Des tunneliers sur-mesure pour les sous-sols du Grand Paris Express
A Schwanau, en Allemagne, l’entreprise Herrenknecht fabrique des tunneliers qui serviront à creuser les sous-sols du Grand Paris. Ces impressionnantes machines de 100 mètres de long et de près de 10 mètres de diamètre sont ensuite acheminées pièce par pièce jusqu’à la région parisienne en convois exceptionnels par le poids et la taille. Ces tunneliers - dont la roue de coupe pèse à elle seule jusqu’à 135 tonnes - sont capables de creuser dans la roche et progresser au rythme de 12 à 15 mètres par jour. Le vide créé par le creusement est aussitôt comblé par la pose d'un anneau en béton préfabriqué composé de sept voussoirs, un système qui garantit un soutien permanent du tunnel.
Les trois principales actions du tunnelier. ©Société du Grand Paris
6 questions à Guy Lechantre, gérant de Herrenknecht France
Comment sont conçus les tunneliers ?
Guy Lechantre : Les tunneliers sont conçus par rapport à des contraintes de conception : il y a la géologie du sol, la couverture, la profondeur à laquelle la machine va creuser, la charge d’eau – pour le Grand Paris on reste toujours au-dessous de la nappe phréatique - et d’autres critères comme le site, et l’espace disponible pour monter la machine.
Chaque tunnelier est adapté aux besoins du site, et quelques fois aux demandes de chaque client. Les entreprises de génie civil peuvent avoir des demandes particulières, donc nous avons aussi à considérer ces demandes, ce qui fait que chaque tunnelier est assez unique.
Les tunneliers sont-ils achetés ou loués ?
G.L : Ils sont achetés par nos clients, mais nous avons ensuite une obligation de reprise. Si le client ne veut pas le garder à la fin de son projet, nous avons ce que l’on appelle un « Buy back ».
Les tunneliers peuvent-ils creuser dans tous types de roches ? Y-a-t-il eu des mésaventures sur les premiers chantiers du Grand Paris ?
G.L : Les tunneliers sont adaptés en fonction des roches qu’ils peuvent rencontrer. En région parisienne, on a ce qu’on appelle des terrains « mixtes », c’est-à-dire qu’il y a des terrains « tendres » (avec de l’argile ou du sable) mais aussi des terrains « durs » (avec le calcaire). La roue de coupe et les molettes vont alors éclater les roches.
Sur les premiers chantiers, il y a eu des types de roches un peu plus durs que ce qu’on escomptait, mais dans l’ensemble les roches parisiennes sont assez bien connues, il n’y a pas eu de très grandes surprises.
Qui peut piloter l’engin ? Comment cela se passe-t-il ?
G.L : Certaines entreprises mettent en place des écoles pour former des pilotes, mais la formation se fait surtout sur le terrain, avec la machine. Un apprenti pilote suit généralement un pilote pendant un certain temps, souvent plusieurs mois, avant qu’il ne prenne la main lui-même.
Le pilote a ensuite toutes les commandes et va gérer en fonction du terrain, depuis la cabine de pilotage qui se trouve dans le train suiveur, à environ 10 mètres de la machine, et où il y a toute la logistique (les armoires électriques, les transformateurs etc.).
La cabine de pilotage. ©Société du Grand Paris/Cedric Emeran
Que deviennent les terres excavées ? Comment sont-elles réutilisées ?
G.L : Cela dépend des chantiers. La valorisation de ces terres n’est pas toujours évidente. Il y a une valorisation dans les comblements de carrières par exemple. Après, la démarche pour la réutilisation rocheuse est quelques fois assez compliquée. Pour la réutilisation avec du béton par exemple, c'est assez rare car la roche n'est pas compatible (dureté trop faible ou réaction alcaline).
Herrenknecht est-elle la seule entreprise à concevoir des tunneliers pour le Grand Paris ?
G.L : Non, ce n’est pas la seule. Il y a plusieurs grosses entreprises présentes sur le marché aujourd’hui, mais c'est la plus reconnue à l'heure actuelle sur le marché pour son expertise et son excellente qualité. Et le fait que de nombreux clients nous renouvellent leur confiance est pour nous le meilleur indicateur.
Propos recueillis par Claire Lemonnier
Photo de une : ©Société du Grand Paris