L’industrie cimentière mobilisée pour réduire ses émissions de CO2
Croissance démographique, urbanisation et réchauffement climatique
Lors de la conférence de presse, Bénédicte de Bonnechose a rappelé que les professionnels du ciment étaient conscients de « l’urgence de la situation ». Ils espèrent anticiper les besoins et risques pour le futur, notamment face à l’accroissement démographique, à l’augmentation du nombre de citadins, et au fléau du réchauffement climatique. Selon l’ONU, la population mondiale augmente d’environ 83 millions de personnes chaque année, et on devrait ainsi parvenir à 10 milliards de personnes sur Terre d’ici 2050. La population française devrait pour sa part atteindre 74 millions d’habitants.Cette population sera également de plus en plus citadine, avec environ 2 personnes sur 3 habitant en ville. Ce phénomène d’urbanisation induira un besoin accru en construction de logements et d’infrastructures, et donc en ciment. L’OCDE annonce déjà un doublement de la consommation de matériaux de construction d’ici 2060. La Présidente du SFIC a quant à elle souligné que le marché du ciment en France représentait déjà 18 millions de tonnes de ciment consommé par an, induisant 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires.
De nouveaux ciments moins polluants en cours de normalisation
L’objectif de l’industrie cimentière : diminuer encore les émissions de CO2 en créant de nouveaux ciments moins polluants. Pour Laurent Izoret, « l’impact environnemental des ciments est directement proportionnel à leur teneur en clinker », le principe actif nécessaire à la résistance des matériaux et donc à la solidité et la durabilité des constructions, mais aussi la « principale source d’émission de CO2 ». L’objectif est désormais de trouver des produits de substitution. Le Directeur délégué produit et application de l’ATILH annonce ainsi l’arrivée imminente de nouveaux ciments sur le marché, actuellement en cours de normalisation, tels que les CEM II-C-M (d’ici 18 mois), les CEM VI (d’ici 24 à 36 mois) et les LC3 (Limestone calcined clay cement), qui devraient être commercialisés d’ici 2020. Ces ciments permettront de réduire de 50% les émissions de CO2 par rapport aux CEM I, le ciment pur sans ajout, et de 35% par rapport à la moyenne actuelle de tous les ciments.L’émission de CO2 de ces nouveaux ciments est diminuée par une réduction du clinker, en partie remplacé par des composés cimentaires tels que le calcaire, le laitier, les cendres volantes, les pouzzolanes ou encore les argiles calcinées.
L’industrie du ciment a décidé de mettre en valeur ces innovations en créant le Cement Lab, un « laboratoire » permettant de valoriser les solutions proposées par des startups, et de les communiquer aux différents acteurs de la construction, que ce soit des producteurs de matériaux, des constructeurs, des promoteurs, des architectes ou des bureaux d’études. Un premier workshop s’était tenu le 4 juillet 2018 à la Station F, à Paris, durant lequel huit startups avaient pu « pitcher » leurs propositions. Le second workshop s’est tenu hier, mercredi 14 novembre, dans les locaux de l’ESPCI. Six autres startups ont ainsi pu présenter leur pitch en présence d’une centaine de personnes.
Innovations : le recyclage et la carbonatation du béton
Pour atteindre ses objectifs environnementaux, l’industrie du ciment part aussi du principe que le béton peut se recycler, notamment grâce aux granulats et aux déchets liés à la déconstruction. Il suffit pour cela d’introduire des déchets possédant de bonnes quantités de calcium, silice, fer et alumine, dans un four de cimenterie chauffé à 1400 degrés. Bénédicte de Bonnechose concède toutefois que la déconstruction reste un phénomène assez marginal en France comparé à d’autres pays.Après le projet RecyBéton, le projet FastCarb est né d’un simple constat chimique : le CO2 pénètre naturellement dans le béton à sa surface, on appelle cela la « carbonatation » du béton. Il s’agit maintenant d’industrialiser et d’accélérer ce phénomène pour capter, stocker et réutiliser le CO2.
Des projets très coûteux à développer, avec une moyenne de 20 à 80 millions d’euros par projet, nécessitant donc de mettre en place un dispositif de soutien à l’investissement, rappellent les professionnels.
Claire Lemonnier
Photo de Une : ©Syndicat français de l'industrie cimentière