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Le sujet des addictions n'est plus une fatalité chez Colas

Publié le 28 novembre 2023

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Le sujet des addictions en France touche de nombreux secteurs, et le domaine du BTP ne fait pas exception. Chez Colas, entreprise spécialisée dans les travaux publics, la prévention est au coeur des actions, entre interventions d’experts de la santé, sensibilisation continue des salariés et formations dédiées aux managers. Entretien avec Laurent Mereyde, Directeur Santé, Prévention et Sureté chez Colas.
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Quels sont les risques spécifiques liés aux addictions dans le secteur du BTP ? 

 

Laurent Mereyde : En France on recense, selon les estimations de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, environ 9 millions de consommateurs réguliers d'alcool, 3 millions de consommateurs de stupéfiants, et 15 millions de fumeurs. Les caractéristiques des populations du BTP et de la route ne doivent pas être radicalement différentes de celles de la société française dans son ensemble. Aussi ne serait-il pas étonnant de retrouver les mêmes proportions dans la population de nos secteurs.

Dans un premier temps, les risques sont principalement de deux ordres : ceux sur la santé physique (accidents, perte d’équilibre et de repères, maladies chroniques, perturbation de la vision et des sensations), et ceux sur la santé mentale (troubles de l’attention et de la perception, dépression, irritabilité, trouble de l'humeur, baisse de la concentration et de la vigilance). 

Ces risques peuvent être projetés selon trois cercles concentriques : l’individu, l’individu et son entourage familial immédiat, ainsi que l’individu et son entourage professionnel. 

Au sein du groupe Colas, les responsables santé–sécurité travaillent tout d'abord sur la prévention. Elle est essentielle, même si elle peut encore paraître comme marginale à l’échelle de la démarche globale de sécurité du travail. Cette étape repose sur des actions concrètes comme les cycles d'information, les journées « sécurité », et les programmes spécifiques comme celui dédié aux dépistages (annoncés et/ou inopinés) sur chantier.

Les reponsables santé-sécurité se focalisent ensuite sur la formation (les cycles de formation dédiés aux managers et aux collaborateurs, les cercles de paroles...). Il est entendu que sans l’adhésion sincère et durable de la ligne managériale, les meilleurs programmes de formation ne peuvent atteindre pleinement leurs objectifs, à savoir faire comprendre que le sujet des addictions n'est plus un tabou ni une fatalité, et que nous sommes collectivement en mesure d’écouter, d’orienter et de soutenir les collaborateurs touchés.

Cette précision sur l’adhésion est majeure dans la mesure où elle contribue à bâtir l’agenda de la démarche à savoir : appréhender et analyser la situation de manière objective puis partager ces deux éléments avec le management pour ensuite obtenir son engagement tant dans les actions qui seront actées que dans les moyens (humains et budgétaires) qui seront accordés aux préventeurs.

 

Les entreprises du BTP soutiennent-elles assez leurs salariés face à ce problème ? Doivent-elles collaborer avec des experts externes, tels que des professionnels de la santé mentale, pour élaborer des stratégies de prévention des addictions ?

 

Laurent Mereyde : Prétendre que nous saurions tout faire en interne ne serait ni audible ni crédible. Il faut savoir etre humble en déterminant les étapes de la démarche pour lesquelles un expert et/ou un organisme expert est nécessaire. Je pense notamment aux spécialités suivantes : psychologues du travail, médecins et addictologues, services de soutien et d'aide aux malades.

Nos démarches ont d'ailleurs été conçues avec des spécialistes externes afin qu'elles correspondent de la manière la plus pertinente possible à la réalité des environnements dans lesquels nos collaborateurs opèrent. L'expérience, les remontées d'information du terrain nous permettent en effet de faire évoluer sans à coup nos systèmes de prévention.

La relation qui se met en place avec le « partenaire expert » doit s’inscrire dans la durée pour être pertinente. La connaissance de notre métier et de ses spécificités conditionne la encore la qualité du programme. Ainsi, le Cabinet Santé Partners qui nous accompagne depuis de nombreuses années a consacré de longs moments dans l’écoute et l’observation pour bien comprendre nos spécificités. Sans cette étape, les conseils seraient standards et donc non pertinents.

 

Comment voyez-vous l'évolution de cette problématique dans les années à venir ?

 

Laurent Mereyde : À court terme, je pense que la capacité à informer, à sensibiliser, à communiquer avec un langage adapté à chacun va dans le bon sens. Les contrôles sur sites permettent de mieux appréhender les phénomènes d’addiction et, par conséquent, d'agir plus efficacement en mode prévention.

Je crois dans le rôle du manageur de proximité : c’est bien la personne qui connaît le mieux les membres de son équipe et leurs conditions de travail. Quand l‘entreprise met en place un programme dédié aux manageurs de proximité (sensibilisation aux thématiques de l’addiction, modes de communication, détermination du moment opportun pour passer le relais vers l’expert externe), elle leur permet de détecter au plus vite les signaux faibles et ainsi de pouvoir agir très en amont.

À plus long terme, les progrès dans le traitement respectueux des lois et règlementations de « la data de masse » nous ouvrirons de nouveaux horizons. Cette perspective n’est pas de l’ordre du court terme à mon sens. Il est impératif d’attendre que les régulateurs et les experts élaborent un cadre ad hoc auquel toutes les parties prenantes adhèrent sans ambiguïté.

 

> Consulter le dossier spécial Prévention dans le BTP

 

Propos recueillis par Marie Gérald 

Photo de Une : ©Frédéric Delangle

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