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Le pisé, ce matériau ancien aux normes écologiques modernes

Publié le 03 mai 2019

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Il est plutôt fréquent, dans la région lyonnaise, d’observer des maisons anciennes en terre crue ainsi que d’autres, plus récentes. Ce qui l’est moins, en revanche, est de voir cette technique ancestrale, le pisé, utilisée dans un programme neuf pour 1 000 m² de bureaux en plein centre-ville ! Pour Batiweb, l’artisan piseur en charge du chantier, Nicolas Meunier, offre ses lumières sur la technique de construction appliquée pour ce bâtiment, l’Orangerie.
Le pisé, ce matériau ancien aux normes écologiques modernes - Batiweb

Le chantier de l’Orangerie de l’îlot Ydéal Confluence, dans la ZAC 2 Lyon Confluence, est incontestablement surprenant. Ce bâtiment de bureaux de 1 000 m², répartis sur deux étages, se bâtit en pisé. Cette technique de construction en terre crue, pourtant ancienne, a tous les atouts demandés pour un chantier moderne et éco-responsable : matière première locale (la terre est trouvée à 30 kms), aucun déchet, performances thermiques et hygrothermiques favorisant les économies d’énergie (chauffage et climatisation) et le confort.

Conçu pour le promoteur Ogic par le cabinet Clément Vergély Architectes, le projet du bâtiment de l’Orangerie a bénéficié de l’accompagnement des bureaux d’études Batiserf, Scoping et Etamine. Quant à Nicolas Meunier, responsable de l'entreprise Le Pisé, il est chargé de la mise en œuvre du chantier.

Des arches en terre crue

 

Cet artisan autodidacte est l’un des rares à maîtriser la technique du pisé, en France, et à en avoir fait sa spécialité. Dans les années 1981, au Mali, il a découvert « la technique du bloc comprimé : au lieu de faire du pisé avec une masse et de taper sur la terre, là on met la terre dans un moule avec une presse et cela forme des blocs », explique-t-il. Les éléments préfabriqués ainsi obtenus mesurent « 2m² en moyenne, pour une épaisseur de 50 cm ; ils sont tout de suite démoulés et mis en œuvre ».  

Vue d'une arche, de face et en coupe © Clément Vergely Architectes

Si Nicolas Meunier a l’habitude de construire des bâtiments aux formes plus traditionnelles, il avoue sans détour s’être « impliqué dans ce projet et avoir besoin de toute son expérience pour le mener à bien ». En effet, la façade de l’Orangerie, constituée à 40% de terre crue, a été conçue avec cinq arches par façade, sur un soubassement en pierre locale. Chacune de ces arches a plus de 4 mètres de portée, pour 9 mètres de hauteur. Leur mise en œuvre a donc été étudiée à la loupe.

« La façade a de grandes ouvertures avec des piles fines donc l’épaisseur des murs est variable et augmente mais c’est une adaptation spécifique à ce projet », explique-t-il.

 

Un matériau local

 

La terre utilisée par l’artisan piseur est traditionnellement trouvée sur le lieu du chantier ou à proximité. Nicolas Meunier repère et récupère la terre sur des parcelles en chantier, auprès des entreprises de terrassement : « c’est de la terre qui part en déblai donc rapidement je fais toutes mes analyses et mes essais puis je leur dis que la terre m’intéresse et nous nous entendons pour faire livrer la terre sur mon chantier ». L’Orangerie est bâtie avec de la terre provenant d’un terrain à une trentaine de kilomètres du quartier Confluence car celle sur place était trop polluée. 

Les éléments en terre de l'Orangerie © Clément Vergely Architectes

Pour construire en pisé, toutes les terres sont éligibles, pourvues qu’elles contiennent un peu d’argile. L’artisan observe beaucoup le patrimoine aux alentours des chantiers pour analyser les terres locales et leurs rendus esthétiques et mécaniques. Il adapte ensuite la quantité d’eau qu’il y ajoute pour mouler les blocs. Il n’utilise pas la terre de surface, mais celle qui est plus en profondeur : « on décape la terre végétale, on la sort, et on utilise la couche qui est sous la terre végétale. Quelques fois nous n’en avons que 40 cm, quelques fois nous en avons 3 mètres de profondeur ».

Chantier de l'Orangerie © Nicolas Meunier

 

Une climatisation naturelle

 

Habitué à faire ses essais de moulage avant chaque chantier, Nicolas Meunier a dû participer à des tests plus poussés en laboratoire pour le chantier de l’Orangerie pour « connaître la teneur en argile et ses capacités mécaniques. Il a eu un énorme boulot de la part de Batiserf, le bureau d’étude structure. Ils se sont penchés sur la question des capacités réelles de ce matériau ».

L’atout du pisé est sa capacité hygrothermique (température et taux d‘humidité de l’air ambiant d’un local). Le mur absorbe l’humidité ambiante et quand il fait froid, la condensation entraîne un réchauffement du matériau. A l’inverse, l’humidité s’évapore et rafraichit le bâtiment en été, apportant une climatisation naturelle (en complément d’une ventilation naturelle ou d’un brasseur d’air).

 

Les performances thermiques du pisé

  • Conductivité thermique évaluée à λ =0,9 W/mk
  • La résistance thermique des façades de l’Orangerie varie de R = 0,75 W/m²K à R = 0,90 W /m²K
  • Consommation de chauffage : sans isolation, 6,1 kWhEP/m²/an et avec isolation 4 kWhEP/m²/an
  • Avec une pompe à chaleur froid, la consommation est de 14,2 kWhEP/m²/an pour du pisé isolé et de 14,1 kWhEP/m²/an sans isolation
  • Sans isolation, bien que les besoins en chauffage augmentent de 50 % la surconsommation totale n’est estimée qu’à 2% par rapport à une façade R = 5 W/m²K
  • Consommation totale, avec isolation : 104,9 kWhEP/m²/an et sans isolation 106,9 kWhEP/m²/an

 

Lise Chastang
Photo de Une : © Clément Vergely Architectes

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