Le chauffage au bois, une solution particulièrement économique ?
D’après le Syndicat des Énergies Renouvelables (SER), le chauffage au bois domestique aurait aujourd’hui conquis 7,3 millions de foyers français – et même 10 millions en incluant les systèmes collectifs (tels que les réseaux de chaleur). Grâce à cette croissance, le bois-énergie représentait 35 % des énergies renouvelables utilisées en France en 2022, et fournissait à lui seul 63 % de la chaleur renouvelable.
Dans la famille du « chauffage au bois », on retrouve non seulement les poêles (à bûches, à plaquettes et à granulés), mais aussi les chaudières (à bois déchiqueté, à bûches et à granulés), entre lesquelles la confusion est fréquente, selon Uniclima et le Syndicat Français des Chaudiéristes Biomasse (SFCB).
Mais quel est le coût de tels équipements ?
En 2023, selon le SER, le coût moyen était de 4 500 € pour un poêle à bûches, 5 000 € pour un poêle à granulés, 12 500 € pour une chaudière à bûches, et 14 000 € pour une chaudière à granulés. Ces prix à l’achat pouvant varier en fonction de la puissance des appareils, leurs performances, le niveau de connectiques intégrées, le type de chargement, le silo, l’habillage, ou encore le design.
Côté aides de l'État, Éric Trendel, président du comité stratégique EnR au sein d’Uniclima, nous précise que les aides pour une chaudière à granulés s’élevaient en 2023 à 10 000 € dans le cadre de MaPrimeRénov’, et à 4 000 € supplémentaires avec les Certificats d’Économies d’Énergie (CEE), pour un ménage très modeste, permettant ainsi de couvrir intégralement l’achat d’une chaudière à 14 000 € pour les plus précaires.
Quels prix pour le bois-énergie ?
Le bois serait par ailleurs la source d’énergie la plus économique avec 4,46 centimes d’euros TTC par kWh pour le bois bûche et 10 centimes pour le granulé en vrac, contre 13,8 centimes pour le fioul domestique, 18,25 centimes pour le gaz propane et 25,1 centimes pour le chauffage électrique, selon les chiffres de l’ONF datant de septembre 2023.
Côté prix des combustibles bois, le bois déchiqueté remporte la palme, suivi par le bois bûche, et le granulé.
Si le bois déchiqueté est particulièrement économique, le prix d’achat de la chaudière dédiée, sa puissance, et la surface occupée par un tel équipement explique pourquoi il est davantage utilisé par les collectivités, dans l’industrie et le tertiaire.
Le bois bûche, typiquement rural, est quant à lui davantage utilisé par les foyers vivant à proximité d’une ressource boisée, et implique l’inconvénient de la servitude, nécessitant de couper et transporter le bois avant de pouvoir l’utiliser.
Un « accident de parcours » pour le granulé de bois
Le bois granulé, de plus en plus utilisé par les particuliers, est également intéressant, sauf « accident de parcours », comme cela a été le cas l’hiver dernier.
En pleine crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, les Français ont sur-stocké, créant une pénurie artificielle, ayant engendré une hausse brutale du prix des granulés, faisant passer la tonne de 300 € à 900 €. Après cet épisode, les capacités de production ont été augmentées en France, etles prix ont retrouvé leur stabilité aux alentours de 370 euros la tonne depuis juillet 2023.
« Le granulé de bois retrouve depuis l’été 2023 un prix juste et compétitif, à moins de 10 centimes le kWh, soit l’énergie la moins chère du marché », assure ainsi Thomas Perrissin, vice-président du SFCB. « Aujourd’hui le prix du granulé est 35 % moins cher que le fioul. Si on faisait une moyenne sur 10 ans, on pourrait dire que le granulé est 30 à 40 % moins cher que le prix du fioul », abonde de son côté Éric Trendel.
D’un point de vue écologique, le bois-énergie présente l’avantage d’être produit et consommé en circuits-courts, puisque 80 % des granulés de bois consommés en France seraient produits sur le territoire, grâce aux 78 usines de granulation réparties dans l’Hexagone, selon le vice-président du SFCB. Les 20 % restants provenant principalement d’Allemagne, de Belgique et d’Espagne, donc de pays limitrophes.
Des équipements de moins en moins polluants
Parmi les reproches fréquemment adressés au bois-énergie : sa combustion, générant des particules fines. Sur ce point, le vice-président du SFCB reconnaît que « la pollution atmosphérique et les émissions particulaires sont supérieures avec un équipement bois de ce qu’on a avec un équipement gaz ». Toutefois, il souligne que les équipements produits aujourd’hui ont permis de réduire très nettement ces émissions particulaires.
« Dans les 20 dernières années, on a baissé de l’ordre de 15 % toutes les émissions polluantes, poussières, NOX etc. Aujourd'hui, on arrive à installer des appareils qui consomment moitié moins de bois que ceux d'il y a 20 ou 40 ans et qui sont 15 fois moins polluants », ajoute Éric Trendel. D’où l’importance de changer les vieux appareils de chauffage au bois et cheminées ouvertes par des équipements plus performants, et notamment par ceux labellisés « Flamme verte », aux normes environnementales plus strictes.
