Logistique et valorisation, Hesus accompagne les entreprises dans la gestion de leurs déblais de chantier
Le projet du Grand Paris Express devrait générer, d’ici 2030, près de 45 millions de tonnes de déblais, soit une augmentation de 10 à 20% de la production totale de déchets issus des chantiers franciliens. La gestion des terres excavées se présente ainsi comme un véritable défi environnemental. C’est pourquoi, dès 2012, la Société du Grand Paris a commencé à réfléchir à des solutions pour anticiper la gestion et la valorisation de ces déblais. Elle a notamment mis en place une charte de bonnes pratiques et a développé un outil de traçabilité. Lancé sous forme de plateforme informatique collaborative, le dispositif permet d’assurer le suivi en temps réel des échanges de chaque lot de déblais et de veiller au respect de la réglementation. Il rend ainsi possible de suivre « en toute transparence les origines, la qualité et les destinations finales des déblais ».
Un communiqué informe qu’au 1er décembre 2018, 48 entreprises étaient signataires de la charte. « Elles représentent plus de 300 sites de stockage, réaménagements de carrières, aménagements, plateformes ou sites intermédiaires de traitement ».
Si la plupart des majors du Bâtiment gèrent seuls leurs déchets, d’autres entreprises se font accompagner. Elles peuvent notamment se tourner vers Hesus, une société novatrice qui a très vite compris que « les conséquences des enjeux environnementaux bouleversent la gestion des chantiers ».
Depuis 2008, elle offre aux acteurs du BTP « les meilleures solutions que ce soit de valorisation ou de logistique ». Emmanuel Cazeneuve, CEO d’Hesus, nous rappelle : « Le secteur de la construction, c’est le plus grand producteur de déchets en France, voire même en Europe. En France, c’est 5 fois plus que les ordures ménagères. Ce n’est pas loin de 150 millions de tonnes. Le secteur du BTP, c’est aussi le plus gros consommateur de matières premières non renouvelables, qui est le sable ».
« En plus on fait de plus en plus de chantiers. Et ça s’explique parce que les métropoles sont obligées de changer leurs infrastructures pour améliorer la mobilité, réduire la pollution atmosphérique… Et donc, les entreprises ont besoin clairement d’être aidées pour faire une boucle positive, pour mieux gérer leurs déblais ».
L’enjeu de la logistique urbaine
Comment procède l’entreprise ? Emmanuel Cazeneuve cite l’exemple d’un chantier à Aubervilliers où il faut évacuer 10 000 m3 de terres : « Hesus va trouver, en fonction de la pollution de ces terres, différents centres de valorisation ou même des chantiers » où ces terres pourront être réutilisées.
Qui analyse les terres excavées ? Il explique que le constructeur ou le terrassier transmet un rapport de pollution fait par le maître d’ouvrage à Hesus. « A la lecture automatique de ce document, on va pouvoir déterminer si les terres sont polluées et surtout où est-ce qu’elles peuvent aller ». Plusieurs options sont alors proposées « en fonction du prix et du degré environnemental ».
Pour ce faire, la société compte sur deux types d’outil. Hesus Store tout d’abord, une « communauté de chantiers » qui réunit des personnes cherchant à évacuer des terres ou à en recevoir. A cette communauté ont été associés des transporteurs mais également des centres de traitement ou de valorisation pour que le chantier « puisse interagir directement ».
La société offre également à ses clients « la logistique qui est quelque chose de clé ». Emmanuel Cazeneuve note en effet que les centres de traitement et les chantiers sont de plus en plus loin les uns des autres. Et avec des camions de 44 tonnes, la gestion des déblais peut se révéler difficile. « C’est pour ça que la plupart du temps, on essaye de faire de la logistique multimodale ».
Sur le Grand Paris par exemple, « on a eu deux grands sujets ». Il cite l’outil de traçabilité créé par la Société du Grand Paris. S’il a permis de changer la donne, « de créer un nouveau standard », et a obligé les acteurs de la chaine « à se poser la question, à investir et à innover », il n’était pas facile d’usage, au début en tous cas. La logistique des camions et des bateaux est également « extrêmement difficile ». « Sur un chantier, comme celui de la ligne 15, très vite, il faut mettre 45 camions par jour pendant un an ». Et mobiliser 45 camions tous les matins dans une zone habitée demande « une adaptation de la logistique urbaine importante ».
