Travailler en écosystème pour parvenir à décarboner le secteur de la construction ?
Mercredi 7 novembre marquait l’ouverture des portes de la COP27, la conférence mondiale sur le climat organisée par l’ONU. 110 chefs d'États se sont ainsi réunis en Égypte pour débattre autour du réchauffement climatique et des différents enjeux qu’il représente.
En parallèle, KEA, cabinet de conseil en stratégie, organise une série de webinars autour de plusieurs thèmes, dont celui de la décarbonation du secteur de la construction. En effet, ce secteur pèse lourdement sur l’empreinte carbone de la France. Il représente 43 % des consommations énergétiques annuelles, et génère 23 % des émissions de gaz à effet de serre.
« Un défi immense », selon le cabinet de conseil qui estime que pour « arriver à atteindre » les objectifs fixés par la Stratégie Nationale Bas-Carbone « il va falloir tout transformer ».
Ne pas modifier le geste de l’artisan
Pour faire face au réchauffement climatique, le secteur du bâtiment a donc un triple objectif : baisser les consommations d’énergie des bâtiments, réduire les coûts liés à la facture d’énergie, et réduire l’empreinte carbone des bâtiments.
Afin d’y parvenir, la France réglemente les acteurs du secteur. Et selon KEA, la plupart des entreprises du bâtiment sont déjà en mouvement pour atteindre ces objectifs à horizon 2050.
Pour Olivier Guise, directeur stratégie, technologie, et nouvelles activités chez Ecocem, le problème aujourd'hui n’est pas tant que le secteur manque de solutions bas-carbone, mais la manière dont ces nouveaux produits peuvent amener les artisans à changer leur façon de travailler. Un réel défi d’après lui : « On va être en capacité de gérer cette transformation environnementale, mais seulement si le geste de l’artisan est amené à être peu transformé », estime-t-il.
Un point de vue que partage Benoit Mainguy, directeur de la construction chez Nexity : « Former les entreprises de travaux à leur mise en œuvre est essentiel pour qu'on rende la mise sur le marché de ces nouvelles solutions la plus évidente possible, et que ce ne soit même plus un sujet ».
Pour Pascal Eveillard, directeur de la construction durable chez Saint-Gobain, l'enjeu est plus à l’heure de la sensibilisation et de la pédagogie, notamment auprès des artisans et des clients particuliers. « La sensibilité de l’artisan à la problématique carbone reste à créer, à générer. Il y a un effort de pédagogie à faire sur la partie concentrée du marché, mais surtout sur la partie diffuse. Ce chapitre va être encore plus colossal, et il va être absolument indispensable », explique-t-il.
Et d'ajouter : « Il faut leur expliquer de quoi on parle, leur expliquer les chiffres. Peu de personnes ont une idée de ce que représente le secteur du bâtiment et de ses enjeux de décarbonation. Ici aussi, il y a donc un énorme travail d’explication et d’information, pour montrer que quel que soit le projet, on peut le faire avec une approche bas-carbone, soit sous l’angle de l’efficacité énergétique, soit sous l’angle des solutions mises en œuvre ».
Miser sur le collectif pour massifier les solutions
Pour atteindre cette décarbonation, le cabinet de conseil estime que la filière du BTP doit « changer d’échelle en pensant ouvrage bas-carbone, et non plus uniquement matériau ou construction ».
« Il faut imposer une performance environnementale plutôt qu'imposer un produit », souligne quant à lui Olivier Guise. « On sait faire des bâtiments très bas en carbone, des bâtiments à énergie positive. Ces solutions sont disponibles en marché, la question qui se pose aujourd’hui c’est "comment passe-t-on de projets pilotes à une massification réelle ?" »
« Malheureusement les enveloppes budgétaires des pouvoirs publics vont majoritairement aux entreprises qui sont dites pollueuses, plutôt que vers des entreprises qui développent des solutions innovantes. La solution face à ça c’est de se dire : « on se groupe, on va faire ensemble ce choix d’avenir ». Et c’est en ce sens que l’on signe des partenariats avec des promoteurs ou des industriels. On se rend bien compte que si l’on n’est pas ensemble à tracter le système, on n’accède pas à une capacité de massification, et on n’accède pas non plus au financement public », commente-t-il.
Un collectif sur lequel le directeur de la construction durable de chez Saint-Gobain mise aussi : « Le partenariat est indispensable. Tant pour montrer que des solutions existent, que pour faire émerger de nouveaux acteurs sur le marché ».
D’autre part, ce dernier estime que le secteur a besoin d’une coalition pour faire évoluer les politiques. « Il faut éviter que les réglementations soient décidées par les politiques. Si une coalition entre toute la filière existe, on va pouvoir préparer l’avenir et s’assurer qu’on aura un terrain de jeu qui sera le plus favorable possible. À la fois pour la planète, mais pour aussi l’ensemble des acteurs que nous sommes », conclut-t-il.
Marie Gérald
Photo de Une : ©Adobe Stock