Le sable, une ressource difficile d'accès
Au cours de la semaine passée, l'extraction de sable a fait la une de l'actualité nationale. Emmanuel Macron a en effet donné le feu vert à la demande de la Compagnie armoricaine de navigation pour l'exploitation de sable coquillier dans la baie de Lannion. Si cette production est destinée à terme au secteur agricole, cette affaire révèle néanmoins que le sable est une ressource de plus en plus disputée.
Si l'union des producteurs de granulats (UNPG) ne veut pas parler de « pénurie » à venir pour cette ressource, elle pointe cependant du doigt les « problèmes d'accès » pour les 1 500 entreprises extractrices de granulats (sable et graviers). « Si nous prenons l'exemple de granulats marins, la ressource existe. Nous savons qu'il y a des zones de productions possibles, des gisements considérables près des côtes ou loin des côtes, mais ils sont rendus difficile d'accès » pour plusieurs raisons, explique Arnaud Colson, président de l'Union nationale des producteurs de granulat.
Le premier « c'est le dispositif réglementaire, à commencer par la durée d'instruction de nos dossiers », détaille-t-il. « Il y a 15 ans, il nous fallait 2 à 3 ans pour ouvrir une carrière. Aujourd'hui, il nous faut entre 5 et 7 ans, voire plus de 10 ans quand il s'agit de granulats marins. La durée d'instruction des dossiers est donc souvent incompatible avec les marchés où il faut réagir vite, d'où une nécessité pour les entreprises d'adapter leur modèle ».
Les conflits d'usages, un frein à l'exploitation
D'autre part, « les entreprises doivent faire face à un mille-feuille administratif. En France, elles doivent prendre en compte par exemple le schéma d'aménagement et de gestion des eaux, le schéma de cohérence écologique et le schéma régional des carrières pour un même projet. Chaque schéma a ses attributions, ils ne sont pas toujours cohérents entre eux et ouvrent la voie à différentes interprétations. Cela nous prend donc beaucoup de temps, c'est trop complexe », souligne Arnaud Colson.
Sans compter les conflits d'usages avec les autres secteurs comme l'agriculture, la pêche, le tourisme, les télécommunications (le sable est utilisé pour les composants électroniques) etc. La filière travaille d'ailleurs activement sur cette question, pour éviter les blocages en amont.
« Notre objectif est de favoriser le dialogue et la concertation dans tous nos projets. Nous avons notamment mis en place une charte environnement des industries et des carrières avec l'Unicem pour tirer la filière vers le haut, donner la possibilité aux industries d'être plus visibles, transparentes et de dialoguer de façon plus performante avec les administrations, les élus locaux ou encore les associations », répond Arnaud Colson.
Les solutions alternatives
La gestion de cette ressource passe aussi par la mise en place de solutions alternatives à l'exploitation des ressources naturelles. Actuellement, sur les 460 millions de tonnes de granulats consommés en France, 333,6 millions de tonnes sont issues des carrières (une carrière produit en moyenne 140 000 tonnes et fait l'objet d'un plan de réhabilitation à la fin de son exploitation, ndlr.) et 7,5 millions sont des granulats marins.
Mais la filière compte beaucoup sur le développement du recyclage (matériaux issus de la déconstruction et la valorisation) qui compte aujourd'hui pour 24,8 millions de tonnes dans la production annuelle. « Il ne faut pas avoir d'a priori sur une ressource, chaque ressource a sa légitimité. Même si nous aurons toujours besoin de matériaux nobles », précise toutefois Arnaud Colson, qui s'est engagé en 2012 aux côtés de l'industrie cimentière et des producteurs de béton prêt à l'emploi pour lancer le projet Recybéton, afin de réutiliser l’intégralité des matériaux issus des bétons de déconstruction. Un travail est également engagé avec le CERCE pour connaître et définir un seuil de recyclage par région. « L'innovation et la recherche dans la construction et les travaux publics ont permis aussi d'optimiser l'utilisation des ressources », précise le président de l'UNPG.
« Il faut travailler sur le futur, avec des solutions nouvelles pour répondre à la demande. Nous voulons rester optimistes », malgré une conjoncture plutôt défavorable. Il y a encore des projets à venir avec la relance de la construction de logements, le Grand Paris (...), il faut juste attendre que tout cela se mette en mouvement », conclut Arnaud Colson.
Claire Thibault
© Pierre-Yves Brunaud
Les chiffres clés du secteur365,9 millions de tonnes produites en 2013 (contrer 359,6 en 2012) réparties en : - Granulats issus de carrières : 333,6 millions de tonnes · Alluvionnaire : 108 millions de tonnes · Autres sables : 20,0 millions de tonnes · Roches calcaires : 98,6 millions de tonnes · Roches éruptives : 107 millions de tonnes - Granulats marins : 7,5 millions de tonnes (soit environ 2 % du total de la production) - Recyclage : 24,8 millions de tonnes · Matériaux de démolition (issus de déchets de la construction réceptionnés et traités sur une installation permanente de recyclage) : 20,3 millions de tonnes · Autres (laitiers, schistes, et granulats issus des MIDND – mâchefers d’incinération de déchets non dangereux) : 4,5 millions de tonnes Entre 7 et 11 euros/tonne de granulats (qui varie en fonction de la nature du granulat, sa qualité, sa rareté et son lieu d’extraction) 2651 sites d’extraction de granulats, toutes substances confondues (y compris recyclage) Ce chiffre englobe les plateformes de recyclage. 2 400 carrières (en 2013) 140 000 tonnes produites en moyenne par carrière 240 000 tonnes produites en moyenne par entreprise |