ConnexionS'abonner
Fermer

La construction modulaire hors site pour gagner en productivité

Publié le 21 octobre 2020

Partager : 

L’équipe de BTP Consultants a réuni des experts du bâtiment pour parler « construction modulaire hors-site ». Les débats ont permis de revenir sur les avantages du procédé pour le secteur qui, compte-tenu d’une productivité en baisse, de la pénurie de main d’oeuvre, et ou encore des objectifs de développement durable, doit se réinventer. Alors que le marché du hors-site progresse au niveau mondial, quelle est la situation en France ?
La construction modulaire hors site pour gagner en productivité - Batiweb

Le hors-site progresse chaque année de 25 à 30% à travers le monde. Mais si la tendance est à l’industrialisation du bâtiment, la France a encore bien du mal à s’inscrire dans cette dynamique.

 

Le 9 octobre dernier, lors d’une matinée de débats organisée par BTP Consultants, les experts se sont accordés sur le fait que la productivité de la construction s’est « écroulée » de - 20% en 20 ans. La raison selon Pascal Chazal, créateur d’Ossabois et CEO d’Hors-Site ? « Des bâtiments plus complexes. Il y a 40 ans, un bâtiment c’était 65% de gros œuvre et 35% de lots techniques et architecturaux. Aujourd’hui, ça a complètement basculé. Le gros oeuvre, c’est 35% à 40%, et tout le reste, ce sont des travaux que l’on fait sur les chantiers. On voit bien que ça ne marche plus, on génère beaucoup de non-qualité ». 

 

Il se réfère ensuite au Plan de relance qui s’appuie sur trois thèmes : l’écologie, la compétitivité du pays et la cohésion. « On a une mesure phare de 6,7 milliards d’euros pour la rénovation, ça veut dire des millions de m2 à rénover, des dizaines de milliers d’emplois qualifiés ».  Problème, « les entreprises peinent à recruter » et le « Plan de relance nous dit d’éviter le recours à la main d’oeuvre détachée ». Comment construire et rénover en masse sans professionnels qualifiés, sachant qu’il faut « des années pour former un ouvrier du bâtiment ? ». Il répond bien sûr que la solution est « de réindustrialiser la France grâce à la construction hors-site ». La préfabrication va permettre « de libérer de la main d’oeuvre qualifiée pour les chantiers », mais aussi de « transférer des heures du chantier à l’usine ».

 

Une France encore trop traditionnelle 

 

La France est-elle prête à changer de paradigme ? Pas tellement. Pascal Chazal explique : « Depuis plusieurs années, on essaye de faire de l’industrialisation mais le problème, c’est que l’on cherche à faire rentrer l’industrialisation dans un processus bâtiment, et ça, ça ne marche pas. Il faut faire ce que l’on appelle le Design for Manufacture, et intégrer l’entreprise beaucoup plus tôt dans la démarche ». Mais il n’y aura pas d’industrialisation « sans standardisation ». Or, « la standardisation, c’est un gros mot dans le monde du bâtiment parce qu’on subit un traumatisme des années d’après-guerre où la standardisation a été trop utilisée ». 

 

L’utilisation du béton reste également très ancrée dans les méthodes de construction, « un matériau qui pendant 30 ans nous a permis de reconstruire la France. Mais aujourd’hui avec les évolutions de la population et l’urbanisation incessante, on arrive à un problème majeur de l’impact environnemental de la construction qui utilise plus de 50% des ressources de la planète ».  


Comment faire évoluer les mentalités ? 

 

« La construction hors-site est considérée partout dans le monde comme l’avenir de la construction. A Singapour, c’est minimum 65% fabriqués dans une usine ». L’Angleterre a lancé un plan en 2013 pour améliorer la construction à l’horizon 2025 avec une réduction des coûts de 35%, des livraisons deux fois plus rapides, deux fois moins d’émissions. Et aux États-Unis, « le fameux Katerra prévoit plus de deux milliards de dollars pour réinventer le monde de la construction à partir de la construction hors-site. Les pays les plus avancés sont ceux où les gouvernements s’engagent. Et nous, on n’est pas en avance là-dessus », regrette-t-il. 

 

Les avantages de la préfabrication 

 

Bien sûr, rien n’est perdu. Les acteurs de la construction en France ont compris l’intérêt du hors-site. Parmi les avantages, une réduction des émissions de CO2 jusqu’à 40%. Christophe Cougnaud, Directeur Général - Cougnaud Construction, indique que la société privilégie la mixité des matériaux pour utiliser les bons matériaux au bon endroit.

