Autrefois, l'impôt touchait aussi les portes et les fenêtres
Créée en 1798, cette mesure vise à atteindre la fortune présumée des contribuables. Il ne touchait ainsi que les propriétaires, et introduisait une sorte de proportionnalité, les plus aisés payant également plus d'impôts. Sa création fut accompagnée de celle d'un autre impôt du même type, l'impôt sur les parcs et jardins.
L'impôt prenait pour signe extérieur le nombre de portes et de fenêtres. Il ne touchait pas les ouvertures des bâtiments à vocation agricole, ni les ouvertures destinées à aérer les caves (soupiraux) ou pratiquées dans les toits (lucarnes, vasistas). Les bâtiments publics n'étaient pas imposés non plus, mais l'impôt suscitait de singuliers bouleversements dans l'architecture des bâtiments privés. Il conduisit surtout à la condamnation de nombreuses ouvertures, et il fut accusé de pousser à la construction de logements insalubres, avec de très petites ouvertures, donc sombres et mal aérés.
Dans le premier livre de son roman Les Misérables, qui se déroule au début du XIXe siècle, Victor Hugo condamne la rente mise en place :
« Mes très chers frères, mes bons amis, il y a en France treize cent vingt mille maisons de paysans qui n'ont que trois ouvertures, dix-huit cent dix-sept mille qui ont deux ouvertures, la porte et une fenêtre, et enfin trois cent quarante-six mille cabanes qui n'ont qu'une ouverture, la porte. Et cela, à cause d'une chose qu'on appelle l'impôt des portes et fenêtres. Mettez-moi de pauvres familles, des vieilles femmes, des petits enfants, dans ces logis-là, et voyez les fièvres et les maladies. Hélas ! Dieu donne l'air aux hommes, la loi le leur vend. »
Et comme il conduisait aussi à une double taxation avec l'impôt sur le foncier bâti, qu'il était d'un faible rapport (60 millions par an à sa suppression), et sous l'influence des hygiénistes, sa suppression fut obtenue en 1926.
Bruno Poulard