Béton bas carbone : un bon compromis entre verdissement et performance ?
Un nouveau rapport de l’Agence Qualité et Construction (AQC) tend à faire un panorama des bétons à empreinte carbone réduite (sauf bétons biosourcés) et de leurs procédés de décarbonation. De cette façon, l’organisme a pu définir les points sensibles de la conception, fabrication et mise en œuvre de ces matériaux, et émettre des recommandations quant à leurs usages.
A savoir également que ces conseils ne tendent pas à substituer aux Règles de l’art relatives aux différentes parties d’ouvrages abordées et surtout varient selon leur conformité aux normes, qui elles-même changent selon la nature du béton. Par exemple, les bétons structuraux sont soumis à différentes règles de dimensionnement (textes Eurocode), leur définition (NF EN 206/CN (décembre 2014) ou NF EN 13 369), ou bien l’exécution (NF EN 206/CN 13 670, NF DTU 20.1…). Les non-structuraux bénéficient d’une plus grande liberté et d’optimisation de dosage notamment pour le béton de calage, remplissage ou comblement.
Un produit sans réelle définition
Le béton « bas carbone » peine encore à trouver une définition officielle et à bénéficier d’un cadre normatif et réglementaire. Il est seulement admis qu’un tel béton arrive, pour des performances égales à celles d’un béton de référence, à génèrer moins d’émissions de gaz à effet de serre.
Les normes 197-1 et 197-5 intègrent toutefois et démocratisent certains bétons formulés à partir de ciments comme celui CEM II C-M, constitué de clinker, de composés cimentaires (laitiers, cendres, pouzzolane) et de calcaire. On note aussi le Limestone Calcinated Clay Cement (LC3), constitué de clinker calcaire et argile calcinée.
Une façon de prendre en compte l’urgence de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans la production du matériau. Dans un béton non armé traditionnel C25/30 XC1/XC2 S3 prêt à l’emploi, le taux d’émission est de 188,05 kg.eq CO2/m3, avec un pic plus conséquent lors de la fabrication (190,11 kg.eq CO2/m3), compensé par la mise en œuvre (-26,36 kg.eq CO2/m3). Avec les bétons armés, qui contiennent des armatures, l’impact carbone est plus important, pouvant augmenter de 0,8 et 2,5 kg.eq CO2/m3.
Une variété de bétons « bas carbone »
Selon l’AQC, freiner le phénomène passe par plusieurs biais : diminuer la proportion du clinker - substance fortement émettrice - dans le liant, ou recourir à de nouveaux liants avec une composition minéralogique différente des ciments Portland par exemple. Il est possible également de substituer une partie du ciment à d’autres additifs (calcaire, laitier haut fourneau, cendres volantes, pouzzolanes ou argiles calcinées). La réduction de l’empreinte carbone du clinker peut aussi se faire par stockage et piégeage du CO2.
Des solutions concrètes ont ainsi pu voir le jour, telles que le développement d’un liant non hydraulique par une start-up américaine, dont le durcissement se fait par injection de CO2, nécessitant moins calcaire, et réduisant les émissions de gaz à effet de serre de 20 à 30 % par rapport à un ciment traditionnel.
Au-delà des bétons « bas carbone » conformes aux normes NF206/CN comme évoqués auparavant, d’autres catégories sont exposées dans le rapport : bétons validés par une approche performantielle, bétons de laitier de haut fourneau activé, et enfin les bétons émergents formulés à partir de nouveaux liants (sulfi-alumineux, géopolymères…). Or, d’une variété à un autre, les recommandations livrées par l’AQC ne sont pas les mêmes.
Un béton vert, mais performant
Globalement, si le choix d’une solution bas carbone se fait pour son impact environnemental et la rationalisation des ressources, il ne faut pas oublier de mesurer sa performance. Performance par sa résistance mécanique, au feu et aux environnement agressifs, tout comme son comportement au jeune âge, sa durabilité, sa capacité thermique ou sa fonction esthétique. Un compromis difficile à trouver, à mesurer et à pratiquer quotidiennement, d’autant quand le cadre normatif n’est pas uniforme,
Par exemple, les bétons « bas carbone », reconnus comme techniques courantes, disponibles et commercialisés, ne requièrent pas d’évolutions majeures lors de l’application. Une vigilance est toutefois nécessaire lors de la mise en œuvre et la cure. Par la faible teneur en clincker de ce matériau, des contraintes de cadences se présentent sur chantier : allongement du cycle de décoffrage, sensibilité à la fissuration dû au retrait, durcissement plus rapide du béton. Sur ce dernier point, l’AQC recommande d'ailleurs d’équiper les centrales en chaudières durant l'hiver, afin d’éviter le phénomène, notamment pour le béton prêt à l’emploi.
Côté bétons formulés à partir de liants non traditionnels ou émergents, le contrôle doit être plus scrupuleux et la flexibilité des équipements de production plus accrue. Ces derniers doivent en effet s’adapter aux cycles de malaxage, davantage ralentis par rapport à un béton traditionnel. Il est également encouragé que les maîtres d’ouvrages, maîtres d’œuvre et entreprises impliqués se renseignent, auprès de leur assureur, sur l’assurabilité des techniques non-courantes, que ce soit dans le cadre de contrats dommages et ouvrages comme de responsabilité civile décennale.
Virginie Kroun
Photo de une : Adobe Stock