La FF3C s’insurge des propos d’Olivier Klein sur le chauffage fioul
Succès des objectifs de chantiers fixés par l’État en 2022, efforts des banques sur les prêts, fiabilité et lisibilité des DPE, simplification des dispositifs d’aides via France Rénov, compromis entre transition énergétique et respect du patrimoine, réforme des modes de votes en AG de copropriétaires… Nombreux furent les sujets abordés durant l’émission « Le Téléphone Sonne » de France Inter, ce mardi 21 février, consacré à la rénovation énergétique et qui avait pour invité Olivier Klein.
« 80 % des premiers chantiers sont des changements des modes de chauffage, chaudière au fioul, chaudière au gaz », rapporte notamment le ministre délégué à la Ville et au Logement.
Il évoque également que « de toute façon, on pourra pas conserver des chaudières au fioul. C’est un crime pour la planète. Je crois, et ça fait partie des débats qu’on a eus avec l’ensemble du gouvernement il y a quelques jours, que notre responsabilité c’est de tendre vers le zéro ».
Des passages sur les 40 minutes de l’émission qui ne passent pas pour la Fédération Française des Combustibles, Carburants & Chauffage (FF3C).
Une méconnaissance sur les évolutions de la filière fioul domestique
Le syndicat représentant les distributeurs d’énergies fioul, gazole non-routier, gazole vrac ou bois-énergie s’est fendu d’un communiqué ce mercredi 22 février.
Le ministre du Logement « méconnait le fait que le fioul domestique traditionnel va disparaitre de lui-même au profit de combustibles liquides moins émissifs en CO2 », estime la fédération. Certes, un décret interdit, depuis le 1er juillet 2022, l'installation d'équipements de chauffage neufs dépassant le plafond d'émissions de gaz à effet de serre de 300 g CO2 eq/kWh PCI dans les bâtiments résidentiels et tertiaires. Une manière d’inciter les ménages à remplacer leur système de chauffage par un moins émissif et plus économique.
Or, à en croire les chiffres de la FF3C - basé sur les données citées par un arrêté ministériel du 15 septembre 2006 modifié -, l’impact carbone du fioul domestique serait à relativiser. Les émissions d’une chaudière fioul seraient de 300 g de CO2 par kWh, contre 180 g en électricité de réseau, 234 g en gaz de réseau (méthane), 274 gramme en gaz en citerne (propane) et de 13 gramme en bois de chauffage.
D’autant que la commercialisation - bien qu’imparfaite - du biofioul F30 en 2022 tend à réduire de 10 % les émissions du fioul domestique. Ainsi ledit biocombustible n’émettrait que 275 g de CO2 par kWh. Les émissions du biofioul F55, en développement, seraient de 234 g, lors des tests de compatibilité chaudière.
« Tous les pays européens travaillent sur la substitution du fioul par des combustibles liquides renouvelables et de synthèse ainsi que la Directive européenne sur les énergies renouvelables y incite », souligne la FF3C.
Les ménages en zones périurbaines et rurales ignorés
« Si le Palais de l’Elysée ou les chambres parlementaires, qui utilisent du fioul domestique, ont les ressources pour opter pour d’autres solutions, qu’en est-il des Français habitant dans les territoires ruraux ? En pleine crise énergétique, les déclarations du Ministre sont particulièrement discriminantes pour près de 3 millions de foyers qui se chauffent au fioul domestique », s’insurge de son côté Eric Layly, président de la FF3C.
Et le syndicat de la FF3C de défendre le travail des distributeurs d’énergies concernés, « crucial pour la sécurité d’approvisionnement des consommateurs qui, quelles que soient les crises passées et récentes, n’ont jamais été menacés de coupures ». Toutefois, ces ménages n’ont pas été à l’abri des hausses des prix du fioul, qui a nécessité la mise en place d'un chèque énergie fioul par le gouvernement, exceptionnel et défendu par le ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires.
« Emporté par la résurgence d’un culte imposant l’électricité, quoiqu’il en coûte, le Ministre en charge de la Ville et du Logement se rend coupable d’anathème sur un sujet qui demanderait de la tolérance, de l’adaptation aux territoires, de l’information objective et des mesures concrètes pour inciter les consommateurs à remplacer leurs équipements par des matériels biocompatibles neufs qui, au passage, permettent de réduire d’un tiers la consommation et de plus de 50 % si l’isolation du bâti était au rendez-vous », reproche tout de même la FF3C.
Le chauffage fioul comme bouc émissaire
« Par ailleurs, la politique du bouc émissaire est absurde et stigmatisante pour les Français habitant en zones rurales et périurbaines. Les consommateurs dont le choix énergétique est restreint de par leur situation géographique sont ainsi désignés comme « criminels » et désinformés sur les impacts de l’utilisation des énergies de chauffage », abonde le syndicat.
Pour le représentant des distributeurs de fioul domestique, les pics d’Olivier Klein envers le fioul sont une manoeuvre pour détourner l’attention sur les défaillances des DPE, l’illisibilité des aides à la rénovation ainsi que la chute des travaux d’isolation, nécessaires pour la performance énergétique d'un bâtiment.
Cependant, quand une journaliste de France Inter lui demande quelle est la priorité entre émissions de CO2 et rénovation thermique globale, le ministre du Logement répond : « C’est les deux ». Remplacer le fioul « est une priorité et on va regarder comment accompagner au maximum », soutient-il. « Mais comme ça a été dit (…), changer une chaudière au fioul et la laisser dans sa passoire thermique, même si elle chauffée avec de l’électricité demain, ça sert à rien qu’elle chauffe l’extérieur et le pied des oiseaux (…) Ce qui doit être bon pour la planète, doit être bon pour le portefeuille », reconnaît-il.
Virginie Kroun
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