La société à 2000 watts, le pari énergétique ambitieux de la Suisse
Dans le cadre de partenariats public-privé, de nombreuses communes s’engagent aux cotés des trois grandes villes suisses pour tester des modèles et des technologies adaptés afin de réduire d’un facteur de 3 à 4 le besoin en énergie et abaisser la part des énergies fossiles de manière à stabiliser les émissions de gaz à effet de serre à 1 tonne de CO2 par personne et par an. En Suisse, les besoins annuels moyens en énergie primaire s’élèvent à6500 watts par personne, et les émissions de CO2 sont de l’ordre de 9 tonnes par personne et par an (soit une consommation d'énergie primaire par habitant en Suisse d'environ 55 000 kilowattheures kWh). Novatlantis, le programme de durabilité du domaine des EPF (Écoles polytechniques fédérales), s’emploie à tisser le lien entre les réseaux locaux, nationaux et internationaux engagés dans la poursuite d’un objectif commun, étape incontournable sur la voie de la société à 2000 watts. Ces objectifs sont en accord avec les recommandations du GIEC visant à contenir le réchauffement climatique a + 2 °C d’ici a 2015.
L'efficacité énergétique du bâtiment, mais pas seulement
Est-ce vraiment réalisable ? Techniquement, la société à 2000 watts est réalisable selon des chercheurs du domaine des EPF. Moins d’un tiers des énergies aujourd’hui disponibles suffirait à couvrir les besoins quotidiens des pays d’Europe occidentale. « Cet objectif exige une adaptation du comportement d’utilisation et de consommation, mais aussi des infrastructures efficaces sur le plan énergétique » précise Kurt Egger, Directeur de SuisseEnergie pour les communes. Pour atteindre la société à 2000 watts (respectivement la société à 3500 watts d'ici 2050), toutes les collectivités doivent viser une réduction de la consommation d’énergie primaire (et des émissions corrélatives des gaz à effets de serre) à l’échelle de leur territoire.
Pour la société à 2000 watts, les bâtiments, gros consommateurs d'énergie, doivent être conçus conformément aux objectifs de performances énergétiques de la SIA (Société suisse des Ingénieurs et des Architectes). Très souvent, les bâtiments doivent répondre au standard Minergie-P-Eco, sinon afficher des proportions réduites en termes de surface utile par personne. Outre l’efficacité énergétique du bâtiment, l’énergie grise ainsi que les trajets supplémentaires générés sont également pris en compte dans l’évaluation de la durabilité. La mobilité par l’utilisation doit être impérativement intégrée au catalogue de critères pour l’évaluation de l’efficacité énergétique et environnementale du bâtiment de la société à 2000 watts.
Les actions au niveau local efficaces
La réalisation ne dépend toutefois pas seulement des techniques disponibles pour les Suisses, mais fait également appel à des processus de développement interdisciplinaires. Le succès d’une construction durable repose sur la coopération entre investisseurs, architectes, concepteurs spécialisés et autorités selon eux. Pour réduire la consommation d’énergie dans le secteur du bâtiment, il ne suffit pas de disposer de concepts novateurs pour les constructions nouvelles, il convient également de privilégier la rénovation de l’immobilier existant. « La majorité de nos habitations datent d’avant 1970 et présentent ainsi un besoin de rénovation important, nécessitant des innovations techniques auxquelles se consacre le domaine des EPF. Il importe par ailleurs d’améliorer le système d’incitation, à l’image de ce que proposent les Cités de l’énergie et les régions partenaires du programme Novatlantis » indique le Professeur Dr Jean-Louis Scartezzini, Directeur du Laboratoire d’Energie Solaire et de Physique du Bâtiment de l’EPFL et Président de la Commission de Recherche du CCEM.
La Société à 2000 watts vise donc à long terme une réduction durable de la consommation d'énergie primaire de la Suisse et des émissions de gaz à effet de serre connexes. Des communes pionnières parmi les plus de 200 Cités de l'énergie suisses sont des exemples qui prouvent la diversité et l'efficacité des actions au niveau local. Applicable en France ?
Bruno Poulard