Face aux besoins croissants d’indemnisation des victimes, quand les délégations sont floues, les juges sont tentés d’ajouter aux sanctions civiles une condamnation pénale des collaborateurs.
Née de la multiplication des mises en examen de maires, lors d’accidents survenus sur le territoire de leurs communes, la loi du 10 juillet 2000 a tenté d’apporter un plus grand discernement dans le partage des responsabilités entre les personnes physiques et morales.
Si aujourd’hui le texte est bien appliqué pour les élus (qui jouissent d’une protection exceptionnelle de la loi), ceci semble loin d’être le cas des chefs d’entreprise et de leurs collaborateurs, en particulier dans le BTP. En effet, devant la pression des victimes réclamant des indemnisations que l’entreprise ne peut pas toujours payer, les tribunaux sont souvent amenés à ajouter aux sanctions civiles qui touchent l’entreprise, des sanctions pénales contre les collaborateurs. Cette conséquence trouve fréquemment son origine dans la légèreté avec laquelle les délégations de pouvoir sont rédigées et distribuées au sein des entreprises. En effet, malgré la loi du 10 juillet 2000 (qui concerne surtout les élus), la responsabilité des personnes physique lors d’un manquement dans l’entreprise, peut pratiquement toujours être engagée. La loi précise qu’en cas de faute, d’imprudence ou de négligence, le délit est constitué s’il est démontré que l’auteur des faits n’a pas accompli les diligences normales, compte tenu de ses fonctions, de ses compétences ou de sa mission. La loi ajoute que peuvent être mises en cause les personnes physiques directement ou indirectement concernées si elles ont permis la réalisation du dommage, en ne prenant pas les mesures permettant de l’éviter. En terme clair, non seulement les juges ont la plupart du temps les moyens, en plus de l’entreprise, d’impliquer les collaborateurs immédiatement concernés par le dommage, mais ils peuvent aussi remonter la ligne hiérarchique, en allant aussi loin que possible vers le siège de l’infraction. Un cheminement désormais souvent utilisé pour permettre aux victimes d’être indemnisées par les personnes physiques si l’entreprise n’est pas suffisamment solvable. Une procédure qui offre aussi aux victimes l’occasion d’un débat public propre à satisfaire un désir de « vengeance ». Pour limiter l’interprétation excessive relative aux causes indirectes de l’accident, il est donc prudent de rédiger et de transmettre des délégations de pouvoir claires aux collaborateurs. Des délégations, qui non seulement comportent la nature et l’étendue des pouvoirs confiés aux collaborateurs, mais qui peuvent au besoin spécifier les réglementations en vigueur et l’inventaire des éventuels risques pénaux. Des mentions certes rébarbatives, mais qui contribuent à limiter les risques d’ accidents en amont et de poursuites pénales excessives en aval. Pour en savoir plus: Loi du 10 juillet 2000, Article 121-3 du code pénal, et art 4-1 du code de procédure pénale et 1383 du code civil.