulent les sens et invitent à l’évasion. Des signatures, comme celle d’Antti Lovag, de Claude Parent ou de Sou Fujimoto, permettent au visiteur de s’éloigner du monde réel pour pénétrer dans un joyeux univers imaginaire peuplé de rêves et de songes. Retour à l’enfance pour certains, évasion vers des horizons lointains pour d’autres. Bref, le voyage est garanti au Donjon de Vez.

Sipane Hoh

Photo de Une : Justine Grenier