MaPrimeRénov' : la Cour des Comptes livre ses recommandations
La Cour des Comptes a publié jeudi 30 septembre un audit sur le dispositif MaPrimeRénov’, le programme d’aide à la rénovation énergétique qui s’est ouvert depuis 2021 à la quasi-totalité des propriétaires. Ces derniers peuvent ainsi obtenir une aide, dégressive selon leur niveau de revenu.
Une démarche différente d’autres programmes gérés par l’Anah, comme celui « Habiter Mieux », destiné à réduire la précarité́ énergétique des propriétaires très modestes. Cela n’a toutefois pas empêché le dispositif MaPrimeRénov’ de traiter 64 % de demandes provenant de cette population en 2020, contre 56 % pour « Habiter Mieux ».
Depuis son lancement en avril 2020, l’opération MaPrimeRénov’ a enregistré 574 000 dossiers déposés et près de 300 000 financés en un peu plus d’un an, pour un montant représentant 862 millions d'euros d'aides. Un bon bilan, comme l’analyse l’audit de la Cour des Comptes, qui propose toutefois des points d’amélioration.
Des ajustements budgétaires et opérationnels préconisés
Dans son rapport, la juridiction financière encourage notamment l’État à renforcer la communication autour du dispositif, qui avait déjà porté ses fruits à son démarrage. Recommandation approuvée par Jean Castex. Le Premier ministre a entre autres évoqué la mise en place, au premier trimestre 2021, d’une cellule nationale visant à améliorer les connaissances des conseillers FAIRE sur les aides financières, et plus spécialement sur MaPrimeRénov’. Est également prévue une communication rapprochée entre MaPrimeRénov’ et d’autres programmes tels que « Habiter Mieux Sérénité » ou les Certificats d'Economie d'Energie (CEE). Cette convergence permettrait d’apporter plus de lisibilité à l’ensemble des aides de l’Etat et leur articulation.
Autre point abordé : la garantie d’un financement stable et pérenne du dispositif, au-delà de 2022. A savoir que le respect de traitement des demandes de financement sous 15 jours ont entrainé des dépenses de fonctionnement supplémentaires imprévues. L’Anah a en effet dû accroître ses effectifs de 60 % en 2020, tandis que les marchés de prestataires, intégralement à la charge de l’Agence, se sont élevés à 13,7 millions d'euros. Une hausse qui aurait pesé indirectement sur les crédits disponibles pour ses autres aides.
Thierry Repentin, président de l’Anah, précise toutefois qu’aucune rémunération des mandataires n'a été prélevé sur une part de la prime de l’Etat, « étant forfaitaire et intégralement dédiée au financement d’un geste de rénovation. L’Anah s’appuie également sur des mandataires, qu’elle a habilités, et qui sont choisis par les bénéficiaires de la prime pour les accompagner. Ces mandataires sont principalement des entreprises privées et marginalement des personnes publiques qui servent d’intermédiaire pour faciliter l’accès aux aides. Elles financent cette offre de service par l’accroissement de leurs marges consécutif à l’augmentation de leur activité et du volume de certificats d’économie d’énergie (CEE) associé », explique-t-il.
Le Premier ministre a également précisé que ces frais étaient aussi liés à un « déploiement graduel et dans le contexte de massification » mais qu'ils n'étaient pas «imputés sur l’enveloppe fléchée du budget de l’Anah. Les autres programmes ne devraient pas être impactés directement, grâce au niveau élevé de sa trésorerie historique, issue de la forte dynamique des quotas carbone en 2018 ».
De plus, à terme, un schéma budgétaire global devrait être consacré à la gestion de MaPrimeRénov’ et des autres aides. Il intégrera notamment des crédits budgétaires d’1,7 milliard d’euros, qui assureront l’essentiel du financement du dispositif en 2022 et seront complétés par 300 millions d'euros de crédits, au titre du plan de relance. Intégrée au projet de loi de finances de 2022, l’enveloppe représente un total de 2 milliards d’euros.
Vers une meilleure évaluation de l’efficacité du dispositif
Une évaluation des gains énergétiques de MaPrimeRénov’ avant la fin de l'année 2021 a également été préconisée par la Cour des Comptes. Or, il s’avère qu’un premier rapport de l'Observatoire de la rénovation énergétique, dépendant du ministère de la Transition écologique, s’était déjà penché sur la question en mai dernier. Sur les dossiers aidés en 2020, une économie d’énergie moyenne de 6,7 MWh/an par dossier a été observée, donc supérieure à celles constatées du côté du crédit d’impôt pour la transition énergétique (3,9 MWh/an par logement aidé en 2019), ou bien des CEE (3,2 MWh/an par logement aidé).
En outre, la Cour des Comptes a noté 1,5 milliard d’euros de travaux pour plus de 570 millions d'euros de primes versées, soit une réversion de TVA estimée à 82 millions grâce à MaPrimeRénov’ en 2020. Toutefois, une baisse a été constatée sur le montant moyen de l'aide allouée via le dispositif entre 2020 et 2021, passant de 4 039 € à 2 900 €.
A savoir que le bouquet travaux réalisés dans le cadre de MaPrimeRénov’ était trois fois moindre que ceux engagés par « Habiter Mieux ». Selon l’Anah, 86 % des dossiers couverts renvoient à des mono-travaux, principalement de changement de chauffage (72 %), accompagné d’un renforcement de l’isolation (26 %).
D’après la Cour des Comptes, l’Etat devrait réaliser d’ici fin 2023 une étude de l’impact de MaPrimeRénov’ dans la lutte contre la précarité énergétique des ménages les plus modestes. Le Premier ministre a également répondu favorablement à cette recommandation, en prévoyant une étude par le même observatoire à qui le rapport de mai 2021 avait été confié. « Le Gouvernement tiendra compte également des travaux du comité d’évaluation du plan de relance présidé par Benoît Coeuré si ce dernier venait à évaluer ce dispositif », ajoute Jean Castex.
De cette façon, un aperçu à plus long-terme pourra être rendu sur « le flux réel des aides et des travaux réalisés, la simplicité et la rapidité d’instruction et de versement, ainsi que l’efficience énergétique, sociale et en matière de qualité de l’air du programme MaPrimeRénov’ », explique la Cour des Comptes. Les résultats permettraient également de dégager des mesures, afin que l’aide réponde conformément aux dispositions votées dans la loi Climat et Résilience, visant la disparition des passoires énergétiques d’ici 2034. Affaire à suivre.
Virginie Kroun
Photo de Une : Adobe Stock