Amiante : de nouvelles maladies inscrites parmi les maladies professionnelles ?
Fin juin, la perspective d’un procès pénal se précisait concernant les affaires de contamination à l’amiante.
Moins de trois mois plus tard, c’est au tour de l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (Anses) de faire avancer la prise de conscience au sein de l’activité professionnelle. L’agence livrait ce lundi une dernière expertise, visant à faire reconnaître la relation entre exposition professionnelle à l’amiante et déclenchement des cancers du larynx et des ovaires.
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« Lorsque nous avons auditionné des professionnels de santé dans le cadre de cette expertise, nous nous sommes aperçus que malgré sa reconnaissance par le CIRC depuis dix ans, le lien entre les cancers du larynx et des ovaires et l’exposition à l’amiante était très peu connu. L’amiante étant couramment associé aux cancers des poumons et de la plèvre, ni les médecins ni les malades ne font le lien avec d’autres cancers », explique Alexandra Papadopoulos, chargée de projet dans l’unité Évaluation des risques liés à l’air et coordinatrice de l’expertise.
Le BTP, secteur le plus exposant à l’amiante
La coordinatrice précise : « Actuellement, il est déjà possible de faire reconnaître ces cancers en tant que maladie professionnelle, mais cela demande à la victime d’apporter la preuve du lien entre le cancer et son travail. Ces conditions sont bien plus restrictives qu’avec un tableau de maladie professionnelle ».
Les éléments scientifiques apportés par l’Anses encouragent donc la création de tableaux de maladies professionnelles dans les régimes agricole et général dédiés à ces maladies. Cette inscription faciliterait la prise en charge et l’indemnisation en cas de diagnostic.
Sachant que, selon les données fournies par la Caisse nationale d’assurance maladie, entre 2010 et 2020, 130 demandes de reconnaissance du cancer du larynx en maladie professionnelle associée à l’exposition à l’amiante ont été examinées.
Pour rappel, l’amiante a été utilisée pendant plus de 130 ans, avant d’être interdite en 1997 en France, car à l'origine de nombreuses maladies professionnelles. « Désormais, le secteur du BTP, incluant les travaux de retrait et d’intervention sur des matériaux et produits contenant de l’amiante, est le secteur exposant le plus de travailleurs », relève l’Anses.
Vers un meilleur diagnostic chez les travailleuses
Toujours selon la CNAM, six demandes de reconnaissance de cancers des ovaires ont été déposées.
« Le groupe d’expert estime qu’il faudrait plus de données pour documenter l’exposition des femmes à l’amiante et les impacts sur leur santé », insiste Alexandra Papadopoulos. Or, compte tenu de la faible présence des femmes dans le BTP, par exemple, les études épidémiologiques sont essentiellement réalisées chez les hommes. D’autant que la fabrication de textiles non inflammables représente la plus grande source d’exposition professionnelle chez les travailleuses. Cependant, « cela ne signifie pas que les femmes n’ont pas de risques de santé liés à l’amiante », soutient l’Anses.
L’autorité sanitaire en profite pour réitérer ses diverses recommandations : une meilleure information des médecins, comme un meilleur accompagnement des travailleurs et travailleuses exposés et de leurs ayants-droit. Le groupe de travail de l’Anses a notamment formulé ses préconisations et les conditions d’exposition à l’amiante et les méthodes de diagnostic des maladies, pouvant servir à la création des tableaux.
« Il appartient désormais à l’État de décider de la création de ces tableaux, dans les régimes général et agricole, après avis des commissions de maladies professionnelles », estime l’agence.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock