Didier Duchêne FFB « Le mot accessibilité est entré dans l'acte de construire »
Batiweb : Comment les entreprises du bâtiment ont accueilli l'obligation de la mise en accessibilité des ERP en 2015 ?
Didier Duchêne : L'accessibilité est un dossier que l'on a lancé dès 2003 auprès de nos adhérents. Et nous nous sommes rendus compte que le message était difficile à faire passer, car les professionnels connaissaient le mot accessibilité, mais n'avaient aucune connaissance des règles attenantes à l'accessibilité. Mon travail au sein de la FFB a donc été de trouver le moyen de faire passer un message national, pour que que les 54 000 entreprises représentantes du bâtiment ne le prenne surtout pas comme une réglementation supplémentaire. Il faut reconnaître que le bâtiment avait bien intégré l'accessibilité de la personne en fauteuil roulant. Depuis des années, la bonne largeur des portes a été acquise, beaucoup de choses ont été acquises. Par contre, l'accessibilité à tout les handicaps a compliqué la chose. Une grande partie de la profession est prête à répondre au marché, et nous sommes dans l'attente de ces marchés pour pouvoir actionner ce phénomène accessibilité.
Quel est le message que vous avez adressé aux professionnels ?
Ma première mission a été d'informer au maximum nos métiers impactés par l'accessibilité. Nous sommes 32 unions de métiers, mais ces 32 unions ne seront pas impactées de la même façon. Les métiers les plus impactés par l'accessibilité sont les plombiers, les métalliers, les peintres, les électriciens... Ces corps de métiers là sont très partie prenante dans l'accessibilité. L'électricien par exemple, pour la partie domotique, les nouvelles normes vont changer sa façon de travailler. Donc l'important a été de communiquer métier par métier. La FFB s'est déplacée dans tous les département pour dire : « ce n'est pas une réglementation supplémentaire, faisons des logements un enjeu sociétal, pas une contrainte ». Et ce message a été très bien perçu par les artisans. Dans l'acte de construire, nous allons mettre de la citoyenneté.
Ces changements doivent susciter des interrogations de la part de vos adhérents ?
Actuellement, les métiers du bâtiment ont pris conscience de la nécessité d'accessibilité et font toutes les démarches nécessaires pour former leur adhérents. Et on voit bien que la demande de formation était telle que l'on n'avait pas l'offre pour répondre. Notre principale inquiétude est que que nos hommes ne soient pas formés lorsque les budgets seront débloqués.
La formation est donc primordiale pour répondre à ce marché ?
Oui, la priorité de la FFB, c'est de former et d'attendre les marchés. Beaucoup d'entreprises ont du revisiter leurs technologies. Et nous souhaiterions disposer de beaucoup plus de temps pour la formation. Car la profession a pris conscience de l'accessibilité dans sa corporation. Par exemple, la corporation des peintres a édité un fascicule propre à l'accessibilité. Et ce n'est pas la FFB qui a pris les choses en main, c'est la corporation elle-même, sous l'égide de la FFB. Ce qui veut dire que ça n'a pas été imposé, ce sont eux qui sont demandeurs. Cela nous a fait gagner énormément de temps et le message passe mieux.
Quels sont les enjeux de ce marché pour les entreprises du bâtiment ?
Il y a un marché captif qui représente une vingtaine de milliard, mais c'est un marché qui est largement subventionné par l’État. Beaucoup de chiffre ont été divulgué. On peut considérer que 5 à 8% du parc de logements a déjà été mis en accessibilité et que la date de 2015 n'est pas une date raisonnable pour que les 90% restants soit réalisés. Les bailleurs sociaux ont commencé à construire des logements neufs adaptés. Mais la mise en accessibilité en rénovation est un marché beaucoup plus complexe dans le sens ou l'on travaille sur des logements déjà existants, avec des gens qui y habitent, dans un milieu fragile. Je pensais que ce marché serait un palliatif à la crise, mais les budgets ne sont pas au rendez-vous.
A l'image du label « les Pros de la performances énergétique » créé en 2009 pour accompagner les entreprises qui veulent se positionner sur le marché de la performance énergétique, la FFB a lancé la marque « Les Pros de l'accessibilité » lors de Batimat. Quel est l'objectif de ce label ?
Nous avons créé une qualification d'offre globale pour qu'une entreprise qui a un métier attenant à l'accessibilité puisse répondre à la totalité du marché. Beaucoup de marchés ne trouvaient pas preneur parce que le budget n'était pas assez conséquent. C'est pour cela que nous avons créé « les Pros de l'Accessibilité », un label lancé à Batimat. Beaucoup de labels divers étaient en train de voir le jour. C'est le département qui faisait le label accessibilité. Pour identifier les vrais labels de l'accessibilité, il fallait donc que la profession se prenne en main. Il est plus logique que ce soit la profession qui propose des artisans et des entreprises avec des qualifications. C'est pourquoi « les Pros de l'accessibilité » ont été créés. Une trentaine d'entreprises ont désormais le label « Pros de l'accessibilité », cela représente plus de 3000 salariés.
Les Professionnels du bâtiment sont donc prêts pour rendre accessible les ERP en 2015 ?
Pour rénover la totalité du parc en 2015, ce ne sera pas possible. Au lieu de faire tout d'un coup, nous devrions faire étape par étape. Que tous les logements neufs soient accessibles, d'accord. Mais dans la rénovation, ce n'est pas pareil. Il va falloir mettre de la nuance. Il faut sélectionner les priorités dans les bâtiments à rendre accessible. Il y a une grande part de lobbying de beaucoup d'associations. Mais il faut reconnaître que nous sommes très en retard sur beaucoup de pays. Mais nous sommes sur la bonne voie. Le mot accessibilité est entré dans l'acte de construire et c'est un très grand pas. On a mis de la citoyenneté dans la construction.
Nous participons aussi à beaucoup de propositions pour faire bouger le marché, comme de mettre les travaux d'accessibilité dans le PTZ. Il faut faire comprendre au gens que rendre accessible son logement n'est pas une chose à faire lorsque l'on a 80 ans, mais lorsque l'on en a 50 ou 60, avec une aide fiscale. Nous travaillons actuellement sur des projets de propositions pour le ministre Besnoit Apparu qui vont dans ce sens, pour ne pas subir le marché dans 10 ans.
Propos recueillis par Bruno Poulard