PAC : « La France est en avance » (Delta-EE)
Ce n’est guère une nouvelle : en France, le chauffage se porte bien en 2021, comme le laissaient entrevoir les chiffres d’Uniclima en février. Un marché où la pompe à chaleur (PAC), en particulier Air/Eau, reste dominante, avec +69 % de ventes, selon PAC & Clim'info.
Constat corroboré fin mars par les chiffres de Delta-EE, cabinet spécialisé dans la transition énergétique. Dans son bilan du marché résidentiel français, le cabinet enregistre fin 2021 une hausse des ventes dans toutes les familles de produits de chauffage, dont la PAC Air/Eau (+53%), les chauffe-eaux thermodynamiques (CET) (+37 %), la PAC hybride gaz (+21 %), les chaudières gaz à condensation (+26 %)...
Une expertise française avant-gardiste
Seule exception dans le paysage du chauffage : les chaudières fioul, en baisse de 12 %. Une chutte beaucoup plus flagrante que celle relevée par Uniclima, qui avait observé un léger recul des ventes de chaudières fioul (-2 %) par rapport à 2019. A savoir que le bilan Delta-EE fait une mise à jour régulière des chiffres et impressions tirés d’industriels et d’associations du secteur sur toute l’Europe, complétés par les connaissances du cabinet sur la transition énergétique.
De quoi lui permettre de mettre en perspective l’évolution du marché d’ici 2030 en France, qui devrait présenter un taux de croissance annuel composé de 8,4 % pour les CET, de 19 % pour les PAC hybrides et de 9,3 % pour la PAC Air/Eau.
« La France est largement en avance sur le marché de la pompe à chaleur Air/Eau. Certains pays comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas ont déclaré il n’y a pas si longtemps que le gaz serait bientôt interdit dans le neuf et qu'ainsi la pompe à chaleur deviendrait la solution préférée des constructeurs. Avec la crise énergétique du moment, l’Allemagne, de son côté, réfléchit. », compare Arthur Jouannic, directeur France de Delta-EE.
« Le contexte de l’industrie énergétique française a fait qu’on est beaucoup plus électrifiés que nos voisins européens. Ce qui a donc favorisé tout type de chauffage électrique, et bien entendu la pompe à chaleur, qui est plus efficace que tous ces types de solutions. On a un gros avantage de connaissance de consommateurs de cette technologie. On a un meilleur réseau d’installateurs et une meilleure qualité d’installation, comparé à d’autres pays qui ont encore tout à développer », défend-il.
Un dynamisme au détriment des chaudières à énergies fossiles, dont l’installation neuve sera interdite par la RE2020. En résulterait donc une potentielle chute de 18 % des ventes entre 2022 et 2030 des chaudières gaz à condensation, par exemple.
Des résultats que tend à atteindre MaPrimeRénov’, dispositif d’aide à la rénovation énergétique, qui a revu ses montants à la hausse pour la PAC et la chaudière biomasse. Cette révision aura un « impact plutôt positif », assure Arthur Jouannic, là où « le décret qui repoussait la fin des chaudières au fioul a eu un impact potentiel sur marché de la PAC », oppose-t-il.
Chauffage et isolation, deux postes de rénovation qui doivent s’unir
Il n’empêche « que les consommateurs essaient de repousser l’année de remplacement le plus loin possible, quitte à réparer des pièces, à avoir une chaudière moins efficace, etc. Parce que les foyers les moins aisés ne vont pas payer grand-chose pour les PAC, mais les foyers de classe moyenne, quant à eux, vont devoir dépenser quelques milliers d’euros et ce n’est pas négligeable en vue de l’inflation. Donc augmenter les aides c’est bien, mais est-ce que c’est suffisant ? C’est la question que l'on se pose », s’interroge Arthur Jouannic.
Surtout quand on sait que, dans un projet de rénovation énergétique, une PAC ne peut s’intégrer à n’importe quel logement. « Il ne faut pas que le marché de la PAC se développe sans regarder le marché de l’isolation. Si on l'installe la pompe à chaleur très efficace, et que le logement a des pertes thermiques, ça ne sert pas à grand-chose », reconnaît le directeur France du cabinet Delta-EE.
D’où la priorité selon lui d’allier isolation avec installation d’une PAC, sans oublier tous les axes (menuiseries, pilotage connecté des équipements…) contribuant à la rénovation performante.
Une notion dont l’intérêt se renforce surtout au regard du conflit russo-ukrainien, ayant ravivé la flambée des prix des énergies. L’inflation provoquée en raison de la dépendance de l’UE envers le gaz russe, irait même de paire avec une demande grandissante en PAC.
« On a regardé récemment sur Google les recherches dans différentes langues. Et depuis la crise énergétique du moment et surtout sur le dernier mois, les recherches ont énormément augmenté », nous confie Arthur Jouannic. Et l’envie grandissante d’une indépendance énergétique ne se limite pas qu’au chauffage. Elle s’étend aussi vers l’auto-consommation solaire, pour s’équiper des bornes de recharge ou d’un véhicule électrique.
Mais même si la demande et l’offre industrielle sont au beau fixe dans ce domaine, est-ce que la main d’œuvre française est de taille ? Pour Arthur Jouannic, tel est l’enjeu au cœur du futur de la PAC et de sa journée consacrée ce mardi 29 mars par l’Association Française de la PAC.
« (…) on manque cruellement d’artisans capables de faire ça. Former quelqu’un sur une pompe à chaleur, ça peut prendre plusieurs années. Il y a aussi l'urgence de faire très attention à tous les cowboys qui vont venir vendre des pompes à chaleur sans savoir les installer proprement, et trouver les bonnes tailles par logement. Et donc il va falloir que l’industrie du chauffage français et que le gouvernement fassent très attention à gérer la qualité d’installation, la formation et la vérification… », avertit-il.
« Mais comme je l’ai dit, je pense que la France est beaucoup mieux préparée, par rapport à certains pays, pour faire face à ce genre de challenge », conclut-il toutefois, confiant.
Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Delta-EE