Pénuries : « Cela va se tasser par la demande », estime C-G Chaloyard
Constatez-vous des hausses de prix importantes ? Quels sont les matériaux les plus touchés ?
Charles-Gaël Chaloyard : Effectivement, on subit ces hausses, qui sont assez disparates. On a des plaques de plâtre actuellement plutôt en hausse de 5 %, alors que d'autres accessoires autour du plâtre sont plutôt sur des hausses de 20 %. Pour tout ce qui est à base d'acier, il y a de très fortes hausses, mais aussi pour ce qui est à base de plastiques, comme le polyuréthane, et les produits d'étanchéité, qui ont augmenté de l'ordre de +15 %.
On remarque que ces pénuries sont vraiment multi-factorielles. Il y a pour certains produits une très forte croissance de la demande, avec des unités de production qui sont assez stables et figées. Etant donné que les stocks ont énormément baissé l'année dernière avec la crise, au moment de la reprise, nous n'avons pas pu reconstituer ces stocks. Les indutriels pouvant faire 5 % mais pas 20 % en plus, cela grippe la machine. Il faut ajouter à cela des facteurs exogènes, avec une très forte reprise de la demande en Chine ou aux Etats-Unis. Le bois se retrouve par exemple avec des prix bien supérieurs, et les industriels vont au plus offrant.
Par ailleurs, comme tout le monde a peur de manquer de produits, il y a un phénomène de sur-stockage. L'artisan va commander une voire deux palettes de plus pour un chantier, au cas où. Mais le marché n'est absolument pas préparé à cette sorte d'hystérie qui fait que tout le monde commande un petit peu plus. Du coup, les stocks ne sont plus là, et le négoce voyant que sa demande part un peu plus, il va lui aussi commander un petit peu plus.
La filière du bâtiment pourra-t-elle, selon vous, supporter ces hausses de prix ? Et si oui, jusqu'à quand ?
C.-G. Chaloyard : Derrière, il y a toujours un consommateur, quel qu'il soit, donc cela va être jusqu'au degré d'absorption du consommateur. Au bout d'un moment, les gens ne feront plus de travaux. Les ménages ne vont pas accepter 20 % de hausse, que ce soit pour la rénovation ou la construction. Je pense que cela va se tasser par la demande. C'est la demande qui va jouer son rôle, et réguler tout cela.
Il faut faire attention car il y a d'autres contraintes qui vont venir sur les métiers du négoce, notamment tout ce qui est recyclage et gestion des déchets, qui va forcément avoir un impact sur le prix global. Certaines hausses vont se cumuler et, à un moment donné, le marché ne les acceptera plus, et donc le volume va baisser.
A ce propos, que pensez-vous de la future Responsabilité élargie du Producteur (REP), qui devrait bientôt s'appliquer pour les produits du BTP ?
C.-G. Chaloyard : Nous allons former l'ensemble de nos adhérents lors de notre congrès qui aura lieu à Cannes du 23 au 25 septembre 2021. On va les former spécifiquement sur les nouvelles données, et voir comment on va pouvoir tourner cette contrainte en opportunité. C'est une vraie opportunité pour nous de proposer une solution globale à nos artisans, et de faire partie intégrante de cette filière.
Il va y avoir le surcoût de cette REP, mais aussi celui de la RE2020, certes pour apporter des bénéfices aux habitants, mais cela va surenchérir les prix des matériaux de construction, puisque le coût de la maison va être plus cher qu'avant. A long terme, le coût d'utilisation de la maison coûtera moins cher car on aura mieux isolé, donc on aura moins de dépenses énergétiques pour chauffer ou refroidir son habitat. Mais au départ il va falloir mettre cet argent, et cela va avoir un impact global sur le prix d'acquisition.
En termes de pénuries, que pensez-vous des mesures récemment annoncées par le gouvernement ? Quelles autres mesures pourraient être mises en œuvre selon vous ?
C.-G. Chaloyard : Je pense qu'il faudrait aller un peu plus loin, notamment sur la partie bois. On sait aujourd'hui qu'une grosse partie de notre bois part à l'étranger, et notamment en Chine. Je pense qu'il faudrait davantage réguler, pour qu'on puisse garantir l'approvisionnement pour notre filière française. Il faudrait que nous ayons une réflexion globale pour sécuriser nos approvisionnements plutôt que d'être opportunistes et faire partir nos troncs d'arbres français sans qu'il y ait une transformation en France car elle se fait en Chine. Il pourrait y avoir des sortes de quotas pour préserver la filière française.
Propos recueillis par Claire Lemonnier