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La biomasse a le vent en poupe dans les réseaux de chaleur urbains

Publié le 29 janvier 2024

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Nombre d’élus ont vu le prix de la facture énergétique augmenter dans leur commune, notamment depuis que la guerre en Ukraine a éclaté. Dans ce contexte, certains se sont tournés vers les énergies renouvelables, et notamment la biomasse, pour alimenter les réseaux de chaleur urbains.
La biomasse a le vent en poupe dans les réseaux de chaleur urbains - Batiweb

De nombreuses communes françaises ont dû repenser leur façon de s’alimenter en énergie, notamment depuis le début de la guerre en Ukraine, il y a bientôt deux ans. Ce conflit armé a aggravé d’importantes hausses des prix des énergies, et nombre d’élus et de collectivités ont compris la nécessité de s’éloigner des combustibles fossiles, s’ils souhaitaient voir leurs factures baisser.

Les réseaux de chaleur urbains (RCU) ont clairement été envisagés, et la façon de les alimenter a été repensée dans de nombreuses villes. La guerre en Ukraine a entraîné un fort mouvement de décarbonation de l’ensemble des RCU. Et à en croire Pierre de Montlivault, président de la Fedene, la France est l’une des meilleures élèves en termes de décarbonation des RCU. « En France, les réseaux de chaleur urbains utilisent pour deux tiers de leur énergie, en moyenne nationale, de la chaleur verte et de récupération ».

Des statistiques qui sont certainement amenées à se bonifier. Depuis deux ans, de nombreux projets de création, d’extension ou de verdissement ont vu le jour concernant les RCU. Y compris à Paris, dont les chaufferies fonctionnent majoritairement aux énergies de récupération.

 

Le Fonds Chaleur, une aide bienvenue mais pas encore suffisante

 

Pour accélérer le verdissement des RCU, les municipalités peuvent notamment compter sur le Fonds Chaleur, un dispositif de soutien financier créé en 2009 par l’État, qui a permis l’accélération des projets d’énergie renouvelable et de récupération, et en particulier les RCU et les chaufferies biomasse.

Une aide bienvenue, mais qui n’est pas encore suffisante selon Valérie Weber-Haddad, directrice des filières chaleur-froid et transport du Syndicat des Énergies Renouvelables (SER). Le gaz, combustible fossile utilisé dans de nombreux réseaux de chaleur urbains, pâtit du conflit qui oppose la Russie et l’Ukraine. Son prix est donc soumis aux différents phénomènes géopolitiques. S’il est aujourd’hui plus cher que la biomasse, le gaz peut à tout moment redevenir attractif pour les municipalités.

C’est pourquoi, selon Mme Weber-Haddad, il est primordial d’augmenter le Fonds Chaleur pour faire face à cette variable. Malheureusement, les choses ne sont pas aussi simples. « Cela fait des années que, toutes fédérations confondues, on demande une hausse du Fonds Chaleur. On sait qu’aujourd’hui il n’y a pas assez, malgré une enveloppe de 820 millions d’euros, parce qu’il y a déjà presque autant dans le portefeuille de projets en instruction à l’Ademe », explique Valérie Weber-Haddad. « Nous demandons minimum un milliard dans l’enveloppe, et à reproduire chaque année », ajoute-elle.

 

S’éloigner des combustibles fossiles, sans pour autant leur tourner le dos

 

Seulement voilà, il va être compliqué pour les réseaux de chaleur urbains de se passer totalement des combustibles fossiles. Un RCU peut tourner uniquement à la biomasse, mais en fonction des besoins en énergie, il peut être nécessaire d’avoir recours aux énergies fossiles, comme l’explique Pierre de Montlivault : « Quand on fait face à des vagues de froid par exemple, on a besoin de beaucoup plus d’énergie. On peut dans ce cas-là démarrer rapidement des chaudières gaz. Aujourd’hui, avec le bois, on est capable de produire sans difficulté 80 % de la chaleur consommée, mais on garde 20 % de gaz pour gérer ces pics de besoin de chaleur ».

Une nécessité d’avoir recours aux combustibles fossiles que l’on retrouve également en été, comme l’explique Cindy Melfort, chargée d’études sur les réseaux de chaleur et de froid au Cerema Ouest : « En été, quand les consommations sont trop faibles, et afin de ne pas faire tourner la chaufferie biomasse en sous-régime, c’est l’appoint qui va prendre la relève, comme le gaz par exemple. On a donc une complémentarité entre les chaudières gaz et les chaudières biomasse ».

