Au T1 2023, +42 % de défaillances dans la construction
Altares, entreprise spécialisée dans la data d’entreprise, faisait état de 42 500 défaillances en 2022. Soit +50 % sur an, mais les niveaux étaient en-dessous de ceux de 2019. Le dernier bilan diffusé ce 18 avril marque un retour aux niveaux d’avant crise, avec 14 317 défaillances d’entreprises au 1er trimestre 2023, ce qui revient à +43,6 % par rapport au 1er trimestre 2022.
« Du début des années 2000 jusqu’à la crise financière en 2008, chaque premier trimestre comptait en moyenne 12 500 procédures. La crise des dettes souveraines qui a ensuite secoué l’Europe à partir de la fin 2009 a engendré plus de 17 000 défaillances en moyenne chaque premier trimestre jusqu’en 2017. Depuis 2018, cette moyenne trimestrielle retombe sous 12 500, proche des valeurs d’avant 2008 à la faveur d’une année 2021 au plus bas depuis plus de trois décennies », récapitule Thierry Millon, directeur des études chez Altares.
Il abonde : « Si la volumétrie des défaillances peut paraitre conforme aux attentes, il demeure que le rythme ne ralentit pas et cela sans que les assignations URSSAF ne gonflent encore les ouvertures. Amortisseur social et économique durant la Covid, partenaire de la relance pendant la reprise, l'URSSAF reprend désormais progressivement les procédures de recouvrement pour lui permettre à la fois de répondre à sa mission de financement de la protection sociale mais aussi garantir l’équité entre les entreprises. Dans ces conditions, et en dépit d’une meilleure résistance des très jeunes entreprises, le niveau des défaillances d’entreprises devrait, comme envisagé il y a quelques mois, avoisiner voire dépasser le seuil des 55 000 ».
Les liquidations judiciaires directes majoritaires dans les procédures
« La hausse des ouvertures de procédures davantage concentrée en 2022 sur les activités à destination du consommateur se propage également sur celles à destination de l’entreprise », lit-on dans la conjoncture Altares.
Dans le détail, 307 jugements pour procédure de sauvegarde ont été enregistrés sur le premier trimestre 2023 (+39,5 %). Rappelons que cette procédure se destine uniquement aux entreprises n’étant pas en cessation de paiement et ne concentrent que 2,1 % de la totalité des procédures. Ce sont les liquidations judiciaires directes qui dominent en nombre (10 730), et sont en forte augmentation (+41,9 %).
Mais les procédures de redressement judiciaire (RJ) connaissent une hausse particulièrement rapide (+49,9 %). Elles s’élèvent à 3 280 jugements prononcés - soit 23 % des procédures -, mais demeurent en dessous des 4 057 annoncées au 1er trimestre 2019. Les structures de plus grande taille sont impliquées. « Depuis janvier 2023, 27 sociétés de plus de 100 salariés ont été placées en redressement judiciaire, alors qu’on en comptait moitié moins un an plus tôt (12) », dénombre Altares.
Si on analyse par territoires, l’Île-de-France passe au-dessus des 3 000 procédures notées début 2019, tandis que les régions Bourgogne-Franche-Comté, les Hauts de France, la Nouvelle-Aquitaine, l’Occitanie et les Pays-de-la-Loire dépassent, début 2023, les valeurs de début 2018.
Le BTP plus résilient que l’immobilier ?
Le dernier bilan Altares note en parallèle une forte résilience des entreprises créées post-pandémie. « Une entreprise défaillante sur dix a moins de deux ans. Un ratio particulièrement bas, alors que les entreprises créées pendant la crise sanitaire avaient été près de 2 000 à défaillir durant la pandémie », décrypte notamment le spécialiste de la data d’entreprise.
Elles sont ainsi 1 520 entreprises de moins de trois ans à être en situation de défaillance, c’est-à-dire 21 % en moins sur un an. « Les sociétés ayant trois années ou plus sont en revanche plus vulnérables, notamment celles de 6 à 15 ans. Plus de 5 800 ont défailli, soit 68 % de plus qu’un an plus tôt », compare Altares. Cependant, les entreprises de plus petite taille montrent une certaine fragilité. En effet, selon Altares, près de 13 200 entreprises défaillantes comptent moins de 10 salariés, et les TPE sont majoritaires (92 %). De quoi inquiéter l’artisanat du bâtiment, dont le tissu économique est constitué de très petites structures, car malgré une hausse de 2,4 % de son activité en 2022, le secteur s'attend à une décroissance.
Il n’empêche que les PME-ETI (au moins 10 salariés) affichent un bilan plus sévère, avec 1 125 défaillances, soit +59 % sur an - jamais vu depuis 2016. Si le secteur textile-habillement concentre une grosse partie des défaillances au 1er trimestre 2023, il est talonné par le bâtiment et autres secteurs (transport routier de marchandises, restauration…).
Si la construction subit une envolée des défaillances, dénombrées à 3 379 (+42 %), elle résiste mieux et reste en-dessous du seuil de sinistralité franchi début 2019 (3521). Le BTP englobe une majorité de ces défaillances, plusprécisément 2 803, évoluant ainsi de +43 %. Mais dans le secteur immobilier, certes les procédures atteignent le nombre de 578 (+39 %), mais les défaillances - au plus haut depuis début 2015 - bondissent en ce T1 2023 par rapport aux niveaux habituels, tant dans la promotion immobilière (87 ; +107 %) que dans les agences immobilières (192 ; +96 %).
Les deux secteurs doivent respectivement accuser le coup de la baisse des permis de construire au dernier trimestre 2022 et les hausses des taux de crédits immobiliers.
D’autant que selon la dernière conjoncture de la Fédération Française du Bâtiment (FFB), la crise du logement neuf pourrait détruire 100 000 emplois.
Virginie Kroun
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