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Glissements de terrain : une menace croissante pour le bâti en France

Publié le 25 mars 2025

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Face à l’intensification des glissements de terrain en France, le bâti est de plus en plus menacé. Saturation des sols en eau, dérèglement climatique ou encore manque de moyens pour y faire face : les risques s’accumulent, avec parfois de lourdes conséquences.
Glissements de terrain : une menace croissante pour le bâti en France - Batiweb

Les risques naturels menaçant les populations et leur toit s'amplifient. Entre les inondations, les tremblements de terre ou encore les phénomènes de retrait-gonflement des sols argileux, le bâti a parfois la vie dure. À tout cela s’ajoutent les glissements de terrain, très fréquents dès que la météo s’y prête et que le relief est important.

Notons qu’en France, on dénombre chaque jour des glissements de terrain. D'après le Service des données et études statistiques des ministères de l'Aménagement du territoire et de la Transition écologique, 26 % des mouvements de terrain recensés entre 1900 et 2023 en France métropolitaine sont liés à des glissements.  Ces derniers sont plus ou moins importants, et le risque qu’ils font planer sur les infrastructures n’est jamais le même.

Nombre de mouvements de terrain recensés entre 1900 et 2023, en France métropolitaine, mouvements de terrain hors retrait-gonflement des argiles - Source : BRGM, BDMVT, SDES, 2024
Nombre de mouvements de terrain recensés entre 1900 et 2023, en France métropolitaine, mouvements de terrain hors retrait-gonflement des argiles - Source : BRGM, BDMVT, SDES, 2024

Tout est une question de rupture d’équilibre

 

Pour mieux cerner la menace, focus sur le phénomène. « Les glissements de terrain sont liés à une rupture de l’équilibre entre la pente et les matériaux », nous explique Alexis Mercier, président et fondateur de la société Agerin, spécialisée dans les risques naturels.

« Cette rupture d’équilibre s’explique le plus souvent par une saturation des sols en eau. L’angle d’équilibre va alors être modifié, ce qui va entraîner un glissement de terrain », ajoute-t-il.

Certains sols sont plus sujets à ce type de phénomène, notamment les sols argileux. « C’est un matériau qui, une fois saturé en eau, est très plastique », nous explique M. Mercier. Les sols rocheux peuvent aussi être propices lorsqu'ils sont très fracturés.

La menace vient de deux endroits

 

Ces phénomènes, qui animent le quotidien des sols du territoire, peuvent donc avoir des conséquences néfastes et plurielles sur le bâti.

Il y a « soit une déformation du sous-sol, et dans ce cas le bâti s’affaisse par rupture des fondations », explique Alexis Mercier, soit « le glissement de terrain n’est pas forcément sous la zone impactée, mais celle-ci l’est ensuite par les matériaux qui arrivent des glissements de terrain. Et dans ce cas, on a le développement d’impact de pression sur le bâtiment », ajoute le géomorphologue de formation.

Pour ce deuxième cas de figure, il est ici question de glissements de terrain, qui viennent de l’amont d’un bâtiment.

Le réchauffement climatique comme facteur aggravant

 

Malheureusement, l’intensité et la fréquence de ces phénomènes sont amenées à s’aggraver au fil des années. Et l’Homme n’y est pas pour rien. Le réchauffement climatique, qui s’accélère du fait de l’activité humaine, explique de deux façons cette évolution.

« La première concerne les matériaux argileux ou contenant de l’argile, qui sont une part importante des sols sujets à des glissements de terrain. Les phénomènes d’humectation et de dessiccation sont particulièrement problématiques. Quand l’eau va infiltrer les sols, plus la dessiccation est élevée, plus elle va s’infiltrer profondément », nous explique Alexis Mercier. En résulte alors une rupture de l’équilibre entre la pente et les matériaux à l'occasion de fortes précipitations.

Second point, la hausse des phénomènes pluvieux intenses, notamment avec les phénomènes orageux qui sont amenés à être de plus en plus importants. « Ces épisodes orageux entraînent une hausse des abats d’eau, de plus en plus violents et intenses. En résulte alors une charge hydraulique, c’est-à-dire une pression de l’eau dans les sols de plus en plus forte. Plus l’abat d’eau est important, plus on observe des glissements de terrain », résume M. Mercier.

« Beaucoup de solutions prédictives, mais peu de parades »

 

Avec tous ces dangers qui planent sur le bâti, on peut se poser la question de savoir s’il est possible d’anticiper ces glissements de terrain ? « Il y a beaucoup de solutions prédictives, mais beaucoup moins de parades », souligne le président et fondateur de Agerin.

Pour anticiper ces phénomènes, il convient dans un premier temps de cartographier les secteurs à risques, notamment à grande échelle pour définir l'intensité des risques (fort, moyen, faible).

À plus petite échelle, des missions géotechniques adaptées permettent de mettre en avant les risques de glissement de terrain, avec des modélisations de stabilité, ou encore une analyse sur des épaisseurs plus importantes. « Cela nous permet d’avoir une vision prédictive assez fine des glissements de terrain », témoigne M. Mercier.

Des solutions existent, mais à quel prix ?

 

Côté systèmes de protection, « on peut opter pour des systèmes de soutènement, qu’ils soient externes ou internes, avec des berlinoises forées, des pieux forés pour redonner de la rigidité au versant. On complète ensuite avec des systèmes de drainage, de gestion de l’eau, pour limiter au maximum les apports d’eau dans les zones instables », énumère Alexis Mercier.

Malheureusement, le coût de ces systèmes dépasse parfois les enjeux. « Quand les fondations coûtent beaucoup plus cher que les constructions elles-même, ça n’est pas économiquement viable. Les constructeurs sont au courant qu’il existe des risques, mais décident de les assumer pour économiser sur les fondations », déclare le géomorphologue.

« Pour une maison individuelle, on peut se retrouver avec des dizaines voire des centaines de milliers d’euros de fondations spéciales, de soutènements bien spécifiques », souligne M. Mercier. 

Le frein que représente l’argent conduit à beaucoup de libertés par rapport aux prescriptions. « Résultat, 10, 15, 20 ans plus tard, on se retrouve avec des catastrophes », regrette le fondateur de Agerin.

 

Propos recueillis par Jérémy Leduc

Photo de Une : Adobe Stock

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