 

De nombreuses cibles à atteindre, et des pièges à éviter

 

Si le déploiement et la décarbonation des réseaux de chaleur urbains se sont accélérés dernièrement, il reste tout de même de nombreuses villes à équiper, et de nombreux maires à convaincre d’avoir recours aux chaufferies biomasses pour leur réseau. Ces cibles potentielles sont pour la plupart des villes intermédiaires, d’environ 10 000 habitants, qui n’ont pas encore développé de réseaux de chaleur.

Les communes rurales peuvent également être susceptibles d’accueillir des réseaux de chaleur urbains, comme nous l’explique Mme Melfort : « Quand on a plusieurs bâtiments d’une collectivité, comme une école, une salle des fêtes, une mairie… On peut se dire que plutôt que d’avoir chaque bâtiment qui a sa solution dédiée, n’y a-t-il pas moyen de mutualiser et d’équiper ces bâtiments afin de n’avoir à surveiller qu'un seul équipement plutôt que plusieurs ? »

Reste que certains obstacles peuvent se dresser. Le foncier, nécessaire à l’implantation de tels réseaux, a vu son prix grimper au fil des années. Le ZAN est aussi à prendre en compte dans l’équation. Enfin, les ressources en bois sont également à surveiller, avec des forêts françaises de plus en plus soumises aux sécheresses et à la disparition de la biodiversité.

 

Quelles ressources disponibles ?

 

Fort heureusement, les chaufferies biomasses ne fonctionnent pas uniquement au bois de forêt, comme nous l’explique Valérie Weber-Haddad : « On pense souvent que pour chauffer ces chaufferies, on sollicite des ressources venant de la forêt. Pas seulement, au contraire. Il y a beaucoup d’origines du bois. Cela peut être du bois en fin de vie, ou issu de l’entretien des parcs et jardins des espaces verts des villes. N’oublions pas non plus les granulés, qui sont des coproduits de la transformation du bois. C’est toute une palette de sources d’approvisionnement qui sont locales et diverses, et partout sur le territoire ».

Les agriculteurs, dont les terres représentent des espaces non négligeables, sont également sollicités pour assurer le réapprovisionnement des ressources en bois. Un grand plan de plantation de haies a été lancé par le ministère de l’Agriculture en 2021. Celui-ci vise à inciter les agriculteurs à planter des haies sur leurs terres, en échange d’un revenu. « En procédant à l’élagage de ces haies, on récupère les branches et on en fait du bois énergie », explique M. de Montlivault.

 

Pour atteindre les objectifs, il va peut-être falloir serrer la vis

 

Autant de ressources qui doivent permettre de verdir toujours davantage les réseaux de chaleur urbains. Les chaufferies biomasses, qu’elles soient dédiées à un bâtiment, à une industrie ou connectées à un réseau de chaleur, représentent aujourd’hui 31 térawattheures de production de chaleur renouvelable en France métropolitaine. Cette production tend à augmenter dans les années à venir. « On projette 59 térawattheures en 2028 et 70 en 2030», affirme la directrice des filières chaleur-froid et transport au SER.

Une augmentation de la production issue des chaufferies biomasses, qui, au-delà de passer par un verdissement des RCU, passe également par leur extension et leur création. Aujourd’hui, « si on crée un réseau, il est forcément vert dès le départ. Et si on agrandit un réseau, on en profite pour le verdir davantage », résume le président de la Fedene.

En combinant l’ensemble des ressources disponibles qui permettent de produire de l’énergie renouvelable, à savoir les ressources en matière de géothermie, de chaleur de récupération et de bois énergie, la Fedene a constaté qu’il serait possible de doubler la taille des réseaux de chaleur et de froid. « On pourra ainsi passer de deux tiers de chaleur renouvelable à 75 % de chaleur renouvelable et de récupération. On va très fortement et très rapidement augmenter le caractère décarboné des réseaux de chaleur. On sera à 75 % en 2030 et même 80 % en 2035», se réjouit Pierre de Montlivault.

Pour être certain d’atteindre tous ces objectifs, il faut donc densifier, verdir, construire. La dynamique semble plutôt bonne puisque depuis 2022 et la crise en Ukraine, le nombre de demandes de raccordement des bâtiments a été multiplié par trois

Concernant les maires des petites communes qui ne possèdent pas de RCU, la Fedene propose d’accompagner ces élus dans la réalisation d’un tel projet. En cas de réticence de ces derniers, la fédération réfléchit à des dispositifs législatifs qui obligeraient les maires à une étude de faisabilité. « Cela obligerait ces maires à se poser la question. Ils décideront ensuite de quoi faire au conseil municipal, mais se rendront bien compte des enjeux en termes d’emploi, d’économie et de décarbonation », explique M. de Montlivault.

 

Jérémy Leduc

Photo de Une : Adobe Stock

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