La logistique urbaine est ainsi devenue l’un des axes majeurs de développement d’Hesus. Pour faciliter les démarches, Hesus s’appuie sur un outil d’automatisation qui permet de récupérer la donnée. « Aujourd’hui, on fait à peu près 500 chantiers par an. On récupère toute la donnée liée à la logistique, à la valorisation, à la réutilisation sur chantier ».
Optimiser la gestion des déblais
En 2018, la société a géré près d’un million et demi de tonnes de terres. 82% ont été valorisées, un chiffre qu’il faut « relativiser par rapport à un objectif réglementaire pour qu’en 2020, on valorise 70% ».
Dans le cadre du Grand Paris Express, Hesus s’est rapproché de Cemex et de Paprec et a créé « une société particulière pour répondre aux marchés du Grand Paris parce que ce sont des marchés colossaux ». Via « Terres du Grand Paris », Hesus est intervenu sur « à peu près tous les lots et on continue à travailler régulièrement sur des lots de la ligne 15 sud mais également sur tout ce qui va être la ligne 14 ».
Pourquoi avoir lancé cette joint-venture ? « C’est le chantier du siècle, on ne pouvait pas passer à côté. Et très vite, on s’est rendu compte, que nous Hesus, même si on est une société qui grandit pas mal, on n’était pas taillé pour répondre à des lots qui peuvent monter à 30/40 millions d’euros ». Emmanuel Cazeneuve relève aussi les expertises complémentaires des trois partenaires : Cemex et sa particularité de transports fluviales et de valorisation en carrières, Paprec pour sa gestion de plateformes et Hesus pour sa connaissance en logistique et réemploi. « On a innové en termes de services, ce qui nous permet d’avoir gagné des chantiers ».
Réduire l’impact environnemental des terres excavées
Aider les acteurs du BTP à optimiser la gestion de leurs déblais, c’est aussi les encourager à agir plus écologiquement. « On optimise les tournées de camions. Au lieu de faire des aller-retour entre la décharge et le chantier, on fait des boucles de triple ou quadruple frets où on va aller évacuer les terres d’un chantier, vers des carrières, prendre des matériaux de cette carrière, amener des matériaux nobles sur un nouveau chantier et refaire des boucles ».
Hesus milite aussi pour le réemploi des terres excavées, « c’est-à-dire de chantier à chantier ». 15% des terres inertes gérées par Hesus en 2018 ont été réutilisées (entre 150 et 180 000 tonnes), un chiffre que la société souhaiterait doubler dans les années à venir. « Quand on arrive à réutiliser les terres d’un chantier vers un autre, c’est presque 80% de coût carbone évité », souligne Emmanuel Cazeneuve.
Quelle est la tendance dans le secteur ? « Souvent les prix de réutilisation sont moins chers que les prix de valorisation en carrières. Pourquoi ? Parce qu’on va au plus près et il n’y a pas de coûts de décharge liés au chantier », dit-il. Mais si le réemploi est bénéfique, l’opération est parfois complexe : « on ne sait jamais quand un chantier va ouvrir ou fermer ».
Le CEO d’Hesus se réfère aussi à la compatibilité chimique et physique des chantiers. « Vous pouvez avoir parfaitement le bon chantier chimiquement proche, sauf que s’il y en a un qui démarre et qui prend du retard, vous pouvez peut-être louper le coche ».
Pour les années à venir, Hesus qui a fait en 2018, un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros, en croissance de 40% par rapport à 2017, souhaite se consolider en France. Déjà installée en Angleterre, la société ouvrira en Pologne dès juillet.
Emmanuel Cazeneuve revient aussi sur une levée de fonds de 10 millions d’euros annoncée au mois de mars. « On a été le premier investissement du fonds vert de Paris. Ces 10 millions d’euros doivent nous permettre d’aller chercher un CA de 100 millions d’euros dans les 4 à 5 ans à venir ». La société, qui compte aujourd’hui 40 collaborateurs, souhaite également avoir « une part de marché de 10% en Europe ».
Rose Colombel
Photo de une : Emmanuel Cazeneuve