Économie circulaire : Comment transformer le bâtiment en profondeur ?
La Fondation Bâtiment-Énergie a été créée à l’initiative de l’Ademe et du CSTB, et fondée par Arcelor Mittal, EDF, Engie et Lafarge avec le soutien de l’État. Sa mission ? Soutenir l’innovation pour réduire d’un facteur 4 les consommations d’énergie, les émissions de gaz à effet de serre et le recours aux énergies renouvelables dans le secteur du bâtiment d’ici 2050.
Récemment, la Fondation a dévoilé les résultats de travaux menés pendant deux ans sur l’économie circulaire. Dans un édito, les partenaires du projet rappellent que le bâtiment produit, chaque année, 46 millions de tonnes de déchets. Le secteur est également un « gros consommateur » de ressources, un « large » contributeur aux émissions de gaz à effet de serre, et un important pourvoyeur d’emploi. Alors que le bâtiment fait face à une hausse des prix sur les matériaux, et des difficultés d’approvisionnement en matières premières, l’économie circulaire apparaît comme une solution adaptée.
Si de nombreuses études ont démontré la pertinence de la démarche, l’économie circulaire implique une transformation profonde du secteur du bâtiment. Les recherches menées par la Fondation proposent de nombreuses pistes « concrètes », dégagent des « méthodologies robustes » et qualifient de nombreuses applications, précisent les partenaires. Se référant à l’urgence climatique, à la raréfaction des ressources, et à la fragilisation critique des écosystèmes dans lesquels les matériaux vierges sont prélevés, ils appellent à mobilier les moyens « pour en généraliser la diffusion au plus vite ».
5 enjeux pour transformer le bâtiment
Les recherches ont porté sur cinq enjeux de déploiement de l’économie circulaire.
- Le développement des pratiques de réemploi
- L’approvisionnement en ressources locales et l’allongement de la durée de vie de la matière
- La réversibilité et la transformation d’usage des bâtiments pour éviter les flux « considérables de matières »
- La conception pour la démontabilité
- La capitalisation de la donnée (ou architecture de l’information).
S’agissant du réemploi, il est nécessaire d’en évaluer la performance. « Plus la quantité d’informations spécifiques à la phase de réemploi sera étendue, plus le champ possible de cas de réemploi sera large », indique le guide soulignant que la méthodologie implique de basculer d’un focus « produit » à un focus « usage futur ».
Le tout est d’anticiper les usages futurs, et plus largement, d’anticiper les contraintes et opportunités sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment. Les décisions prises en amont des chantiers (composants, systèmes, matériaux…) vont avoir un impact « considérable » sur la durée d’emploi des éléments, leur nature, leur origine, leur potentiel de réemploi ou de recyclage, mais aussi sur l’évolutivité et l’adaptabilité du bâtiment. Il est important de prendre en compte les phases « critiques » comme le « passage de témoin » (changement d’usage, transfert de propriété, fin d’occupation, etc.). « La démontabilité dépend des choix de conception et des agencements établis à l’échelle du bâtiment, tandis que les choix structurels sur le bâtiment lui confèreront un caractère réversible ou adaptable, ouvrant alors un débouché potentiel à des matériaux issus du réemploi ». Une analyse « multiscalaire » doit ainsi être menée.
Concernant les zones d’approvisionnement, le guide rappelle que chaque étape de circulation des matières est source d’impacts environnementaux. Il est donc nécessaire d’évaluer l’intérêt du réemploi selon les chantiers, notamment si l’usage final est « trop éloigné ». La planification locale ou territoriale en amont pourrait se révéler « être le lever à impact maximale ».
Une démarche collaborative
Les travaux révèlent l’importance d’une traçabilité « infaillible » des éléments d’un bâtiment qui doivent pouvoir être transmis à un concepteur d’un second cycle, différent du concepteur initial. « La qualité et les modalités d’échange d’informations à l’échelle territoriale sont des axes majeurs d’innovation et d’investissement pour l’ensemble des acteurs de la filière ».
Les données à capitaliser sont à minima : les plans du jour, le DOE, les carnets d’entretien, les rapports périodiques de contrôles, la capitalisation des caractéristiques techniques, de la composition chimique, de la notice de démontabilité… Pour conserver la donnée, il est préconisé de doubler la sauvegarde numérique par une sauvegarde papier sécurisée. Le marquage physique des matériaux (gravure, étiquette RFID, QR Code…) est « un gain de temps » pour identifier les produits et garantir la fiabilisation de leur identification.
Pour relever le défi de l’économie circulaire, l’ensemble de la filière doit s’engager. Une diversité de métiers qui souligne « la nécessité d’adapter les formations en amont, pour cultiver une culture du travail d’équipe, et une capacité d’analyse systémique, anticipant les interactions entre les différents enjeux ». Les savoir-faire et compétences doivent également être révisés : techniques d’assemblage, de montage et même de démontage. Tout comme les fonctions de logistique, de diagnosticiens, mesureurs, géomètres, et de bureaux d’études techniques.
Il est également nécessaire de faire évoluer la réglementation et les modèles économiques « qui peuvent encore trop souvent être opposés aux projets d’économie circulaire ».
Retrouvez l’ensemble des conclusions de la Fondation Bâtiment-Énergie ici.
Rose Colombel
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