« La maison individuelle est la forme d’habitat la plus vertueuse », Damien Hereng
La crise sanitaire interroge nos modes de vie, et oblige à repenser le logement. Les Français, dont l’appétence pour la maison individuelle n’est plus à démontrer, cherchent par tous les moyens à avoir un peu plus d’espace, « à se mettre à l’écart » pour « avoir un bout de verdure ». Malgré leurs attentes, et cette volonté d’avoir un cadre de vie plus sain, la politique du logement priorise la densification des villes, et fait la part belle à la rénovation énergétique. Dans ces conditions, quel soutien à la construction neuve, et notamment à la construction de maisons individuelles ?
Damien Hereng, Président de la FFC, revient sur l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN). S’il comprend que le sujet soit au cœur du débat, il regrette que la maison individuelle soit pointée du doigt. « La maison individuelle, c’est déjà la forme d’habitat la plus vertueuse », la « plus agile », estime-t-il. D’un point de vue thermique, « la maison individuelle respecte la RT2012 à la lettre depuis janvier 2013 », contrairement au collectif qui bénéficie d’une dérogation lui permettant d’avoir des performances énergétiques inférieures.
Rappelant que la maison individuelle représente plus de 40% de l’activité de production de logements en France, il évoque les délais de livraison. « Le retour est très rapide » puisqu’en moins d’un an, un ménage peut accéder à la propriété, et « ça créé de l’emploi tout de suite ». Pendant la crise, « le bâtiment était l’une des activités jugées importantes, essentielles à la nation ». Il estime ainsi qu’il serait incompréhensible « de se priver de ce compteur très fort de redémarrage de l’économie qu'est la maison individuelle ».
ZAN vs sobriété foncière
Les besoins en logements n’allant pas en décroissance, la FFC a formulé des propositions pour concilier sobriété foncière et construction neuve. Damien Hereng évoque tout d’abord la surface des terrains. « Il y a une réalité, c’est que l’on construit des maisons sur des terrains encore relativement importants ». En 2019, la surface moyenne s’est établie à 935 m2. Construire sur des terrains plus petits permettraient de réduire sensiblement ce sujet d’extension des villes, estime-t-il. « Nos concitoyens veulent un peu d’espaces vertes, mais ils ne veulent pas forcément tous des terrains de 1 000 /1 500 m2 ». La FFC propose ainsi d’instaurer une surface maximale de terrain au-delà de laquelle un « malus d’artificialisation » ou « malus de sous-densité » serait appliquée.
La Fédération observe aussi « un écart monumental » entre les orientations prises par les pouvoirs publics et leur application « concrète » au niveau local avec des municipalités qui par exemple s’opposent à toute densification via les PLU. « On ne pourra pas avancer de façon constructive sur ces sujets-là tant qu’il n’y aura pas de retranscription contraignante de ce qui est décidé en national au niveau local ». La FFC recommande ainsi de fiscaliser plus lourdement la détention de surface artificialisée constructible non-utilisée ou sous-utilisée, d’instaurer des minimums de densité, avec contrainte d’y conformer les futurs PLU. L’organisme défend l’idée de permettre la construction sur des parcelles à taille modérée, de rendre possible la possibilité de déroger aux règles du PLU pour les projets sobres en foncier, d’autoriser les constructions sur un périmètre déjà urbanisé, déjà artificialisé (exploitation des dents creuses), de supprimer le coefficient d’emprise au sol, ou en encore de rendre obligatoire l’octroi de servitudes de passage à toute parcelle enclavée dès lors que ces servitudes ne modifient pas l’affectation du sol sur lequel elles sont octroyées.
Faciliter l’accès à la propriété
Au-delà des enjeux liés à la sobriété foncière, Damien Hereng insiste sur la nécessité de faciliter l’accès à la propriété. Un des freins évoqués est la RE2020, une réglementation « élitiste ». Il estime en effet que la barre qui a été fixée « est trop haute », et que les surcoûts dus à la réglementation seront importants « C’est ubuesque. En l’espace de dix ans, une construction qui consommait 1 500 € de chauffage par le passé, consomme aujourd’hui 300 € ». La nouvelle réglementation exige que ces 300 € deviennent 200 €. « Ça devient difficile ». « Dans ces sujets de performance énergétique, ce sont toujours les derniers pourcentages à gagner qui coûtent le plus cher. En rajouter une couche nous paraît complètement incohérent ». 10 000 € de surcoût, c’est 150 € de remboursement en plus par mois, explique-t-il. Et c’est bien le budget et la capacité de financement des acquéreurs qui sont impactés. Se pose alors la question de la solvabilité des ménages dans un contexte où les banques « ont resserré les critères d’accès aux crédits ».
« Nous avons un cap qui est mouvant. La difficulté, c’est que nous ne connaissons pas aujourd’hui les contraintes avec lesquels nous devrons construire les maisons dans les mois qui viennent. C’est un stress de tarif ». Un surcoût de 10% dans la construction d’une maison pèserait sur la marge des constructeurs. Des professionnels que la crise n’aura pas aidés et qui vont se retrouver en difficultés.
Malgré les incertitudes, Damien Hereng souhaite faire passer un message optimiste aux adhérents de la FFC et aux acquéreurs potentiels de maisons individuelles. « Cette crise a remis en perspective un certain nombre de choses, la volonté de bien être chez soi, la volonté de travailler son cadre de vie. A moyen terme, c’est quelque chose de très rassurant pour les constructeurs, et pour nos concitoyens c’est plutôt réconfortant de remettre ces valeurs-là au centre du jeu ».
Propos recueillis par Rose Colombel
Photo de une : ©FFC - Damien Hereng