Des pesticides dans les deux tiers des eaux contrôlées en 2002
contaminées par des pesticides, selon les contrôles effectués en 2002 et
publiés lundi par l'Institut français de l'environnement, trois jours après
l'abandon par le gouvernement du projet de taxe sur les pollutions d'origine
agricole.
Les pesticides, dont la France est le troisième utilisateur mondial, sont utilisés principalement par l'agriculture pour lutter contre les mauvaises herbes, les insectes et les maladies. Ils sont suspectés d'entraîner des malformations congénitales chez les garçons, une diminution de la fertilité masculine et des troubles neurologiques.
En 2002, près de 400 molécules chimiques ont été recherchées dans 5.143 points de mesure (dont 1.462 sur les eaux de surface et 3.681 dans les nappes souterraines). Au total, 1,6 million de résultats d'analyses ont été traités.
Les captages d'eau potable ne sont pas épargnés: 39% des prises d'eau en rivière présentent des niveaux de pesticides rendant nécessaire un traitement, et 21% en eau souterraine, selon l'IFEN. 5% de la population a été alimentée au robinet en 2001 par une eau ayant dépassé au moins une fois la limite légale de 0,1 microgramme de pesticides par litre, révèle le rapport.
Ces données sont quasiment identiques d'une année sur l'autre, montrant la permanence du phénomène. Le ministère de l'Ecologie reconnaît, dans sa présentation de la future loi sur l'eau, que "l'objectif de bon état écologique des eaux n'est atteint actuellement que sur environ la moitié des points de suivi de la qualité des eaux superficielles".
"Sans inflexion de la politique menée, tout laisse à penser que la situation ne peut s'améliorer", ajoutait le ministère, qui proposait de taxer les sacs d'engrais et les aliments pour bétail des agriculteurs, responsables des nitrates qui polluent les eaux et les sols.
Vendredi, le ministre de l'Agriculture, Hervé Gaymard, a annoncé que le projet de taxe "azote" était enterré, après un arbitrage de l'Elysée. Le ministère de l'Agriculture a réagi lundi au rapport de l'IFEN en annonçant que "de nouvelles actions seront présentées à l'automne 2004". Il s'agit notamment de "sécuriser la mise sur le marché et l'utilisation" des pesticides, et de "renforcer les actions pour faire évoluer les pratiques agricoles", sans plus de précision.
Une législation européenne (directive cadre du 23 octobre 2000) impose aux Etats membres de parvenir à un "bon état" des eaux d'ici 2015. La France, déjà condamnée par la Cour européenne de justice pour le mauvais état des eaux en Bretagne, risque de se retrouver en infraction, d'autant que les valeurs limites ont toutes les chances d'être durcies.
L'enjeu est de taille: 9,2 milliards d'euros d'aides ont été versés entre 1997 et 2002 sans que la qualité des eaux s'améliore, notait en février la Cour des comptes dans un rapport sévère sur la politique de l'eau en France.
La Cour jugeait que les aides, financées pour les trois quarts par les ménages, "vont à l'encontre des principes fondamentaux du droit de l'environnement que sont le principe d'action préventive et le principe pollueur payeur".
Les agriculteurs, responsables d'une grande partie de la pollution des eaux, acquittent 1% des redevances versées aux Agences de l'eau. Ils perçoivent neuf fois plus d'aides qu'ils ne versent de taxes.