Saint-Gobain veut devenir « un leader mondial de la construction durable »
C’est dans un contexte d’« urgence climatique » que s’ouvre ce nouveau « chapitre » de Saint-Gobain. Tels sont les mots du directeur général du distributeur mondial des matériaux, Benoit Bazin, lors de la présentation du plan stratégique du groupe ce matin.
Faire reculer de deux tiers les émissions carbone issus du bâtiment
Ont été évoqués les fameux 40 % de taux d’émissions de CO2 provenant du bâtiment, avec 12 % issus de la construction et 28 % à l’usage du bâti. Un phénomène que tendent à réduire des mesures, que ce soit par la neutralité carbone visée par la France en 2050 ou bien le Fit for 55 à l’échelle européenne. A côté, des actions de la part d'industriels sont menées afin d’atteindre ces objectifs.
Et Saint-Gobain ne fait pas figure d'exception, car le distributeur compte faire reculer de deux tiers ses activités émettrices. D’un côté, en proposant des matériaux plus durables lors de la construction, tels que les ossatures légères. De l’autre en favorisant l’optimisation d’usage du bâti, par la mise en avant des matières d’isolants plus économes en énergie.
Avec 72 % de ventes concentrées sur les produits durables, Saint-Gobain souhaiterait atteindre les 75 % d’ici à 2025. Une vision à court terme, afin de mieux jalonner le parcours du distributeur vers la neutralité carbone et qui s’applique également sur sa croissance économique. Le taux annuel de celle-ci devrait osciller entre 3 et 5 % sur cinq ans, selon les estimations de Sreedhar Natarajan, directeur financier de Saint-Gobain. Ce dernier a évoqué d’autres évolutions sur la même période, dont la réalisation d’une marge de 9 à 11 % comme d’une conversion de flux de trésorerie à plus de 50 %.
Une meilleure proximité avec ses clients à travers le monde
Des objectifs ambitieux, portés par un plan stratégique intitulé « Grow and Impact ». Comme son nom l’indique, le programme tend à maîtriser son impact. Impact d’abord sur sa clientèle répartie dans le monde, dont les besoins en matériaux et usages varient selon la zone.
Par exemple, en Amérique du Nord, on privilégie la construction neuve de maisons individuelles, là où la France préfère la rénovation. Si au Pays-Bas, on cherche à rénover écoles et hôpitaux, l’Inde, elle, souhaite construire de nouveaux bureaux. Une demande que Saint-Gobain se dit fier de bien appréhender grâce à ses directeurs de région, qui sont à 90 % natifs de la zone géographique qu’ils supervisent. Chose qui permet une meilleure relation de proximité avec le client, qu’il soit particulier ou professionnel, mais aussi avec les salariés du groupe, dont le taux d’engagement est de 92 %.
Poursuivre les objectifs ESG
Par ailleurs, le plan « Grow and Impact », tend à mesurer et réguler l’impact environnemental et durable de l’activité de Saint-Gobain. Cela passe bien évidemment par une adaptation aux critères environnementaux, sociaux et gouvernance (ESG), de façon à « maximiser l’impact » mais aussi « minimiser l’empreinte carbone », explique Claire Pedini, directrice générale adjointe des Ressources Humaines et de la Responsabilité sociale du distributeur.
L’intéressée aborde en premier lieu le futur de la logique de décarbonation, déjà bien engagée, car 50 % de consommations de matières premières sont évitées grâce aux ossatures légères. Les perturbations de confort acoustique ont été également divisées par deux grâce aux produits de Saint-Gobain, tandis que les solutions d’isolation par l’extérieur permettent d’économiser jusqu’à 70 % d’énergie. La participation de Saint-Gobain à l’éco-organisme Valobat pour le recyclage des déchets, notamment de la gypse, recyclable à 100 %, contribue aussi au principe d’économie circulaire.
« Toutes les solutions que nous avons vendues en 2020, permettront à nos clients d’économiser 1300 millions de tonnes de CO2, et ça représente 40 fois les émissions de Saint-Gobain en 2020 », déclare Claire Pedini. Un effort poursuivi par des investissements dans les turbines de production de vitrage pour économiser 15 % d’énergie ou le doublement de la part d’énergies vertes dans les moyens de production.
Sans compter les mesures déjà déployées pour la responsabilité sociale de l’entreprise, en particulier le développement d’indicateurs de bruit en usine, d’un programme bien-être mental ou bien l’attention portée aux risques de manutention. Une politique d’entreprise qui aurait porté ses fruits, car 82 % des sites n’enregistrent aucun accident et 84 % des employés de Saint-Gobain recommandent de travailler dans le groupe.
Appuyer l’innovation et le numérique
Est abordée aussi la question de la recherche et du développement, sur les six centres de recherche de Saint-Gobain répartis en Chine, Inde, Allemagne, France, Brésil et aux Etats-Unis. La cheffe du département dédiée à l’innovation, Anne Hardy, annonce que 2% du chiffre d’affaire sera consacré à l’innovation pour revoir la construction hors-site, l’impression 3D ou le test des solutions dans des habitats laboratoires… Une dynamique qui devrait être encouragée par les dix années de recherches bien abouties, accompagnées de trente partenariats de recherche conclus avec des start-ups en 2020.
L’innovation passe aussi par le déploiement de solutions numériques d’exploitation de données pour la vente en ligne, ou de réalité augmentée, afin de faire gagner en efficacité les produits. Ces moyens devraient notamment augmenter de 30 % les revenus associés à la vente de matériel, réduire de 30 % le temps d’installation voire réduire de 20 % la production de déchets, d’après Ursula Soritsch-Renier, directrice du digital à Saint-Gobain.
Malgré ces belles ambitions, on s’interroge sur leur faisabilité, en vue des crises qui secouent le monde de la construction, en particulier hexagonal, aggravées par la situation sanitaire. On retient notamment la pénurie de main d’œuvre, point sur lequel Benoit Bazin rassure en annonçant 5 000 embauches à Saint-Gobain en France, dont 2 500 jeunes, auxquels s'ajoutent 2 000 contrats d’alternance.
Et en ce qui concerne la pénurie des matériaux ? Le directeur général de Saint-Gobain admet que s’il y a bien eu triplage des ruptures de stocks et un allongement des délais de livraison à trois-quatre semaines. Ces problèmes se résorbent « petit à petit », d’autant que « nos produits voyagent peu et que nos usines sont locales, on n'est pas dépendants de produits qui seraient fabriqués en Chine, au Vietnam, en Thaïlande » affirme-t-il.
Autant dire que ces crises ne devraient empêcher Saint-Gobain de devenir « un leader mondial de la construction durable », soutient Benoit Bazin.
Virginie Kroun
Photo de Une : Saint-Gobain