Sinistralité : l’AQC dévoile son rapport 2022
Comme à chaque rentrée, l’Agence Qualité Construction (AQC) partageait ce mardi son traditionnel rapport de l’Observatoire de la Qualité de la Construction. Pour rappel, le document regroupe différents dispositifs d’observation des désordres dans la construction : fiches CRAC et Sycodès, rapports d’expertises, rapports de visites, vigifiches…
Autant d’éléments qui ont permis d’établir le Flop 10 annuel de l’AQC, portant sur les effectifs et coûts de réparation les plus importants sur les deux périodes décennales, en France.
Diminution des dégâts liés aux revêtements de sols et fondations superficielles
Première évolution tirée dans cette édition 2022 : le recul des coûts des pathologies liées aux revêtements de sols intérieurs, notamment le carrelage. Comme dans l’édition 2021 du rapport de l'AQC, elles demeurent en haut des flops 10, que ce soit en logements collectifs, maisons individuelles et locaux d’activités. Toutefois, dans la partie locaux d’activités, sur la période 2019-2021, ces sinistralités représentent environ 7 % des coûts, contre environ 10 % sur les périodes 1995-2005 et 2000-2010.
« On peut dire que c’est très nettement lié à l’évolution des dispositions à prendre en compte dans les locaux d’activité. On a modifié le DTU en 2008, ça a généré un progrès », commente Philippe Estingoy, directeur général de l’AQC avant d’ajouter : « Par contre, dans les logements collectifs, les dispositions et l’évolution des DTU est plus récente - elle date de 2019 - on commence à voir un effet ».
Ainsi, au lieu de représenter plus de 14 % des coûts des sinistralités en logement collectif, comme sur la période 2018-2020, les revêtements extérieurs en représentent 8 % et quelques sur la période 2019-2021.
Côté maison individuelle, les problèmes de carrelage demeurent à la première place du flop 10, et représentent 18 % des coûts des sinistralités sur la période 2019-2021. « On a effectivement toujours beaucoup d’inquiétude. Mais on pense que cela va évoluer, grâce à l’évolution du DTU, sous réserve qu’il n’y ait pas de carrelage trop grand, qui perturberait l’ensemble des dispositifs », prédit Philippe Estingoy.
Toujours en logement individuel, on note une forte diminution des dégâts issus des fondations superficielles. Occupant dans les périodes 1995-2005 et 2000-2010 un quart des dommages-ouvrages dans ce type de bâti, elles concentrent un peu plus de 10 % des coûts entre 2019 et 2021.
Le résultat des différents leviers législatifs dont l’obligation d’études de sols contre le retrait-gonflement des argiles, dans la loi Elan. Sans compter la résolution des défauts d’études et de dimensionnement, en prenant en compte la nature des sols.
Erreur de référencement des sinistres en ossature poutre-poteaux.
Le rapport de l’AQC se focalise sur le poste ossature-poutre-poteaux, pour lequel, ces trois dernières années, une hausse importante des coûts de sinistres a été identifiée. Or, l’origine ne serait pas des désordres-mêmes, mais plutôt des erreurs de saisie de qualification par les experts.
« Cette erreur de saisie était liée à un outil numérique qu’on leur mettait à disposition, avec un défilement de la qualification qui n’allait pas jusqu’au bon code », explique Philippe Estingoy.
Grâce à l’intelligence artificielle, l’Observatoire de la Qualité de la Construction a pu revoir la base et la nomenclature, pour rediriger les sinistres vers les bons codes d’éléments-ouvrages, où une diminution des pathologies était parallèlement notée.
Parmi ces problèmes, l’AQC relève notamment des fissurations infiltrantes sur des parois lourdes. Une étude est en cours avec le LERM pour déterminer l’origine de ces sinistres, et des conclusions n’ont pas été pour l’heure évoquées.
Denis Marillier, expert construction généraliste CRAC, soulève toutefois une prépondérance de ces pathologies en Bretagne ou dans le Languedoc, à proximité des zones littorales. « Ce sont des régions qui sont le plus exposées aux vents-pluies. C’est là qu’on va plus développer des pathologies liées aux fissures de façades », conclut Denis Marillier. Sans compter les canicules et autres extrêmes climatiques qui favorisent le phénomène, lors du coulage du béton, par exemple.
Les fissurations infiltrantes peuvent aussi provenir d’un mauvais choix de maçonnerie. « Il y a trente ans, on construisait qu’avec des parpaings de béton. Aujourd’hui on construit avec de la terre cuite, des bétons cellulaires, de la terre crue. Une très grande variété des matériaux mis en œuvre avec une variété de produits : avant on bâtissait une maçonnerie avec du mortier ciment. Aujourd’hui on a développé des systèmes de joints minces ». Ce qui amène l’AQC à s’interroger sur les produits les plus sensibles à ces infiltrations.
Vigilance sur les menuiseries, douches et planchers bois
Autre objet de surveillance par l’AQC : les menuiseries (fenêtres et portes-fenêtres), qui se trouvent en première place de sources de sinistralité dans les logements collectifs, comme les locaux d’activité. Première explication évoquée : les obligations d’accessibilité pour personnes à mobilité réduite (PMR), avec des seuils très minces qui limitent l’obstacle à l’eau.
Cela peut se gérer toutefois avec des pentes extérieures, grilles, ou avancées de toit/de balcon pouvant éviter les remontées de sinistre. Une attention particulière est à porter à la solidité des quincailleries, surtout quand les menuiseries se révèlentt lourdes, notamment en raison de leur capacité d’isolation thermique et acoustique. « C’est un ensemble d’assemblages entre la baie elle-même, son support façonné ou les chapes/revêtement extérieurs », résume Denis Marillier.
Une construction complexe est aussi de rigueur côté douches, aussi soumises aux enjeux d’accessibilité, avec l’obligation du sans-ressaut. « Ça ne peut marcher que si on a une pente, autour du siphon », afin que l’eau s’évacue correctement, expose notamment Denis Marillier.
L’intéressé souligne l’importance de l’étanchéité, soit par des revêtements de type PVC ou plastique, soit par du carrelage, complété par des sous-couches de traitement étanche et acoustique. Autre défi qui se présente aux constructeurs : la gestion de l’humidité planchers bois, identifiée dans les documents Vigirisque. « Les DTU sur les planchers-bois avaient évolué récemment et systématisent la pose de pare-vapeur, au-dessus et en dessous pour limiter les émissions de vapeur d’un local à l’autre. Mais ce faisant, on a le risque de piéger de l’humidité dans le plancher-bois », détaille Denis Marillier. Ce qui peut entraîner son pourrissement. Il convient donc de ne pas enfermer le revêtement, s’il a pris l’humidité en cours de chantier.
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Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock