Alors que le gouvernement s’apprête à relever d’un cran la décentralisation, le bilan des transferts de compétence engagés depuis vingt ans laisse rêveur. Petit retour chiffré sur 20 années de chantiers territoriaux.
Une révolution silencieuse et profonde dont les effets ont profondément modifié la vie dans notre territoire. Bien qu’étant très réductrice, cette phrase pourrait aisément résumer les effets des lois de décentralisation qui depuis 20 ans ont remodelé notre environnement. Mais mieux encore que les mots, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En effet, depuis les premières lois élaborées par Gaston Deferre en 81, ce sont ainsi plus de 59 000 écoles primaires qui ont été construites ou rénovées par les communes. Des écoles auxquelles il faut ajouter 56 000 bâtiments ou complexes sportifs, 570 000 km de routes communales et plus de 180 000 km de canalisations d’eaux usées. Les départements ne sont pas en reste et leurs actions se soldent entre-autre par 5 000 collèges neufs, 370 000 km de routes départementales entretenues et 600 000 km de canalisations d’eau potables changées ou installées. Enfin les régions sont à l’origine des 1 500 lycées neufs de notre pays. Il ne s’agit cependant là que de la partie émergée d’un immense iceberg. L’action des collectivités territoriales étend en effet par poussées successives son rayon d’intervention. Depuis janvier 2002 la totalité des réseaux TER (trains express régionaux) est « portée » par les Régions. En parallèle, les ports, les aéroports, et nombres de grandes structures d’échanges (marchés d’intérêts régionaux, plates-formes logistiques…) vont ou sont déjà placés sous leur contrôle. On ne compte plus en outre les milliers de structures destinées à faciliter l’emploi et l’installation de nouvelles entreprises. Certaines collectivités, comme en Normandie, sont même allées jusqu’à acquérir des ports étrangers afin de faciliter les échanges des entreprises de leur région. D’autres ont des représentations permanentes dans les grandes villes d’Europe, de curieuses « ambassades bis » qui jouent leur carte en toute indépendance.
Transfert d’insuffisance
Mais toute médaille à son revers. En effet, si le transfert de compétence a joué pleinement son rôle dans certains secteurs, les domaines de faiblesse de l’Etat sont souvent devenus à leur tour les points faibles des collectivités locales ou territoriales. C’est fréquemment le cas des structures sociales ou hospitalières, des domaines où les transferts de compétence ce sont malheureusement souvent traduits financièrement par des transferts d’insuffisance. Des secteurs ou de surcroît le chassé-croisé des organismes locaux et nationaux de même objet supprime toute efficacité et toute lisibilité. Ces points faibles cristallisent souvent les mécontentements et poussent les élus vers une inflation de la fiscalité locale. Pour nombre d’entre eux, l’heure n’est donc pas encore venue de la fin de la tradition jacobine. En attendant, la mise en place des nouvelles mesures de décentralisation pourrait bien être accompagnée d’une autre révolution tout aussi silencieuse : celle des territoires. Une révolution où l’avènement des « Collectivités de communes » et des « Bassins de vie » marquerait, comme beaucoup le réclame, la fin des départements.