 

La préfabrication, c’est aussi déployer des solutions plus durables. 2/3 des aciers utilisés par Cougnaud Construction proviennent de la filière recyclage. L’acier permet d’avoir « le meilleur ratio de performance en termes de dimensionnement ». Cette optimisation des ressources permet d’avoir moins de déchets. La société intègre aussi des dalles béton décarbonées (béton bas carbone de chez Hoffmann) et commence à travailler avec des matériaux biosourcés. 

 

Transporter du vide ? 

 

Les experts ont également apporté leur témoignage sur la partie « transport ». Sur le chantier « Etoiles de Sybelles », Ossabois a pu mesurer les bénéfices du hors-site. Livrer deux modules dans un même transport, « nous a fait économiser 4 camions », révèle Michel Veillon, Directeur Général. « Quand nous sommes en usine, nous livrons et nous recevons des marchandises par camion complet, alors que lorsqu’il faut livrer un chantier, il y a foisonnement. Il y a des problèmes de stockage, de livraisons en flux étalé ».

 

Les délais de livraison sont eux deux à trois fois inférieurs que sur un chantier traditionnel, selon Christophe Cougnaud. Une fois les éléments fabriqués en usine, ils sont très rapidement assemblés sur le chantier. Pascal Chazal parle ici de « construction modulaire hybride » qui nait de « l’alliance et la collaboration entre des industriels et des acteurs du bâtiment ».

 

Cette collaboration est évoquée par Emmanuel Coste, Président de l’Agence Coste Architectures. Il estime nécessaire de s’approcher de la méthode AGILE. « La loi MOP est très segmentée, très lourde. C’est l’architecte qui décide, il y a peu d’échanges avec les autres partenaires et finalement, on arrive à une sclérose de la conception ». « Aujourd’hui, on ne sait plus comment tenir les chantiers, il y a une perte de compétences, d’encadrement qui fait qu’aujourd’hui, nous soyons responsables de décalage de délais important, et pour nous, architectes, ce n’est plus tenable d’un point de vue économique ». 

 

Il fait bien sûr référence au BIM. « Ce qui m’a toujours motivé, c’est l’innovation au sens large, donc notamment l’informatique et le BIM ». Il y aussi l’impression 3D. Des outils qui permettent de capitaliser les savoirs et les expériences, et dont la mise en œuvre peut être facilitée par le hors-site. 

 

S’il y a standardisation, qu’en est-il de la liberté de création ? 

 

L’architecte insiste sur le fait que « ce n’est pas parce qu’on fait du hors-site, qu’on fait une mauvaise architecture. En impression 3D, c’est à nous d’inventer. Il n’y a pas de limite architecturale, on a une certaine liberté de forme ». De son côté, Michel Veillon ajoute : « La modularité, n’est pas contradictoire avec une notion de sur-mesure, de flexibilité ».

 

Transformer tout l’écosystème 


« Avec nos procédés hors site, nous avons les cartes en main pour présenter une solution d’avenir », estime Christophe Cougnaud. Mais quels sont les points de vigilance pour tout acteur de la construction ou tout groupe industriel souhaitant se lancer dans la préfabrication ? 

 

Pascal Chazal pointe le fait que les acteurs de l’immobilier et du bâtiment sont « sur un raisonnement à l’affaire. Avec ce système, il n’y aucune chance de faire de la construction hors-site ». « On va réussir si on trouve du volume et de la répétitivité. On peut y aller pas à pas, en faisait d’abord appel à la conception-réalisation. On peut aussi aller vers des marchés globaux de performance par exemple. Et la formule de l’accord-cadre a démontré sa pertinence en France. Ces systèmes permettent à des industries de se mettre en place ». 

 

Elia Abou-Chaaya, Directeur d'activité Hors-Site et Modulaire de BTP Consultants, appelle à une évolution du métier d’inspection vers un métier de conseil. C’est d’ailleurs ce qu’a mis en place l’organisme, une réorganisation de ses missions avec par exemple une assistance technique hors-site dans le cadre d’une démarche produit du maître d’ouvrage. Une évolution est également attendue sur la position des assureurs pour qu’ils puissent accompagner « ce changement de paradigme dans la manière de construire et de penser le bâtiment ». 


Rose Colombel
Photo de une : ©Adobe Stock

Sur le même sujet

bloqueur de pub détecté sur votre navigateur

Les articles et les contenus de Batiweb sont rédigés par des journalistes et rédacteurs spécialisés. La publicité est une source de revenus essentielle pour nous permettre de vous proposer du contenu de qualité et accessible gratuitement. Merci pour votre compréhension.