Qualification RGE : entre qualité et complexité
La crise du bâtiment neuf continue d’impacter lourdement le secteur. En 2024, les permis de construire ont chuté de près de 30 % par rapport à l'année précédente, et les mises en chantier de 20 % en un an. Les promoteurs peinent également à vendre leurs programmes dans un contexte de hausse des coûts de construction et des taux d'intérêt. Cette situation pousse les entreprises du BTP à chercher des alternatives, en se tournant vers la rénovation énergétique pour remplir leurs carnets de commandes.
Un gage de qualité…
Dans ce contexte, le label RGE devient un véritable atout. En plus de donner accès aux aides publiques, telles que MaPrimeRénov' et les Certificats d'Économies d'Énergie (CEE), il garantit des normes de qualité dans les travaux de rénovation.
Étienne Duhot, directeur de la rénovation d'ampleur chez Hellio, souligne également que « cette qualification permet d'être référencé dans des annuaires RGE, comme France Rénov', offrant une meilleure visibilité aux professionnels qualifiés ». Ce dernier rappelle ainsi que « la qualification RGE est un gage de qualité pour les professionnels du bâtiment, permettant de respecter des référentiels stricts sur la mise en œuvre des travaux de rénovation énergétique, notamment en matière de performance énergétique ».
Toutefois, « les artisans du bâtiment, dont beaucoup ne disposent pas de tertiaire d’entreprise, rencontrent de nombreuses difficultés pour s’inscrire dans l’écosystème des travaux aidés avec une multiplication des acteurs, des process administratifs et des contrôles », souligne la Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (Capeb).
… mais des critères d'obtention complexes
« Une entreprise qui souhaite une qualification doit faire une demande et prouver qu'elle répond aux critères communs à toutes les spécialités », indique Teddy Puaud, délégué général chez Qualit'EnR. Cela implique que chaque entreprise doit démontrer la cohérence entre ses compétences et la qualification demandée. Par exemple, « si vous demandez une qualification pour le chauffage au bois, nous vérifions que vous êtes chauffagiste. Pour le photovoltaïque, des compétences en électricité sont nécessaires », poursuit-il.
La qualification RGE impose ainsi un processus exigeant et souvent long pour les artisans. « La durée d'obtention de ce label est très longue, notamment en raison de l'attente des commissions », explique Étienne Duhot, ajoutant que certaines entreprises renoncent au label pour éviter la complexité administrative ou pour ne pas ralentir leur carnet de commandes.
« On constate une baisse du nombre d’entreprises de travaux RGE qui s’établit à 56 633 à fin septembre 2024 », relève la Capeb, qui recommande vivement de « simplifier et dématérialiser les dossiers, de créer une nouvelle voie de qualification par validation des acquis de l'expérience (VAE) basée sur le contrôle de chantier, et de mettre en place un fichier unique des travaux aidés pour cibler les contrôles ».
Pour Teddy Puaud, ces critères d'obtention restent cependant primordiaux pour assurer la fiabilité des entreprises. « Chaque année, nous vérifions que les critères de base, comme l'assurance de l'entreprise et la présence du référent technique, sont respectés. En cas de non-conformité, l'entreprise est suspendue et doit corriger les écarts sous peine de sanctions », précise-t-il, ajoutant que tous les quatre ans, les formateurs passent devant un jury de compétences, avec un taux de réussite autour de 50 %.
Les fraudes détournent-elles la réputation des artisans qualifiés ?
« Les principales dérives constatées concernent la sous-traitance de certains chantiers par des entreprises qualifiées RGE à des artisans non certifiés ou moins qualifiés », indique Étienne Duhot, précisant que cette pratique nuit à la qualité des travaux et au respect des normes RGE.
Une information que confirme la Capeb, qui dénonce par ailleurs divers abus dans l'utilisation de la qualification RGE, dont l'usurpation du logo et des entreprises qui priorisent le volume de travaux aidés au détriment de la qualité.
Face à ce constat, le gouvernement a renforcé les contrôles en 2024, incluant le nombre d'audits, notamment pour les rénovations d'envergure : « 10 % des dossiers MaPrimeRénov' et 12,5 % des dossiers CEE sont désormais contrôlés sur place, contre 7 à 8 % en 2023 », explique-t-il.
Ces efforts incluent également une augmentation des contrôles par contact et un renforcement des équipes de la DGCCRF pour mieux cibler les fraudes. M. Duhot soutient également la proposition de loi du député Thomas Cazenave, visant à durcir les sanctions en cas de fraude. « Il est crucial de garantir l'atteinte des objectifs d'économie d'énergie post-chantier, ce qui serait possible avec des mesures de contrôle et une responsabilité accumulée pour assurer la qualité des chantiers », déclare-t-il.
En effet, les pratiques frauduleuses « jettent le discrédit sur l’ensemble de la filière bâtiment et peuvent dissuader les particuliers de faire des travaux de rénovation énergétique », regrette la Capeb. « Le principal impact est un manque de confiance des particuliers souhaitant réaliser des travaux », observe quant à lui Étienne Duhot.
Bien que minoritaires, les fraudes nécessitent des ressources pour être combattues. « Nous travaillons en étroite collaboration avec les services de l'État pour éradiquer ce fléau », souligne M. Puaud. Les entreprises cumulant des réclamations font d'ailleurs l'objet d'une surveillance accrue. Ainsi, « toute entreprise ayant trois réclamations en moins de 12 mois est soumise à une instance dédiée, pouvant mener à une radiation », selon M. Puaud.
D'après Étienne Duhot, les entreprises qui se distinguent sont celles qui privilégient un ancrage local, avec par exemple des showrooms pour présenter leurs produits et projets réalisés. « Dans ce secteur, le bouche-à-oreille reste essentiel pour instaurer la confiance, ce qui repose sur des entreprises délivrant un travail de qualité », ajoute-t-il.
Quel avenir pour le RGE ?
Selon le directeur de la rénovation d'ampleur Hellio, « cette certification est une garantie de sérieux et de compétence qui aide véritablement les particuliers à se tourner vers des artisans de confiance ».
Toutefois, de nombreux artisans et experts du secteur estiment qu'il serait pertinent d'ajuster certaines procédures pour rendre le processus plus accessible et réactif. Malgré cela, le label RGE continue d'être « indispensable » dans un secteur où la qualité et la confiance sont au cœur des attentes. Pour Teddy Puaud, « peu importe l'évolution de la réglementation, les labels seront toujours nécessaires pour identifier les artisans compétents », conclut-il.
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Propos recueillis par Marie Gérald
Photo de une : Adobe Stock