Recruter dans le BTP, entre manque de moyens et habitudes persistantes
Comme pour l’étude sur les métiers concernés par des tensions de recrutement, l’Observatoire des métiers du BTP a compilé des centaines de réponses d’entreprises sur leurs pratiques de recrutement. Alors que 217 640 projets de recrutement dans la construction ont été lancés en 2021, 63 % de ces recrutements sont jugés difficiles par les sondés.
Magré l'augmentation du nombre de recrutements de 4 % de 2019 à 2021 selon l'U2P, les artisans se sentent toujours débordés et en manque de main d'oeuvre, rappelle une enquête BigMat. Et le sentiment se prononce, quand l’étude de l'Observatoire des métiers du BTP révèle que le choix de recruter n’est pas systématique chez les 900 sondés. Certains perçoivent même le recrutement comme une « prise de risques à sécuriser et limiter au maximum », selon l’Observatoire. Ainsi, parmi les plus petites entreprises, certaines préfèrent renoncer.
86 % des entreprises privilégient le CDI
Le reste des professionnels, eux, ont recours à différentes à solutions de recrutement. Le CDI, par exemple, est privilégiée par 86 % des entreprises et représente 83 % des recrutements en 2019 dans la construction.
Le CDD est aussi apprécié par au moins deux tiers des entreprises, souhaitant répondre à plusieurs logiques, comme combler un besoin temporaire ou jauger les compétences du salarié avant de le recruter indéfiniment.
Dans le BTP, le recours à l’intérim est plus fréquent que dans d’autres secteurs, concernant 54 % des entreprises. La tendance est plus forte dans les travaux publics (75 %), que dans le bâtiment (52 %). D’ailleurs dans les TP, plus l’entreprise est grande, plus l’intérim est une solution complémentaire.
62 % des sondés disent également opter pour alternance et 60 % pour la sous-traitance. Cette dernière option sert notamment de complément ou d’alternative au recrutement, particulièrement pour les entreprises les plus grandes.
Peu de ressources de recrutement mobilisées
En dehors du choix entre un contrat classique ou alternatif, les entreprises du BTP sont exposées à un manque de moyens pour recruter. Pour exemple, la présence d’un service RH structuré est déclarée par seulement 7 % des entreprises du bâtiment et 13 % des entreprises des travaux publics. Encore une fois, la structuration des fonctions RH augmente proportionnellement à la taille des entreprises.
Dans 92 % des cas, le recrutement implique le dirigeant de l’entreprise, mais ce dernier est rarement seul à la conduite du recrutement. Un recrutement sur deux se déroule via des ressources externes (Pôle Emploi, agences d’intérim, OF, CFA, lycée professionnel, organisation professionnelle, cabinet de recrutement...)
En effet, 43 % des sondés, qui ont essayé de recruter au moins une fois en CDI, en CDD, en alternance pour un contrat de mission (hors intérim), lors de ces trois dernières années, sont passés par ces structures. 42 % des entreprises concernées ont moins de 10 salariés mais 72 % des entreprises de 50 salariés et plus.
Il faut dire que pour la recherche de candidats, les chefs d’entreprise font souvent appel à leur propre réseau, 65 % faisant marcher les connexions de leurs salariés. La pratique est plus fréquente dans les grandes entreprises et plus précisément dans les travaux publics. La mobilisation d’un intermédiaire, elle, porte essentiellement sur Pôle Emploi (33 %) ou une agence d’intérim (21 %).
Il n’empêche qu’un tiers des entreprises de moins de 10 salariés, dominantes dans le secteur, estiment ne pas disposer des moyens satisfaisants pour trouver des candidats. La formalisation des offres d’emploi augmente aussi avec la taille et le niveau de structuration RH de l’entreprise. Au moins un quart des entreprises passent par une diffusion des offres via un site spécialisé ou un job-board.
La période d’essai majoritairement pratiquée pour sélectionner un candidat
Pour ce qui est de la méthode de sélection du candidat, les chefs d’entreprises préfèrent la mise en situation de travail, pratiquée la plupart du temps via la période d’essai. L’accueil-intégration permet de mieux évaluer les compétences du salarié et conforter ou non le choix du recruteur.
« Pour autant, selon les opérateurs et intermédiaires qui accompagnent les entreprises, cette vision évaluative est d’autant plus forte qu’elle se traduit par des exigences parfois trop élevées et par une moindre attention à la visée intégrative et de formation de cette période », commente l’Observatoire des métiers du BTP.
Son étude recommande notamment aux chefs d’entreprise de travailler l’attractivité de leur structure, par les offres d’emploi ou bien la marque employeur. Il conviendrait également qu’ils développent des modalités de test adaptés aux critères de sélection, avant d’engager quelqu’un sur une période d’essai. Ainsi, cette période doit être vue sous ses deux dimensions : l’évaluation et l’intégration-fidélisation.
Virginie Kroun
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