Bonne percée de l'efficacité énergétique dans le monde
Un relatif consensus international émerge. Il voit l’efficacité énergétique comme une stratégie bénéfique pour chaque partie prenante : réduction de la dépendance aux importations d’énergie, réduction des émissions de gaz à effet de serre liées à l’énergie, préservation de la compétitivité des entreprises et du pouvoir d’achat des ménages...
Toutefois, ces bonnes nouvelles apparaissent en trompe-l’œil, avec un ralentissement généralisé de l’efficacité énergétique sur les années récentes. Les disparités régionales demeurent et des solutions nouvelles doivent être trouvées pour tenir compte de la réalité de chaque pays et ainsi passer à la vitesse supérieure.
L’édition 2013 du rapport sur l’efficacité énergétique dans le monde, réalisé par l’ADEME pour le Conseil Mondial de l’Energie, avec le concours d’ENERDATA, pointe les progrès sensibles observés partout dans le monde avec, évidemment, des différences régionales encore notables, fortement influencées par les économies dites émergentes.
Depuis 1990, au niveau mondial, l’intensité énergétique primaire (i.e. le ratio entre la consommation d’énergie primaire et le PIB d’un pays) a diminué au rythme de 1,3 % par an en moyenne et la diminution de l’intensité énergétique finale (i.e. le ratio entre la consommation finale d’énergie et le PIB) se révèle encore plus importante, de 1,6 % par an. Cette différence s’explique par l’augmentation rapide de la consommation d’électricité dont la production génère des pertes énergétiques dues aux faibles rendements de production et donc une baisse de l’efficacité du système de transformation de l’énergie.
La mondialisation entraine une convergence des performances
Au-delà de l’impact de la crise économique, l’efficacité énergétique progresse dans la plupart des pays du monde sous l’effet des politiques mises en place. Les écarts de performance sont notamment liés à des contextes économiques disparates comme, par exemple, la forte présence de l’industrie lourde en Chine, ou les prix de l’énergie au Moyen-Orient et au sein de la Communauté des Etats Indépendants. Le ralentissement important de l’efficacité énergétique en Inde et surtout en Chine depuis 2008 est préoccupant et pèse fortement sur les performances mondiales.
D’un point de vue sectoriel, l’intensité énergétique des transports a diminué dans toutes les régions du monde, de 10 % en moyenne entre 1990 et 2011. La baisse est encore plus forte en Chine et en Inde, où la consommation d’énergie des transports par habitant est beaucoup plus faible que dans l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Les progrès dans la consommation d’énergie des voitures, le développement des transports collectifs et le renchérissement du coût des carburants expliquent ces différences.
Dans le secteur résidentiel, si la consommation d'énergie par ménage a diminué de 0,8 % par an en moyenne au niveau mondial depuis 1990, les disparités nationales persistent. Les écarts sont particulièrement forts en termes de consommation électrique : 750 kWh par ménage par an en Inde, contre 1300 en Chine, 3500 en Europe, 5000 au Japon et encore 10 000 en Amérique du Nord.
Pour l’industrie on note une certaine convergence des performances entre régions du monde du fait de la mondialisation ; en outre les meilleures performances ne sont plus observées dans les pays de l’OCDE.
Au-delà des différences régionales en matière d’indicateurs d’efficacité énergétique, l’étude menée par l’ADEME s’intéresse également aux politiques publiques menées dans chacun des 85 pays étudiés, qui représentent plus de 95 % de la consommation mondiale d’énergie.
L’efficacité énergétique est devenue une priorité mondiale. Près des trois quarts des pays s’appuient désormais sur une institution spécialisée pour mettre en œuvre une politique nationale d’efficacité énergétique, en misant sur de nouvelles réglementations, des mécanismes financiers, voire des mesures fiscales (principalement dans l’OCDE). De même, 80 % des pays se fixent des objectifs quantitatifs en la matière, contre 40 % en 2006. Donnée révélatrice de cette « mondialisation » de l’efficacité énergétique : 70 % des pays étudiés ont banni les lampes à incandescence.
Plus précisément, l’étiquetage et les normes minimales d’efficacité énergétique se répandent rapidement, partout dans le monde. 100 % des pays de l’OCDE, 90 % des pays d’Asie et 50 % des pays d’Afrique étudiés ont introduit un étiquetage des performances des équipements, voire des bâtiments, le plus souvent obligatoire et sur un nombre croissant d’équipements. Les normes d'efficacité énergétique minimales qui concernent les appareils électroménagers, les véhicules et les nouvelles constructions sont mises en œuvre dans 80 % des pays étudiés. Ces normes sont cependant moins fréquentes pour les véhicules et limitées aux pays OCDE et aux BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud).
