Logement : la sortie de crise discutée au Sénat
La crise du logement continue de faire parler d’elle, et rien n’indique que l’on se dirige vers une sortie de crise. Les différentes mesures annoncées par l’exécutif n’en finissent plus d’inquiéter les principales fédérations du bâtiment et de l’immobilier.
Ces inquiétudes touchent également les politiques, et notamment Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques du Sénat, qui s'est exprimée à une table ronde organisée par sa commission ce mercredi 6 décembre : « Je suis frappée par le fait que les mesures prises par l’État depuis 2017 amplifient les difficultés (...). Je suis encore plus frappée par le fait que le gouvernement, au lieu de venir en soutien du secteur comme cela avait été fait en 1993 ou en 2008, prend aujourd’hui des mesures qui sont de nature plutôt à aggraver la situation, avec l’arrêt du Pinel et le recentrage du PTZ par exemple ».
Quelles solutions pour sortir de la crise ?
Marianne Louis, directrice générale de l’Union sociale pour l’habitat (USH), a logiquement axé son propos sur la question du logement social, même si elle en a bien conscience, cette crise est « une crise omni-segment. C'est-à-dire qu’elle touche l’accession dans le neuf et dans l’ancien. Elle touche également la production, aussi bien celle pour les particuliers que celle des investisseurs institutionnels que sont notamment les organismes HLM, qui ont vu leur production et leur programmation fortement baisser ».
La directrice générale de l’Union sociale pour l’habitat a d’abord rappelé les événements qui ont conduit à cette crise du logement social. La baisse des APL voulue par le gouvernement en 2017 a notamment amené les organismes HLM « à adopter une posture extrêmement prudentielle », comme l’explique Mme. Louis. «Il faut revaloriser les APL pour les ménages les plus modestes, qui sont aujourd’hui les premières victimes de la crise du logement. Les revaloriser et peut-être même les élargir », explique-t-elle.
Marianne Louis souhaite également une meilleure maîtrise des coûts de production et que des limites soient fixées aux coûts normatifs : « La RE2020 nous a quand même généré des surcoûts réels. Il y a de vrais besoins, mais évidemment, il va falloir se fixer une limite et fixer un moratoire ».
Du côté de la FPI, et de son délégué général Didier Bellier-Ganière, on s’inquiète grandement de la hausse des taux de désistement (50 % en 2023) et de la chute importante des mises en vente (-60 %). Pour contrecarrer ces tendances, M. Bellier-Ganière, au nom de la FPI, préconise de « faire revenir dans l’accession, dans l’achat ou dans l’acte d’achat d’un logement, des populations qui ne sont pas présentes actuellement. C’est la raison pour laquelle on a proposé de mettre en œuvre ou d’augmenter les plafonds d’exonération des droits de mutation à titre gratuit en cas d’acquisition d’un bien pour en faire sa résidence principale ».
Le délégué général de la FPI regrette également la disparition du Pinel, qui a « fait disparaître d’un coup 60 000 logements qui arrivaient chaque année et qui étaient mis à la location », souligne-t-il. Pour compenser cette perte, Didier Bellier-Ganière propose « de permettre aux investisseurs particuliers de bénéficier des mêmes conditions que les investisseurs institutionnels quand ils investissent dans le logement locatif intermédiaire ».
Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques de la FFB, appuie les propos de Marianne Louis, qui souhaite que des limites soient fixées aux coûts normatifs : « Stop aux normes. On a la RE2020 qui va provoquer tous les trois ans une hausse des coûts. Le ZAN, de son côté, va provoquer une hausse du foncier. Cela suffit pour notre plaisir », déclare M. Chapeaux d’un air désabusé.
Pour faire face au durcissement du marché du crédit, Loïc Chapeaux souhaite également que le gouvernement assouplisse la réglementation HCSF, « surtout alors qu’il semblerait que les taux d’intérêt commencent à s’infléchir un peu », explique-t-il.
Représentant du marché ancien, Loïc Cantin, président de la FNAIM prône pour une transférabilité des prêts bancaires. « C’est une pratique que nous avons largement utilisée depuis 40 ans et dans des périodes antérieures, où on savait transmettre les prêts immobiliers conventionnés, les prêts PAP, les prêts des crédits fonciers à des ménages qui pouvaient effectivement en disposer », explique M. Cantin. « C’est simple, ça donnerait un peu d’oxygène, ça ne coûte rien à l’État et ça ne coûte rien aux banques qui plus est », argumente-t-il.
L’économiste Robin Rivaton souligne le manque de bénéfices pour les collectivités à déployer de nouveaux équipements, afin d'accueillir de nouveaux résidents. D'autant que ces structures peuvent gêner parfois, sur le plan paysager ou autre, les populations déjà présentes. « Aujourd’hui, c’est un des facteurs essentiels du blocage de la construction. Les communes, les intercommunalités ne retrouvent pas de bénéfices dans l’accueil de populations nouvelles. Et si on n’est pas capable de résoudre ce sujet-là, on n’aura pas de construction nouvelle dans ce pays », avertit M. Rivaton.
Et d'également pointer du doigt ce surplus de normes et leur coût. M. Rivaton met en garde et explique qu'à force de mesures, « ce sont des ménages qui ne peuvent plus accéder au logement ».
Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, s’inquiète du nombre croissant de personnes qui se retrouvent à la rue. Malgré le fait qu’il ne se réjouisse pas de voir augmenter les places d'hébergement d’urgence, il est bien conscient que la situation dans le pays l’exige. « Oui, il faut augmenter les places d’hébergement d’urgence. 3 000 enfants qui appellent le 115 avec leur famille tous les soirs et qui restent à la rue en France en 2023, on ne peut pas », déplore-t-il.
Jérémy Leduc
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