Ascenseur : quand modernisation rime avec optimisation des consommations
640 000. C’est le nombre d’ascenseurs installés comptés dans les bâtiments en France, résidentiels et tertiaires confondus. Le parc global dont « la moitié a plus de 25 ans, le quart a plus de 40 ans », nous dénombre Pierre Ruffin-Demestre, directeur Modernisation chez Schindler France, avec « des appareils des années 70 qui sont avec des technologies hydrauliques ou des appareils des années 80 avec des vieux treuils et des consommations extrêmement importantes d’huile », abonde l’intéressé.
La tendance serait « plus prégnante en logement », plus exposé à la vétusté des appareils, « alors que pour les bureaux finalement, par une logique d’investissement et de revente ou de location, les ascenseurs souvent modernisés ou remplacés, parce que les usages de bureau ont évolués entre le moment où il a été installé et maintenant », défend-il. Or, entre une technologie de mobilité verticale des années 70 et les nouvelles, « on va pouvoir diviser quasiment par dix les consommations d’électricité annuelles ».
Mais sur quels volets le fabricant compte moderniser et optimiser ses solutions ?
Des travaux partiels au remplacement entier de l’appareil
Parmi les démarches, on relève des modernisations partielles, où on l’on change simplement quelques composants-clés comme la partie électronique ou la partie moteur de l’appareil, afin que le fonctionnement « soit plus fluide ». « On change le cerveau de l’ascenseur, qu’il puisse se mettre en veille quand il n’est pas utilisé. Parce que si on prend par exemple un immeuble résidentiel, quasiment 90 % du temps l’ascenseur va être à l’arrêt », nous répond en premier lieu Pierre Ruffin-Demestre.
« On doit couper sa télé et son ordinateur quand on l’utilise pas, et bien c’est la même chose vis-à-vis de l’ascenseur. Il faut que ça se passe de manière automatique, pour consommer le moins possible avec des mises en veille et qu’il puisse redémarrer de manière optimale quand on a besoin de lui. Ça c’est le service minimum », détaille-t-il.
Autre scénario possible : le remplacement complet de l’appareil. « Et donc tous les composants en eux-même, que ce soit électroniques et mécaniques, sont optimisés. Et la première optimisation, c’est la réduction de poids. Par exemple, sur des appareils aujourd’hui, un ascenseur classique dans du résidentiel qui transporte huit personnes, c’est à peu près 2,5 tonnes. Et quand on prend un ascenseur d’il y a dix ans, c’est quasiment 700 kg de plus, donc ça fait des masses à emporter qui sont beaucoup plus réduits et donc la consommation baisse », nous expose le directeur Modernisation de Schindler France.
Miser sur la connectivité
La connectivité a bien évidemment son rôle dans l’optimisation des consommations énergétiques des ascenseurs. Ainsi, le groupe Schindler encourage le déploiement d’ascenseurs avec des capteurs de présence, afin de repérer l’utilisation de l’appareil ou pas. À partir de ces données, l’ascenseur peut par exemple réguler la consommation de son éclairage global, mais aussi « l’éclairage des boîtes à bouton et de circuits informatiques. Et le fait de pas toucher un bouton pendant un laps de temps donné, ça peut être réglable aussi par retour d’information des usagers », nous décrit Pierre Ruffin-Demestre.
Le directeur Modernisation chez Schindler France poursuit : « On peut aller plus loin aussi avec la régénération de courant. Au niveau de la partie moteur et la partie électronique dans le fonctionnement de l’appareil, un petit peu comme un système de dynamo, on va avoir la régénération de courant et la possibilité que l’appareil génère de l’énergie pour l’utilisation globale du bâtiment ». Cela peut ainsi alimenter différents postes, de l’éclairage à un aspirateur en marche.
La connectivité sert également à la maintenance prédictive voire l’anticipation de la panne. « Vis à vis de la maintenance, il y a 9 visites sur site par an, toutes les six semaines un technicien passe », nous rappelle M. Ruffin-Demestre. « Si un capteur a donné l’information comme quoi au niveau des portes, l’ouverture/fermeture est plus longue qu’à l’accoutumé, il va pouvoir y avoir un réglage qui va être fait à ce moment-là ou l’anticipation d’un changement de pièce. Donc le fait d’avoir connecté des appareils, ça va aussi permettre d’éviter des déplacements intermédiaires d’un technicien et d’être complètement transparent pour l’usager », ajoute-t-il.
Décarboner la conception et la fabrication des ascenseurs
Les optimisations de consommations se manifestent pour Schindler également dans la partie conception et fabrication, à commencer par ses cabines et structures, fabriquées en Slovaquie. « La démarche au tout début était facile au niveau, parce que la plus grande partie c’est de l’acier et c’est recyclable », nous confie Pierre Ruffin-Demestre.
Mais à l’heure où la REP bâtiment tend à massifier l’économie circulaire à l’échelle du secteur, Schindler entend aller plus loin, notamment en termes de réemploi de cartes électroniques, produites en Suisse italienne. La marche à suivre : « vérifier qu’elles soient toujours en bon fonctionnement, si c’est pas le cas les réparer, avoir aussi des ateliers pour les réparer et les remettre dans une circuit de réparation », nous explique le directeur Modernisation de Schindler France.
D’autant que l’approvisionnement en cartes électroniques est un enjeu dans le bâtiment, mais plus globalement de souveraineté industrielle européenne, vis-à-vis de pays mastodontes en la matière tels que Taïwan. « Le fait de pouvoir réemployer, par rapport à la satisfaction client et de la réduction de délais est un point important. Nos clients nous demandent aujourd’hui d’avoir une démarche de réemploi », complète M. Ruffin-Demestre.
Former aux nouvelles technologies sans remettre en question le savoir-faire technique ancien
Mais ce n’est pas tout d’innover dans la modernisation des ascenseurs, encore faut-il convaincre les professionnels, en particulier les techniciens ascensoristes. D’après Pierre Ruffin-Demestre, l’adoption de ces nouveaux procédés et technologies semble unanime, ne serait-ce que pour le gain en sécurité qu’ils apportent.
« Et par rapport aussi à l’aspect dépannage, avoir des armoires avec un écran qui donnent des informations, avoir sur les smartphones des informations dédiées, la recherche de panne qui est optimisée..., c’est une transformation dans le métier. Ça les responsabilise mais il y a aussi un savoir faire qui n’est pas remis en question mais qui est optimisé par l’ajout de nouveaux outils », nous confie le directeur Modernisation de Schindler France.
Une philosophie que Schindler France tend à appliquer sur son campus de formation à Rungis, où les techniciens sont formés aux technologies anciennes comme nouvelles.
Propos recueillis par Virginie Kroun
Photo de Une : Pierre Ruffin-Demestre - LinkedIn