« Nos fournisseurs nous annoncent déjà des hausses de prix pour 2022 » (BigMat)
Quel est le bilan pour BigMat en ce 40ème anniversaire ?
Fabio Rinaldi : On approche de la fin de l'année, qui était placée sous le signe des 40 ans de l'enseigne. Nous avons ponctué cet anniversaire par le colloque de BigMat International. Cela vient couronner tout le travail qui a été réalisé par l'enseigne pour se développer à l'international, d'abord en France, puis en Belgique, en Italie, en Espagne, au Portugal, et plus récemment en République tchèque et en Slovaquie.
Nous avons plus de 500 adhérents au niveau international, dont 90 en France. C'est 916 points de vente, dont 295 en France, et un chiffre d'affaires prévisionnel de 2,6 milliards d'euros pour 2021, soit une croissance de 15 % par rapport à 2020. C'est le plus grand groupement indépendant européen dans la distribution de matériaux.
En revenant sur ces 40 années, on voit que BigMat a traversé toutes les périodes, qu'elles soient les plus délicates sur le marché, ou au contraire les plus encourageantes. BigMat a réussi à franchir tous les obstacles, les différentes crises, notamment les deux dernières, celle de 2008-2010 et celle du Covid. Je crois que c'est grâce à la force du modèle coopératif, et du commerce indépendant.
Et à l'échelle nationale ?
F.R. : On est plutôt sur une bonne dynamique. L'enseigne progresse bien, puisqu'on a franchi le cap du milliard d'euros fin 2020. Cette année, nous poursuivons notre croissance, et nous ferons probablement entre 1,1 et 1,2 milliard d'euros, avec notamment une croissance de nos points de vente.
Quels sont les secteurs qui ont été le plus en croissance en 2021 ?
F.R. : C'est difficile aujourd'hui de parler de croissance en termes de volumes puisqu'on a une année marquée d'une part par des pénuries, et de l'autre par des augmentations tarifaires complètement inhabituelles. On est beaucoup sur des augmentations qui sont liées à des hausses de prix sur certaines familles de produits, par exemple les aciers, le bois. Cela vient un peu fausser l'analyse économique par famille de produits.
La profession estime que l'impact des hausses de prix par rapport à la performance est aux alentours de 8 à 10 %. Au mois de septembre, la distribution de matériaux était sur une progression cumulée de 21 % depuis le début de l'année 2021, donc on voit que l'impact de la hausse des prix représente près de la moitié, et le reste c'est du volume.
À propos de ces hausses de prix, que constatez-vous ?
F.R. : Ces hausses de prix se sont principalement accélérées à partir du deuxième trimestre 2021, et se sont poursuivies tout au long de l'année. Nos fournisseurs nous annoncent déjà des hausses de prix significatives pour début 2022, je pense aux tuiliers, à certains fabricants de plaques de plâtre, qui nous annoncent des hausses dès le mois de décembre alors qu'ils en ont déjà appliquées en cours d'année.
C'est un sujet qui est pris au sérieux par notre fédération, la FDMC, et par l'État, avec un médiateur qui a été nommé pour contrôler tout ça. Cette inflation peut devenir un peu dangereuse, puisqu'on pourrait avoir un ralentissement ou un retournement du marché, avec des clients qui pourraient être découragés de se lancer dans des travaux. On risque de se retrouver avec une baisse d'activité et une baisse de volumes.
Pensez-vous que la REP – qui vient d'être reportée au 1er janvier 2023 – risque également de faire monter les prix ?
F.R. : De facto, ce qui a été annoncé allait mener à une hausse de prix puisqu'il s'agissait d'intégrer le coût de la contribution dans le coût des matériaux. Aujourd'hui c'est trop tôt pour répondre puisqu'il y a eu un report, mais cela veut dire que le mécanisme n'a pas encore complètement été finalisé. Mais quoiqu'il en soit, entre la REP et la RE2020, le coût des travaux continuera d'augmenter.
Le marché de la rénovation est en plein essor, notamment grâce au succès de MaPrimeRénov'. Que pensez-vous de la conjoncture pour 2022 ?
F.R. : Le marché est plutôt bien orienté pour tout ce qui est rénovation et puis tout les défis à venir qu'on peut avoir autour de la transition énergétique puisqu'aujourd'hui on a un peu plus de 30 millions de logements en France, et une partie d'entre eux sont des passoires énergétiques. On sait qu'il y a des réglementations qui se mettent en place, et on sera obligés de remplir nos obligations en matière de transition énergétique. C'est un enjeu pour nous, pour nos clients, et pour le client final.
Avez-vous des solutions pour orienter vos clients vers des achats plus responsables ?
F.R. : On a deux options : soit on va subir les nouvelles réglementations et changements sociétaux, soit on va les anticiper sans attendre qu'il y ait une réglementation qui nous sanctionne si on ne le fait pas. Je suis convaincu que si nous n'avançons pour sur ces sujets, c'est le client qui va faire le choix. Le client ira dans les enseignes qui assumeront une responsabilité dans tous ces changements liés aux réglementations, aux évolutions environnementales et autres. Ce qui est important, c'est de prendre ce sujet à bras le corps. Nous avons des adhérents qui ont déjà mis en place des programmes autour de la rénovation, qui s'adressent aux artisans, et qui vont même jusqu'à s'adresser aux particuliers, donc c'est un axe de développement important.
Quels pourraient être vos apports en matière de transition écologique ?
F.R. : Notre enjeu est de privilégier des achats de proximité, de rechercher chez nos fournisseurs comment nous pouvons augmenter et promouvoir les nouveaux matériaux biosourcés, les bétons bas carbone... tout ce qui aujourd'hui existe. Il faut qu'on passe de l'effet de communication à quelque chose de naturel dans nos habitudes de consommation. C'est quelque chose qu'on ne pourra pas faire tous seuls – nous distributeurs de matériaux – mais qu'on pourra faire avec nos partenaires industriels et fournisseurs.
Propos recueillis par Claire Lemonnier