La RE2020 « limite » le panel de solutions décarbonées, selon Équilibre des énergies
La RE2020 est-elle satisfaisante ? « La réponse ne peut être que nuancée », a déclaré Jean-Pierre Hauet, Président du Comité scientifique, économique, environnemental et sociétal de l’association Équilibre des énergies, lors d’un point presse le 12 janvier dernier. La réglementation présente en effet de « très bonnes choses » mais nécessite des ajustements. Parmi les points positifs évoqués, la volonté de renforcer la qualité du bâti « puisqu’il est envisagé d’améliorer de 30% le Bbio ». « C’est une revendication que nous avions formulée depuis longtemps de façon à ce que, quelle que soit la forme d’énergie qui alimente le logement, on ait l’assurance que l’on donnera aux générations futures, des logements de qualité ».
C’est aussi la première fois qu’une réglementation « associe le climat à la préoccupation énergétique », et introduit un indice carbone pour plafonner les émissions ; des mesures qui devraient permettre « de baliser des trajectoires menant à la neutralité carbone, grâce à une répartition équilibrée entre les solutions électriques performantes et les diverses formes de chaleur renouvelable ».
Malgré les avancées, Équilibre des énergies regrette que l’administration n’ait « pas pu résister à la tentation de multiplier les indicateurs » et s’interroge sur l’application pratique des seuils définis qui, en l’état actuel, « soulève de sérieux problèmes, surtout dans les logements collectifs ».
Une fin du gaz trop « brutale » dans le collectif
Dans un schéma détaillé, Équilibre des énergies évalue l’impact des quatre critères RE2020 sur les solutions de chauffage éligibles dans les bâtiments neufs : Bbio, Cep, Cep.nr et Icénergie. L’illustration prend en compte les logements collectifs avec permis de construire délivrés entre 2021 et la fin 2023, et les logements livrés jusqu’en 2026. D’un point de vue qualité du bâti, « nous avons supposé que tous auraient un niveau Bbio RE2020 ». Pour ce qui est de l’indicateur carbone (en rouge) valable jusqu’en 2024, l’association estime qu’il « ne sert à rien » puisque tous les logements, quelle que soit le mode de chauffage, passent le test.
Le Coefficient d’énergie primaire (Cep) se voit lui renforcer par rapport au seuil établi dans la RT2012. « Une solution joule + Chauffe-eau Thermodynamique (CET) ne passe plus », ce qui « n’est pas une bonne chose ». « On sent bien les réticences de l’administration sur l’effet joule, mais on ne s’attendait quand même pas à ce que, même combiné à des CET, ils n’arrivent pas à passer la barrière du Cep ».
S’agissant du Cep.nr, sa définition « est assez peu orthodoxe. Le jeu de quilles continue. Le gaz collectif a quelques difficultés, et on fait tomber le PAC Air-Air pour un séjour, complétée par des radiateurs dans les chambres, et un CET ». « Donc, on voit que le boulevard est totalement libéré pour toutes les solutions gaz qui, aujourd’hui, occupent 74% des logements collectifs ». Un manque de contraintes, jusqu'en 2024, qui pourrait conduire à la création « d’un noyau d’environ 800 000 logements équipés de chaudières à gaz qu’il sera quasiment impossible de reconvertir ultérieurement ».
Puis, survient un durcissement de la contrainte « émissions de CO2 » en exploitation : « les solutions gaz disparaissent et subsistent la pompe à chaleur ». Jean-Pierre Hauet rappelle que les PAC n’occupent aujourd’hui que 7 à 8% du marché collectif. L’évolution souhaitée demande ainsi « beaucoup de travail et une transition qui doit être organisée ».
Même schéma proposé pour l’individuel. Là, le gaz disparaît dès 2021. « Ça va dans le sens de la décarbonation, reste à savoir, si ce n’est pas un peu violent ». Les solutions radiateurs sont très fortement contraintes, même associées à des CET ou à des panneaux photovoltaïques. L’association estime ainsi que la RE2020 ne va pas dans le sens des énergies renouvelables. « Le photovoltaïque n’est jamais une solution unique, c’est généralement couplé à des solutions électriques ». Elle limite aussi « le panel de solutions décarbonées à disposition des constructeurs » qui pourtant sont pertinentes, « en particulier pour les petits logements, lorsqu’il y a des contraintes techniques ou économiques à l’installation de PAC ». Il est nécessaire de penser des solutions qui soient « combinés d’une façon optimale pour jouer sur les tarifs, et avoir une émission de CO2 minimale ».
Dernier point de vigilance, le confort d’été avec une RE2020 qui « fait le pari qu’une conception bioclimatique des logements, c’est-à-dire fondée sur le refroidissement passif, suffira ». Équilibre des énergies craint que les solutions passives ne répondent pas aux besoins des habitants, qui pourraient alors se tourner vers des installations mobiles de climatisation des logements « au rendement déplorable ».
5 propositions pour une RE2020 efficace
Équilibre des énergies estime nécessaire de revoir les plafonds d’émissions en logements collectifs. La réduction drastique des émissions en 2023 et 2024 « n’est pas réaliste sur le plan industriel ». « L’industrie aime bien la visibilité et la continuité. L’industrie, c’est une affaire d’organisation, de prévision, d’investissement, et de mettre en place des équipes de commercialisation. Donc, si on a un réglementation qui donne des bases très solides, elle investira. Et on a la chance, en France, d’avoir une industrie des systèmes thermodynamiques qui est vigoureuse ». L’association plaide ainsi pour « une trajectoire progressive » tel que ça a été fait dans le monde automobile, conduisant au seuil de 4 kg de CO2/m2.an.
Cette approche progressive pourrait ouvrir la voie à un label au profit des logements en avance sur cette trajectoire, et qui mériteraient par exemple, l’octroi d’un label « Haute qualité carbone », ou « Haute qualité climatique ».
L’association propose aussi de revoir la méthodologie de comptabilisation des énergies renouvelables, pour que les EnR transportées par des réseaux, soit également prises en compte. Et appelle à « desserrer légèrement la contrainte sur les consommations d’énergie pour permettre à un plus grand nombre de solutions bas-carbone de se développer dans le cadre de la RE2020 ». Enfin, elle insiste : « attention à un surcroît d’isolation, à ne pas créer des logements qui auront un confort médiocre », appelant ainsi à « reconsidérer la méthodologie de la prise en compte du confort d’été ».
Rose Colombel
Photo de une : Brice Lalonde (président de l'association Equilibre des énergies) et Jean-Pierre Hauet (Président du Comité scientifique, économique, environnemental et sociétal de l’association)
Ilustrations : Equilibre des énergies