Préfabrication et matériaux biosourcés « permettent d'accélérer des changements importants »
Depuis quelques années, la France s’est engagée vers une économie verte et durable, notamment en valorisant l’utilisation des matériaux biosourcés, et en optimisant l’usage des ressources. A cela, s’ajoute un nouveau mode de construction, la construction hors-site (ou la préfabrication). Ensemble, ils forment un duo innovant et résilient. L’école Simone Veil, à Rosny-sous-Bois, en est le parfait exemple. Pré-construite en paille, en bois et en terre crue, cette dernière est également ouverte à la biodiversité, notamment grâce à sa cour végétalisée. Emmanuel Pezrès, architecte de la ville de Rosny-sous-Bois, souligne : « Trois éléments nous ont poussés à choisir la préfabrication : ne plus avoir de plastique dans le bâtiment, le temps réduit et un site exigu. »
Après 10 années de construction en paille et plus de 15 bâtiments construits, la société UTB, acteur majeur du second œuvre, s’est joint à la Ville de Rosny-sous-Bois pour la construction du groupe scolaire Simone Veil. Franck Vesco, directeur général délégué d’UTB, déclare : « Sur ce chantier, nous avons fait une construction 50-50. Les éléments étaient fabriqués dans notre usine à Villemandeur, mais étaient assemblés sur un site à Romainville, à côté de Rosny. Ce mode de construction nous a permis d'éviter l'inconvénient de la fabrication, à savoir les émissions de carbone liées au transport. Nous avons ainsi évité l’aller-retour d’au moins 70 camions ! »
L’usage de la paille en tant que matériau isolant c’est près de 30% du volume sorti. Christian Morel, Directeur commercial d'Accort Paille précise : « c’était inenvisageable il y a 4 ans ». Ce dernier ajoute : « La construction bois et l’isolation paille sont aujourd’hui des techniques connues, mais l'intérêt de ce genre de projet c'est que ça nous permet encore de les faire évoluer, d’innover et de chercher des solutions durables. »
Préfabrication ne rime pas avec standardisation
La prise en compte du carbone, les nuisances des chantiers, accélérer la mise en œuvre et le respect des délais favorisent l’essor de la préfabrication. En effet, l’usine se rapprochant du chantier, elle ouvre de nouvelles perspectives. De nombreuses entreprises du secteur ont recours à ce mode constructif, entre autres pour la construction hors-site de façade ou de structure en béton. Aujourd’hui, le secteur tertiaire y gagne de plus en plus sa part de marché, à la manière du groupe Simone Veil à Rosny-sous-bois. Cependant, les experts marquent une véritable différence entre la préfabrication des produits fabriqués en hors-site et la standardisation des produits en général.
A la question comment peut-on ne pas standardiser les produits fabriqués en atelier, Franck Vesco répond : « C’est de la préfabrication mais ce n’est pas un outil industriel, c’est-à-dire qu’il n’y a pas une chaîne d’assemblage qui sort des pièces toutes identiques, comme pour la fabrication de voitures par exemple. Chaque projet est préfabriqué mais reste un projet unique. Il n’y a pas un bâtiment, une ossature... qui soit exactement de la même composition. »
Un problème de réglementation ?
Alors que la demande en matières premières explose, les délais d'approvisionnement de construction et les prix, particulièrement pour le bois, s’envolent. « Conjoncturellement, en France, nous avons un problème important. Il y a une déstabilisation totale du marché mondial, notamment à cause des Etats-Unis. Donc quand la demande en bois explose, l'approvisionnement, lui, diminue drastiquement mais la réglementation nous pousse à utiliser de plus en plus ces matériaux biosourcés...» , explique Franck Vesco avant de préciser : « Le biosourcé, la préfabrication et la construction bois fonctionnent très bien ensemble mais je pense que si nous avions une réglementation plus souple, nous avancerions beaucoup plus vite. »
Céline Laurens, Déléguée Générale de FIBois Ile-de-France, nuance cependant : « Ce qui est certain, c’est qu’il faut qu’on soit vertueux sur tous les sujets. La filière est en train de mouver, et la paille ainsi que le bois ont leur place à prendre ! »
Christian Morel ajoute : « Aujourd’hui il y a des enjeux à la fois techniques, économiques et climatiques et je pense sincèrement que la préfabrication industrielle avec des matériaux biosourcés (bois, paille, terre…) va permettre d'accélérer tous ces changements importants. » Il conclut : « On a plus le temps d’attendre, mais comme j’aime à dire : nous ne sommes pas obligés d’attendre la réglementation pour avancer ! »
Marie Gérald
Photo de Une : AdobeStock.