Loi de transition énergétique : les écologistes au bord de la défection
Après l'alerte lancée le 27 février dernier par le collectif « Les acteurs de la transition énergétique » sur l'affaiblissement de la loi sur la transition énergétique, suite à son passage au Sénat, c'est au tour de plusieurs ONG environnementales de s'inquiéter du contenu du texte, à la veille du vote solennel prévu ce mardi 3 mars.
La Fondation Nicolas Hulot et France Nature Environnement (FNE) ont notamment mis en garde le gouvernement contre une loi « au rabais », dénonçant l'adoption par le Sénat mardi d'un texte « très loin de l'ambition initiale ».
Un sentiment partagé par la secrétaire nationale d'Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Emmanuelle Cosse qui n'a pas hésité à parler de défection dans les rangs écologistes en cas d'adoption de cette loi.
« Si le gouvernement faiblit sur la loi de transition énergétique, qu'il ne cherche pas ensuite à construire quoi que ce soit avec les écologistes! », a-t-elle prévenu.« Le texte actuel n'est pas du tout la version qui a été votée à l'Assemblée nationale, les sénateurs ont complétement revu à la baisse ».
Le problème du nucléaire en tête
Le principal problème du texte concerne la définition d'objectifs de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique français. « Si c'est le texte de loi tel qu'il est sorti du Sénat qui est adopté in fine, les écologistes ne soutiendront pas ce texte de loi, tout simplement parce qu'il est totalement en deçà des objectifs présidentiels sur le nucléaire », a insisté la patronne des écologistes.
« En 2011, quand nous avons fait le choix de travailler avec les socialistes à la conquête de la présidentielle et donc à la victoire de François Hollande, la loi de transition énergétique, l'évolution énergétique de la France, était au coeur de nos préoccupations, il l'a toujours été », a-t-elle rappelé. « Nous nous sommes extrêmement impliqués dans cette loi, notamment à l'Assemblée nationale puis au Sénat, et nous n'accepterons pas que nous n'allions pas a minima sur les propositions du président de la République », a dit Emmanuelle Cosse.
« Si demain le président de la République n'obtient pas le respect de ses engagements, c'est-à-dire la réduction de la part du nucléaire en 2025, les écologistes ne seront plus présents pour quoi que ce soit », a-t-elle prévenu.
Soutien des ONG
Et elle peut compter sur le soutien des ONG. La fondation Hulot déplore également le retrait de l'objectif intermédiaire de baisse de 20 % de la consommation énergétique en 2030, qui aurait été « structurant pour la prochaine programmation pluriannuelle de l'énergie », ainsi que l'objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique. « Un objectif de 50 % de nucléaire sans échéance n'est en rien crédible », fustige la Fondation, avant d'ajouter que « le plafonnement de la production nucléaire a par ailleurs été relevé pour permettre d'augmenter le nombre de centrales, ce qui est un comble ».
« Et le grand gagnant est... le lobby du nucléaire! » appuie la grande fédération FNE. Le Sénat a par ailleurs supprimé certaines mesures « concrètes », comme «l'obligation pour les grosses entreprises de faire des plans de mobilité pour aider les salariés à réduire leur consommation d'énergie », explique-t-elle.
Le Réseau Sortir du Nucléaire dénonce pour sa part « des reculs inacceptables qui repousseraient aux calendes grecques la fermeture des vieux réacteurs et de Fessenheim en particulier ». « Il est incompréhensible que des élus, censés représenter l'intérêt des citoyens, souhaitent leur faire subir les risques et les coûts d'un réacteur au chantier enlisé et d'une centrale vieille et dangereuse », ajoute l'association, « exhortant le gouvernement à rester ferme sur les objectifs qu'il s'est lui-même fixés ».
Frein à l'essor des énergies renouvelables
Pour ces organisations, plusieurs dispositions viennent en outre freiner l'essor des énergies renouvelables, notamment le passage à un km de la distance minimale devant séparer éoliennes et habitations.
« Le texte voté par le Sénat est très loin de l'ambition affichée initialement par le gouvernement », résume la Fondation Hulot, soulignant qu'elle « ne pourrait que se désolidariser d'un texte qu'elle a pourtant ardemment soutenu » si la CMP ne rétablissait pas la situation.
« Si la France sort une loi sans objectif de réduction des consommations et qui, en plus, freine le développement des énergies renouvelables, elle fera pâle figure au moment de la conférence de Paris consacrée aux dérèglements climatiques en décembre prochain », souligne pour sa part Denez L'Hostis, président de FNE.
Les organisations demandent donc au gouvernement et aux parlementaires de revoir ces dispositions lors de la commission mixte paritaire (CMP, sept députés/sept sénateurs) qui se tiendra le 10 mars, après le vote solennel de ce mardi.
C.T (avec AFP)