Favoriser le mix énergétique et l’hybridation des énergies
Le Syndicat des Énergies Renouvelables souligne quant à lui l’intérêt du bois-énergie dans le mix énergétique, et pour sortir des énergies fossiles comme le fioul et le gaz. Grâce à l’usage du bois-énergie, ce serait en moyenne 21 millions de tonnes d’émissions de CO2 évitées chaque année en substitution aux énergies fossiles importées. « Le facteur d’émissions en CO2 du chauffage au bois (en moyenne de 30 gCO2/kWh) est très inférieur à celui du gaz (227 gCO2/kWh) et du fioul (324 gCO2/kWh), selon la base de données carbone de l’Ademe », rappelle le SER.
Le chauffage bois peut par ailleurs être un excellent complément, que ce soit les poêles à bois dans une maison chauffée au gaz ou l’électricité, mais aussi les chaudières biomasse en complément d’une pompe à chaleur (PAC) l’hiver, et du solaire thermique.
Le SFCB et Uniclima insistent notamment sur le rendement constant de la chaudière biomasse, quelle que soit la température, contrairement à la PAC, qui nécessite un pic d’appel de puissance sur le réseau électrique lorsque les températures sont trop basses.
« Dans les régions aux hivers rigoureux, la pompe à chaleur fait très bien le travail pendant 10 mois de l’année. Il y a juste pendant 2 mois où elle sera peut-être un petit peu moins appropriée, c'est-à-dire quand il fait en dessous de 5°C. Là, il est très judicieux de la coupler avec une chaudière biomasse parce qu’on va pouvoir l’utiliser les 6 à 8 semaines les plus froides de l'année, pour utiliser une énergie qui est appropriée pour monter dans des températures d’eau élevées. L’association de ces deux énergies permet une économie moyenne de 20 % par rapport à chacune de ces énergies seules, parce qu’on va utiliser les deux au meilleur moment et on va en tirer le meilleur », nous détaille le président de la commission EnR d’Uniclima, qui plaide pour « l’hybridation ».
Baisse des aides de 30 % au 1er avril : une « erreur de calcul » de Bercy ?
Si tous les feux pourraient être au vert pour que la filière du chauffage bois se développe, il existe pourtant une ombre au tableau. Dans le cadre de la réforme de MaPrimeRénov’, l’ANAH a annoncé qu’il y aurait une baisse de 30 % des aides pour l’acquisition d’un poêle ou d’une chaudière biomasse à compter du 1er avril 2024.
Selon Uniclima, les chaudières biomasse pâtiraient de l’amalgame fait entre les poêles et les chaudières. Alors que les ventes de poêles ont bondi et coûté cher à l’État en 2022 et 2023, le gouvernement aurait décidé de réduire ces aides, tandis que les chaudières biomasse, elles, souffriraient d’une chute des ventes en 2023, après +103 % en 2021, et +24 % en 2022.
Répartition des ventes d’appareils de chauffage au bois domestique en 2022 par types d’appareils. Source : Observ'ER
Il s’agirait, d’après Éric Trendel, d’une « erreur de calcul » de Bercy. Selon lui, le gouvernement n’aurait pas eu besoin de réduire les aides dans un contexte de baisse naturelle du marché.
« Je pense que Bercy n’a pas bien étudié son dossier parce que le marché de la chaudière est en forte chute. Sur la chaudière, on a un marché qui a été divisé par 3 ou 4 en 2023. Donc en observant les statistiques, il n’y avait rien besoin de faire pour diviser la facture des aides publiques par 3. On n’avait pas besoin de baisser les aides de 30 %. La facture se baissait toute seule parce que le marché est en chute vertigineuse. Donc, nous, chaudiéristes, nous subissons une sorte de double peine », regrette-t-il.
En finir avec l’amalgame entre poêles et chaudières
Le président de la commission EnR d’Uniclima reconnaît toutefois que la baisse des aides pourrait s’expliquer pour les poêles à bois, davantage utilisés comme des appareils d’agrément, voire de décoration.
« En achetant un appareil indépendant, on achète une technique, mais pour beaucoup on achète aussi une pièce de décoration, pour avoir une belle flamme dans son salon. Il y a de très beaux poêles en faïence, en fonte émaillée etc. mais il y a un delta de prix entre un appareil simple et un appareil très chic et très beau. Et je comprends que l’argent public ne soit pas fait pour payer les meubles ou les pièces de décoration des Français », estime-t-il, tout en rappelant la moyenne de 300 000 ventes de poêles à bois par an, contre seulement 15 000 chaudières à bois.
Mais qu’est-ce qui pourrait expliquer cette baisse des ventes de chaudières biomasse en 2023 ? Sans hésiter la hausse des prix du granulé, qui aurait fait perdre la confiance des Français dans ce mode de chauffage, selon le président de la commission EnR d’Uniclima.
Pour relancer le marché de la chaudière biomasse, le SFCB appelle le gouvernement à revaloriser l’installation de ce type d’équipements dans les scénarios de travaux prévus à la suite d’un mauvais diagnostic de performance énergétique (DPE).
« Aujourd’hui, les DPE et audits énergétiques proposent systématiquement des PAC, mais presque jamais le bois-énergie. Cela doit changer. Il serait juste que les DPE et les audits proposent systématiquement les deux solutions dans les scénarios de travaux pour atteindre un gain de deux places ou plus », demande le vice-président du SFCB. Selon lui, le particulier, conseillé par un Accompagnateur Rénov’, devrait être libre de choisir la solution la plus adaptée à son logement.
Par ailleurs, la réforme de MaPrimeRénov’ ne manque pas d’inquiéter le SFCB et Uniclima, qui anticipent déjà - tout comme la CAPEB et la FFB - une probable baisse des travaux et demandes de subventions, avec la généralisation de la rénovation globale au détriment de la rénovation par geste.
Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : Adobe Stock