La RE2020 « doit être perçue comme une opportunité économique », Daniel Gremillet
Malgré les assouplissements concédés par le Gouvernement, la RE2020, qui n’entrera en vigueur que le 1er janvier 2022, continue à faire débat. Et les appels ne viennent pas uniquement des filières « construction » qui pourraient se voir affectées par les transitions en cours. La Commission des affaires économiques du Sénat vient en effet d’adopter les conclusions d’une mission d’information confiée à Daniel Gremillet (Les Républicains – Vosges) sur l’impact des nouvelles normes de performance énergétique des bâtiments neufs, individuels et collectifs, à usage d’habitation.
La commission estime que l’évaluation faite par le Gouvernement est insuffisante, et a donc souhaité commander une étude d’impact indépendante. Sophie Primas, sa Présidente, rappelle que « la quasi-totalité des professionnels regrettent le manque de concertation et d’évaluation de la RE2020 ». La commission a ainsi jugé « crucial » d’interroger chacune des parties prenantes. « C’est le rôle du Parlement de contrôler l’application des lois et d’évaluer l’incidence de la réglementation ».
Baisse d’activité, hausse des prix, suppression d’emplois
Pour élaborer son rapport, Daniel Gremillet a dialogué avec une soixantaine d’acteurs issus des différentes filières de la construction et de l’énergie, à l’occasion de 25 auditions.
De ces échanges, plusieurs observations ont émergé. Le rapport estime que la RE2020 aura « une incidence directe » sur le secteur de la construction avec d’ici 2024, « une hausse des prix des bâtiments neufs de plus de 3% » et un ralentissement des mises en chantier de plus de 1,5 point.
Le rapport pointe aussi les effets économiques de la réglementation sur la filière gaz avec l’interdiction de facto de l’installation de 100 000 chaudières à gaz par an. Une interdiction qui devrait mener à une perte globale de 2,95 Mds d’euros et de 8 280 équivalents temps plein. Et à une déstabilisation de la filière industrielle, et notamment des 36 usines intervenant dans la production de chaudières à gaz et des 15 000 entreprises chargées de leur installation.
20 propositions pour une RE2020 efficace
La mission formule ainsi 20 propositions articulées autour de 5 axes. Elle appelle notamment à prévenir « tout risque de rupture » dans le secteur de la construction en achevant le travail de normalisation de l’ACV dynamique avant de se prononcer sur sa généralisation. Préconise de revaloriser le chèque énergie et de baisser la taxe sur la valeur ajoutée pour « compenser aux ménages et aux professionnels les surcoûts induits par la RE2020 ».
La mission recommande également d’évaluer les conséquences de la RE2020 sur la sécurité et la consommation énergétiques, en particulier sur la sécurité d’approvisionnement, la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages.
Les deux autres axes rejoignent les annonces faites par la ministre du Logement, Emmanuelle Wargon. La mission se réfère en effet à la clause de revoyure et à la mise en place d’un groupe de suivi pour introduire un cadre « réglementaire adapté et proportionné ». Et pour amortir « le choc de compétitivité dans le secteur de l’énergie », conseille un assouplissement pour les filières gaz et les réseaux de chaleur « en instituant des plans d’urgence pour les 36 usines et 15 000 installateurs précités », en promouvant le biogaz et le biofioul pour le chauffage des logements.
« La RE2020 doit être perçue comme une opportunité économique et non pas comme une contrainte administrative. C’est pourquoi nous devons privilégier un cadre adapté et proportionné, gage de sa bonne application. Nous attendons donc que le Gouvernement se saisisse des ajustements que nous préconisons : ils visent à offrir aux ménages et aux entreprises les souplesses administratives et les moyens financiers nécessaires à la décarbonation des logements neufs », déclare enfin Daniel Gremillet.
Rose Colombel
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