L’étiquetage des bâtiments de plus en plus répandu
Dans le secteur résidentiel, la réglementation monte en puissance : 70 % des pays appliquent des réglementations sur la construction de bâtiments neufs, obligatoires pour 90 % d'entre eux. L’étiquetage des performances des bâtiments est aussi une nouvelle approche, mise en place récemment dans les pays de l'UE et qui se propage à d'autres régions (par exemple au Chili).
Pour les appareils électroménagers, l’étiquetage constitue la mesure la plus courante, avec un nombre croissant d'appareils labellisés (9 dans les pays de l'UE, plus de 10 au Canada, en Chine et au Brésil, jusqu'à 19 aux USA). Bon moyen d'introduction des normes minimales d’efficacité énergétique, l’étiquetage est également en pleine expansion, notamment dans l’Union Européenne avec les nouvelles classes d'efficacité A +, A + + et A + + +, ou encore au Japon avec le programme « top runners ».
Environ, 70 % des pays étudiés ont mis en place des mesures fiscales ou financières, principalement sous forme de subventions directes aux investissements, de plus en plus souvent remplacées ou combinées à des prêts à faible taux d’intérêt dans les pays de l'OCDE. Les mesures financières visent surtout le secteur des bâtiments (40 %) tandis que les mesures fiscales s'appliquent souvent pour les voitures (taxe basée sur les émissions de CO2, par exemple). Dans l’industrie, les audits énergétiques (subventionnés ou obligatoires) se répandent, tout comme les incitations fiscales.
Si les « bonnes pratiques » tendent à se répandre, les spécificités de chaque pays appellent de nouvelles mesures appropriées combinant soutien à l’innovation, réglementation, fiscalité, information, accompagnement et suivi.
Le rythme de l'efficacité énergétique a ralenti dans la dernière décennie, en particulier dans les pays développés, qui ont déjà exploité les mesures les plus « faciles » et doivent désormais penser à des mesures innovantes : c'est le cas notamment en Europe pour la rénovation des bâtiments existants.
L’implication des entreprises privées (professionnels et producteurs d’énergie) apparaît fondamentale pour amener ce nouveau saut quantitatif et qualitatif et introduire davantage de souplesse dans la mise en œuvre des politiques publiques d’efficacité énergétique. C’est le cas, par exemple, avec l’approche des « certificats blancs », dont le principe consiste pour l’Etat à fixer des objectifs quantitatifs d’économies d’énergie à certaines parties prenantes (appelées les « obligés » : fournisseurs d’électricité, distributeurs de carburant...) pour une période donnée et à encourager d’autres parties prenantes (les « non-obligés ») à obtenir des certificats. Les « obligés » ont alors le choix entre réaliser eux-mêmes les économies d’énergie, acheter des certificats aux « non-obligés » ou encore payer une pénalité à l’Etat.
L’impact sur la consommation des compteurs intelligents
Les comportements et les usages des citoyens sont également clés dans l’amélioration de l’efficacité énergétique. Dans beaucoup de pays non OCDE, les prix de l’énergie sont encore largement subventionnés et devraient être progressivement ajustés pour refléter les coûts réels et donner des signaux plus incitatifs aux consommateurs pour favoriser les comportements les plus vertueux et les plus économes.
Des outils de financements innovants devraient également être créés pour soutenir les investissements des consommateurs. L’information qui leur est délivrée devrait être améliorée, notamment à travers la diffusion de dispositifs et équipements comme les compteurs intelligents qui délivrent une information aux utilisateurs sur leur consommation d’énergie. Une étude de cas dans 8 pays, réalisée par l’ADEME pour le Conseil Mondial de l’Energie, montre que la facturation « intelligente » de la consommation d’énergie en fonction des heures de consommation («smart billing») se traduit par une réduction sensible de la consommation d’électricité et de gaz.
L’évaluation des actions mises en œuvre se révèle en outre indispensable pour vérifier l’impact réel des politiques d’efficacité énergétique. La collecte et l’exploitation des données tout comme le développement d’indicateurs d’efficacité énergétique doivent ainsi permettre de mieux piloter les actions entreprises.
Enfin, le renforcement des coopérations régionales et transnationales ne pourrait être que bénéfique, pour harmoniser progressivement la réglementation et partager les connaissances et les bonnes pratiques.
L.P